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Bonjour, la France est vraiment un pays paradoxal, elle ne fait aucun effort pour satisfaire les touristes étrangers.
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Cher Li,
J'ai finalement suivi tes conseils. Comme toi l'année dernière, et surtout comme 76 millions d'autres visiteurs étrangers, j'ai été passer quelques jours de vacances en France, laissant Shanghaï à son vacarme et à sa pollution. Tu m'avais tellement vanté l'harmonie des paysages de ce lointain pays, la force des traditions, la richesse du patrimoine et la douceur du climat que j'ai finalement pris un billet d'avion pour Paris, remettant à une autre année mon idée de voyage à Rome.
Me voici donc au Mont-Saint-Michel après une halte de trois jours à Paris et avant une visite au parc EuroDisney. Je sais que tout cela est bien rapide et que je ne tirerais qu'une vision partielle de ce pays. Mais pour le moment, j'ai encore du mal à comprendre comment la France est devenue la première destination touristique au monde, très loin devant l'Espagne, les États-Unis et notre si belle Chine.
Bien sûr, lorsqu'on se trouve au pied de ce monastère, sur ce promontoire rocheux où les petites ruelles, les passages obscurs et les portes étroites recèlent des siècles d'histoire, on réalise que notre fameuse muraille de Chine n'est pas la seule à pouvoir prétendre être la huitième merveille du monde. De la même manière, quand on foule les parquets de la galerie des Glaces à Versailles et qu'on scrute les plafonds, tout juste restaurés, de cette demeure royale, on comprend bien que ce n'est pas la jalousie qui a poussé les Français à mettre à sac le Palais d'été de nos anciens empereurs à coté de Pékin. Et que dire de Notre-Dame de Paris, des Champs-Élysées ou des vitraux de la Sainte-Chapelle ? Mais tu connais tout cela mieux que moi.
En revanche, ce que tu ne m'avais pas dit sur la France, c'est que toutes ces visites, tous ces décors superbes, il faut vraiment les mériter. Il y a tant d'obstacles pour y parvenir, tant de désagréments dans les déplacements quotidiens, tant d'impréparation dans l'accueil des touristes qu'il faut se forcer pour partir à la découverte de ce vieux pays.
As-tu seulement remarqué comme leurs aéroports sont archaïques ? C'est vrai qu'à Shanghaï, nous sommes gâtés de ce point de vue-là. Mais après un vol de 11 heures, c'est tout de même étonnant de voir notre avion parqué à plusieurs centaines de mètres du terminal, d'avoir à prendre un bus non climatisé pour rejoindre l'aéroport, puis d'attendre 45 minutes à la douane, parce que les deux seuls préposés au contrôle des passeports prennent le temps de bavarder entre eux. Et que dire ensuite de la livraison des bagages réceptionnés sur un autre tapis que celui annoncé pour cause de panne technique. C'est peut-être du détail. Mais tu conviendras qu'après la fatigue du voyage, c'est énervant. Il paraît que la société qui gère leurs aéroports vient d'être introduite en Bourse. Elle a du pain sur la planche !
Notre hôtel, heureusement, est confortable. Il est situé rue de Rivoli. Parce qu'après avoir dévoré le Da Vinci Code, je voulais être sûr d'être dès le mardi matin à l'ouverture du Musée du Louvre. Ce que j'ignorais, et manifestement je n'étais pas le seul, c'est qu'en France, c'est le jour de fermeture des musées. J'avais été à Londres, à New York, et jamais une telle mésaventure ne m'était arrivée. Mais enfin, les Français ne travaillent que 35 heures par semaine. Alors, forcément, ils sont obligés de fermer de temps à autre l'accès à leurs trésors artistiques au risque de perdre beaucoup de recettes.
J'y suis tout de même retourné le lendemain, avant d'aller à Saint-Sulpice voir le monument ésotérique dont Dan Brown parle dans son livre. Mais figure-toi qu'il m'a fallu vingt minutes avant de trouver un taxi. Et encore il ne parlait pas anglais, et sa voiture sentait la cigarette à plein nez. À l'hôtel, un réceptionniste m'a expliqué que tout cela était normal. Le nombre de taxis est plafonné à Paris. Si bien qu'il y en a 10 000 de moins aujourd'hui qu'en 1925. Drôle de pays, où tout semble fait pour limiter la possibilité de travailler.
À l'hôtel, tout le monde ou presque parle anglais. C'est un peu normal : il appartient à un groupe américain. Tous les grands hôtels parisiens appartiennent d'ailleurs à des investisseurs étrangers. Et même le groupe Accor, qui est présent à Shanghaï, voit son capital grignoté par un fonds californien. C'est ce que m'a expliqué un banquier britannique que j'ai rencontré au bar de l'hôtel. Il trouve cela lui aussi bizarre, d'autant plus que toutes les prévisions assurent que d'ici à 2020 – c'est-à-dire après-demain – ce sont quelque 100 millions de touristes qui devraient se rendre chaque année en France.
J'aurais encore plein de choses à te dire sur ce pays qui ne se donne vraiment aucun mal pour attirer et retenir les touristes, alors que c'est une belle source de devises pour lui et d'emplois pour ses habitants qui se désolent tant de voir leurs usines partir vers notre grande Chine. Mais j'aurai tout le temps de t'écrire dimanche. Parce que c'est le jour où j'avais prévu de faire des courses. Or je viens d'apprendre qu'en France il est interdit de travailler ce jour-là. À quelques exceptions près. Ce doit vraiment être un pays très riche et très prospère pour se priver ainsi volontairement de clients comme nous ! Crois-moi, cher Li, nous avons encore beaucoup de choses à apprendre en économie...
Yves de Kerdrel
29 août 2006 Le Figaro
J'ai finalement suivi tes conseils. Comme toi l'année dernière, et surtout comme 76 millions d'autres visiteurs étrangers, j'ai été passer quelques jours de vacances en France, laissant Shanghaï à son vacarme et à sa pollution. Tu m'avais tellement vanté l'harmonie des paysages de ce lointain pays, la force des traditions, la richesse du patrimoine et la douceur du climat que j'ai finalement pris un billet d'avion pour Paris, remettant à une autre année mon idée de voyage à Rome.
Me voici donc au Mont-Saint-Michel après une halte de trois jours à Paris et avant une visite au parc EuroDisney. Je sais que tout cela est bien rapide et que je ne tirerais qu'une vision partielle de ce pays. Mais pour le moment, j'ai encore du mal à comprendre comment la France est devenue la première destination touristique au monde, très loin devant l'Espagne, les États-Unis et notre si belle Chine.
Bien sûr, lorsqu'on se trouve au pied de ce monastère, sur ce promontoire rocheux où les petites ruelles, les passages obscurs et les portes étroites recèlent des siècles d'histoire, on réalise que notre fameuse muraille de Chine n'est pas la seule à pouvoir prétendre être la huitième merveille du monde. De la même manière, quand on foule les parquets de la galerie des Glaces à Versailles et qu'on scrute les plafonds, tout juste restaurés, de cette demeure royale, on comprend bien que ce n'est pas la jalousie qui a poussé les Français à mettre à sac le Palais d'été de nos anciens empereurs à coté de Pékin. Et que dire de Notre-Dame de Paris, des Champs-Élysées ou des vitraux de la Sainte-Chapelle ? Mais tu connais tout cela mieux que moi.
En revanche, ce que tu ne m'avais pas dit sur la France, c'est que toutes ces visites, tous ces décors superbes, il faut vraiment les mériter. Il y a tant d'obstacles pour y parvenir, tant de désagréments dans les déplacements quotidiens, tant d'impréparation dans l'accueil des touristes qu'il faut se forcer pour partir à la découverte de ce vieux pays.
As-tu seulement remarqué comme leurs aéroports sont archaïques ? C'est vrai qu'à Shanghaï, nous sommes gâtés de ce point de vue-là. Mais après un vol de 11 heures, c'est tout de même étonnant de voir notre avion parqué à plusieurs centaines de mètres du terminal, d'avoir à prendre un bus non climatisé pour rejoindre l'aéroport, puis d'attendre 45 minutes à la douane, parce que les deux seuls préposés au contrôle des passeports prennent le temps de bavarder entre eux. Et que dire ensuite de la livraison des bagages réceptionnés sur un autre tapis que celui annoncé pour cause de panne technique. C'est peut-être du détail. Mais tu conviendras qu'après la fatigue du voyage, c'est énervant. Il paraît que la société qui gère leurs aéroports vient d'être introduite en Bourse. Elle a du pain sur la planche !
Notre hôtel, heureusement, est confortable. Il est situé rue de Rivoli. Parce qu'après avoir dévoré le Da Vinci Code, je voulais être sûr d'être dès le mardi matin à l'ouverture du Musée du Louvre. Ce que j'ignorais, et manifestement je n'étais pas le seul, c'est qu'en France, c'est le jour de fermeture des musées. J'avais été à Londres, à New York, et jamais une telle mésaventure ne m'était arrivée. Mais enfin, les Français ne travaillent que 35 heures par semaine. Alors, forcément, ils sont obligés de fermer de temps à autre l'accès à leurs trésors artistiques au risque de perdre beaucoup de recettes.
J'y suis tout de même retourné le lendemain, avant d'aller à Saint-Sulpice voir le monument ésotérique dont Dan Brown parle dans son livre. Mais figure-toi qu'il m'a fallu vingt minutes avant de trouver un taxi. Et encore il ne parlait pas anglais, et sa voiture sentait la cigarette à plein nez. À l'hôtel, un réceptionniste m'a expliqué que tout cela était normal. Le nombre de taxis est plafonné à Paris. Si bien qu'il y en a 10 000 de moins aujourd'hui qu'en 1925. Drôle de pays, où tout semble fait pour limiter la possibilité de travailler.
À l'hôtel, tout le monde ou presque parle anglais. C'est un peu normal : il appartient à un groupe américain. Tous les grands hôtels parisiens appartiennent d'ailleurs à des investisseurs étrangers. Et même le groupe Accor, qui est présent à Shanghaï, voit son capital grignoté par un fonds californien. C'est ce que m'a expliqué un banquier britannique que j'ai rencontré au bar de l'hôtel. Il trouve cela lui aussi bizarre, d'autant plus que toutes les prévisions assurent que d'ici à 2020 – c'est-à-dire après-demain – ce sont quelque 100 millions de touristes qui devraient se rendre chaque année en France.
J'aurais encore plein de choses à te dire sur ce pays qui ne se donne vraiment aucun mal pour attirer et retenir les touristes, alors que c'est une belle source de devises pour lui et d'emplois pour ses habitants qui se désolent tant de voir leurs usines partir vers notre grande Chine. Mais j'aurai tout le temps de t'écrire dimanche. Parce que c'est le jour où j'avais prévu de faire des courses. Or je viens d'apprendre qu'en France il est interdit de travailler ce jour-là. À quelques exceptions près. Ce doit vraiment être un pays très riche et très prospère pour se priver ainsi volontairement de clients comme nous ! Crois-moi, cher Li, nous avons encore beaucoup de choses à apprendre en économie...
Yves de Kerdrel
29 août 2006 Le Figaro
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