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L’Algérie a offert des bouteilles de vin à George Bush
Par Kamel Daoud
Face à la démocratie du « Grand Satan » US, Dar El Islam semble être un effroyable parti unique composé de gens qui ne croient en rien, de gens qui croient que Dieu croit en eux exclusivement ou de gens qui croient que tout le reste de l’humanité croit qu’ils sont mauvais. Jugez-en finalement :
Contrairement à l’Algérie où les députés ont voté une loi anticorruption qui exclut l’enquête sur eux-mêmes et sur le reste des hauts cadres de l’Etat, la loi oblige le président US, le Bush, a déclarer jusqu’à la liste des cadeaux qu’il reçoit des autres présidents des autres pays. Pour la liste 2004, l’Algérie y figure comme l’un des trois pays (les deux autres sont la Géorgie et la Tunisie) qui ont offert 78 bouteilles de vin à G.W. Bush.
Le geste a une saveur idéologique rare: il s’agit d’un pays musulman, qui a fait le choix politique d’un islamisme assimilé et qui prêche pour les siens un conservatisme capable de les fixer dans l’âge immobile de l’adoration totémique, qui offre un cageot de bon vin au président d’un pays sans religion officielle déclarée, placé en haut de la liste des pays impies, selon nous, et dont le président a arrêté de boire il y a longtemps pour se convaincre de sa propre mission sur terre.
Le geste peut être compris comme un geste de politesse, une erreur de diplomatie, sachant que Bush ne connaît plus que l’ivresse de son empire, un acte de promotion de la viticulture algérienne qui a été relancée sans qu’on pense à l’indisponibilité des caves néo-coloniales transformées en villas ou dépôts de limonade, une hérésie doctrinale commise par un pays religieux dans le dos de sa propre religion constitutionnelle, ou une simple attention de bon voisinage entre deux pays dont l’un habite le dernier étage et l’autre la terrasse de l’univers.
Dans tous les cas, le geste est fort, politiquement forfaitaire, intellectuellement rare et idéologiquement contradictoire. Pour en comprendre le fond, il faut peut-être en inverser la forme: c’est-à-dire imaginer Bush offrant 78 cochons gras à un pays musulman pour en accélérer la démocratisation et le démantèlement des interdits alimentaires. Le scandale y aurait été énorme mais pas impossible. Ce qui est tout à fait impossible, c’est de voir le président d’un pays arabe publier annuellement la liste des cadeaux que lui offrent ses pairs. D’où le vrai fond du problème :
C’est-à-dire non pas le vin, le cadeau d’une bouteille, l’importation temporairement interdite en Algérie ou la relance de la viticulture algérienne après la polémique sur la colonisation positive avec la France, mais bien la démocratie. La vraie: celle qui impose à un président de publier la liste des cadeaux reçus face à la démocratie des pays où les hauts cadres ne sont même pas obligés de publier la liste de leur patrimoine mais sont convaincus qu’il faut débattre de l’importation des vins en Algérie.
Précisons en dernier que « la loi américaine oblige le président et ses plus hauts collaborateurs à déclarer les cadeaux qui leur sont faits et à les remettre aux Archives nationales ou à d’autres institutions ». Le vin algérien ne sera pas bu.
LeQuotidien-Oran
Par Kamel Daoud
Face à la démocratie du « Grand Satan » US, Dar El Islam semble être un effroyable parti unique composé de gens qui ne croient en rien, de gens qui croient que Dieu croit en eux exclusivement ou de gens qui croient que tout le reste de l’humanité croit qu’ils sont mauvais. Jugez-en finalement :
Contrairement à l’Algérie où les députés ont voté une loi anticorruption qui exclut l’enquête sur eux-mêmes et sur le reste des hauts cadres de l’Etat, la loi oblige le président US, le Bush, a déclarer jusqu’à la liste des cadeaux qu’il reçoit des autres présidents des autres pays. Pour la liste 2004, l’Algérie y figure comme l’un des trois pays (les deux autres sont la Géorgie et la Tunisie) qui ont offert 78 bouteilles de vin à G.W. Bush.
Le geste a une saveur idéologique rare: il s’agit d’un pays musulman, qui a fait le choix politique d’un islamisme assimilé et qui prêche pour les siens un conservatisme capable de les fixer dans l’âge immobile de l’adoration totémique, qui offre un cageot de bon vin au président d’un pays sans religion officielle déclarée, placé en haut de la liste des pays impies, selon nous, et dont le président a arrêté de boire il y a longtemps pour se convaincre de sa propre mission sur terre.
Le geste peut être compris comme un geste de politesse, une erreur de diplomatie, sachant que Bush ne connaît plus que l’ivresse de son empire, un acte de promotion de la viticulture algérienne qui a été relancée sans qu’on pense à l’indisponibilité des caves néo-coloniales transformées en villas ou dépôts de limonade, une hérésie doctrinale commise par un pays religieux dans le dos de sa propre religion constitutionnelle, ou une simple attention de bon voisinage entre deux pays dont l’un habite le dernier étage et l’autre la terrasse de l’univers.
Dans tous les cas, le geste est fort, politiquement forfaitaire, intellectuellement rare et idéologiquement contradictoire. Pour en comprendre le fond, il faut peut-être en inverser la forme: c’est-à-dire imaginer Bush offrant 78 cochons gras à un pays musulman pour en accélérer la démocratisation et le démantèlement des interdits alimentaires. Le scandale y aurait été énorme mais pas impossible. Ce qui est tout à fait impossible, c’est de voir le président d’un pays arabe publier annuellement la liste des cadeaux que lui offrent ses pairs. D’où le vrai fond du problème :
C’est-à-dire non pas le vin, le cadeau d’une bouteille, l’importation temporairement interdite en Algérie ou la relance de la viticulture algérienne après la polémique sur la colonisation positive avec la France, mais bien la démocratie. La vraie: celle qui impose à un président de publier la liste des cadeaux reçus face à la démocratie des pays où les hauts cadres ne sont même pas obligés de publier la liste de leur patrimoine mais sont convaincus qu’il faut débattre de l’importation des vins en Algérie.
Précisons en dernier que « la loi américaine oblige le président et ses plus hauts collaborateurs à déclarer les cadeaux qui leur sont faits et à les remettre aux Archives nationales ou à d’autres institutions ». Le vin algérien ne sera pas bu.
LeQuotidien-Oran
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