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Tentation gaulliste à Batna

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  • Tentation gaulliste à Batna

    Il y a quelque chose de révélateur, de dramatique et de consternant dans les appels au retour de Liamine Zeroual. Prompts à la nostalgie qui gomme les vices et laisse briller les grandes vertus avec la distance, certains voient en l'homme, l'homme fort attendu même s'il est dépassé.

    Fi de son âge, de ses mandats, de ses erreurs, de ses responsabilités et de ses faiblesses ! On ne retient donc que sa légende de probité et l'aura -par défaut- de son silence. Les retraités militaires ont toujours eu cette fascination sur les régimes en mal de solutions et qui peinent à s'entendre. Et du coup, parce que « retiré », réservé, sans lien avec la monarchie Bouteflika et sans « famille » politique à la patte, on présente Zeroual comme le portrait du parfait sauveur. Si on a cherché Boudiaf même au Maroc, on peut arracher Zeroual à son domino à Batna. Des journaux parlent de Moubayâa en série et de sollicitations insistantes pour ramener le Général à Alger.

    Ceux qui s'intéressent aux histoires des pays voient un peu le mythe en surimpression : il y a la tentation d'un Gaullisme made in Algeria dans l'initiative Zeroual. Le fantasme opère sur les imaginaires des comités de soutien informels et sur la génération vieillie des « personnalités ». On retrouve dans le fleuve des « Délégations » les reliquats déçus des années 90, déçus avec discrétion par la Réconciliation déséquilibrée. On retrouve ce vieux courant de pro-militaires que le « civil » Bouteflika a pris pour cible personnelle dans sa politique d'émancipation ; on retrouve les partisans de la rotation régionaliste de la Présidence. On retrouve aussi la peur, l'angoisse et la certitude que la solution est dans le Passé puisque le problème est dans l'Avenir.

    Et c'est le nœud de cette affaire : la nostalgie et la peur du futur. Dans la tentation Zeroual, il y a ce que l'Algérie ne veut pas résoudre : sa position face à l'avenir. Zeroual sera la consécration du refus de changer et de prendre le risque de la rupture : il est militaire, vieux, pas ambitieux. Le portrait connu de la génération 54 et suivantes et la formule en mode depuis l'indépendance. Ses « clients », de bonne ou douteuse foi, voient en lui l'homme qui peut « sauver » le pays de l'alitement et ont en mémoire le triomphe de son élection à l'époque des années 90. L'homme avait remporté l'épreuve des urnes, voté par des millions d'Algériens fatigués par la guerre civile et craignant le retour des « hordes » et des massacres, et on rêve aujourd'hui du même homme qui sera voté par les millions fatigués par la mentalité ANSEJ, la dérive des instituions, le délitement et la corruption titanesque. Et cela pourrait être mais cela ne sera jamais la solution. Seulement un autre sursis. Zeroual peut assurer le consensus, mais cela sera le consensus le plus faible, le moins promoteur de changement et de volonté de reconstruire ce pays. L'homme a bonne image mais cela ne suffit pas. Il est en position de force mais tous les Présidents algériens, candidats du régime, sont en position de force avant leur « retour » et en position écrasée avant leur départ. On se souvient dans quelles circonstances il avait été démissionné et on se souvient de ses faiblesses face aux clans et salons durant cette période. Zeroual pourra être réélu mais encore une fois par la crainte, pas par l'espoir. Et c'est dommage.

    par Kamel Daoud

    Le Quotidien d'Oran
    " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "
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