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Fanon a identifié ce que provoque une société coloniale, en termes de violences

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    Mireille Fanon Mendès-France. Présidente de la fondation Frantz Fanon :

    Fanon a identifié ce que provoque une société coloniale, en termes de violences

    Racisme, néocolonialisme, migration, aliénation.…Des thèmes que Frantz Fanon a touchés de près dans son analyse des sociétés colonisées. Sa fille aînée préface des extraits de l'œuvre fanonienne édités récemment aux éditions Médias-Plus de Constantine.



    - Vous expliquez dans la préface Frantz Fanon, édité chez Médias-Plus, que finalement les indépendances africaines et le Printemps arabe sont un échec…

    Je ne dis pas que les indépendances africaines sont un échec ; le dire serait ne pas reconnaître les luttes de libération menées par certains pays du continent africain pour se libérer du joug du colonialisme, l’Algérie et son peuple en sont le plus bel exemple. Ce qu’il faut interroger est de savoir si cette libération, qui a permis aux peuples d’assurer leur droit à disposer d’eux-mêmes et à assumer leur souveraineté, a permis à ces peuples de s’émanciper. Dans cette tension, le constat est amer. Les peuples subissent au quotidien les conséquences des choix faits par leurs dirigeants qui ont accepté de suivre – ou parfois ont pensé ne pas avoir d’autres choix – les injonctions du néocolonialisme imposées et maintenues par l’ex-puissance coloniale qui continue sa domination économique, culturelle et politique. Peuvent être citées les politiques imposées par la mise en place du consensus de Washington, les accords bilatéraux le plus souvent au désavantage des pays anciennement colonisés, les ressources naturelles dont l’exploitation est captée par des entreprises internationales et dont les peuples sont exclus de la redistribution et du partage. Le rêve d’indépendance économique et de développement n’est jamais arrivé, les plans d’ajustement ayant ouvert la voie à une reprise en main économique et politique des Etats par les institutions financières internationales et leur a fait perdre le droit à l’autodétermination.

    - Pourtant, il y eut les Printemps arabes ?

    Ce que vous nommez Printemps arabes sont un des signes révélateurs de l’état dans lequel les Etats laissent les peuples sans droit, sans voix, alors que certains profitent ouvertement des richesses de leur pays. Ces hommes et ces femmes, qui se sont soulevés et qui se soulèvent un peu partout dans le monde contre l’inégalité et la discrimination dont ils sont victimes, disent à leurs dirigeants qu’il n’est plus tolérable pour eux d’être exclus et invisibles. Ils ne veulent plus être endormis et aliénés pour se réveiller et constater que toutes leurs terres ont été accaparées ou qu’ils meurent parce qu’exploités dans des conditions indignes. Ils veulent que les promesses entrevues au moment de la libération se réalisent et qu’arrive enfin l’heure de l’indépendance économique et du développement dont ils pourront être acteurs et bénéficiaires.

    - Frantz Fanon, en touchant la misère humaine, a touché la violence du monde et ses réalités. Qu’en pensez-vous ?

    C’est un des aspects des écrits et du travail de Fanon qui est souvent ignoré par nombre de ses commentateurs. Psychiatre, il était habitué à suivre dans le psychisme humain le choc des traumatismes imposés par une société colonialiste capitaliste. Il a parfaitement identifié ce que provoque une société coloniale, en termes de violences politique, sociale, économique, militaire et idéologique. Une autre des violences du monde touche la situation des droits et des libertés, on peut constater aujourd’hui que nombre d’Etats remettent en cause ces acquis et mettent en place des politiques liberticides et répressives, tout en assurant qu’ils défendent les valeurs de la démocratie.

    - Quel intérêt de lire Fanon aujourd’hui ? Certains disent que le contexte historique n’est pas le même…

    Certes, le contexte n’est plus le même. On aurait pu penser, après les indépendances et la lutte menée par les non-alignés pour conquérir et obtenir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes -l’applicabilité des droits économiques sociaux et culturels -1966, et par de nombreux Etats pour la nécessité d’un nouvel ordre mondial -1974 et pour la reconnaissance du droit au développement -1986, que la nature des relations internationales et des rapports de force garantiraient l’ensemble de ces droits inaliénables. Il n’en a rien été. La chute du mur de Berlin, les guerres impériales menées par certains pays occidentaux ont rebattu l’ensemble des cartes. Les pays occidentaux, en premier les pays anciennement colonisateurs, n’ont eu de cesse de déstructurer l’ensemble des relations internationales et de délégitimer tout l’arsenal du droit international et du droit humanitaire international. Le premier pays à payer le prix fort est la Palestine qui se voit abandonnée par la plupart des pays. La volonté de solidarité internationale des Etats qui s’était manifestée juste à la fin des indépendances n’a pu faire pencher le rapport de forces en faveur de l’ensemble des Palestiniens.

    - Allons-nous vers de nouvelles formes de colonisation ?

    Bien sûr. Le capitalisme est dans tous ses états et ne sait plus comment se maintenir ; le modèle occidental basé sur l’humanisme issu du siècle des lumières s’essouffle et montre ses limites. Pour se maintenir, les Etats n’ont d’autres choix –enfin, ils en ont d’autres mais leur soif de richesses et de pouvoir leur font sélectionner le plus mauvais choix– que d’instaurer une violence militaire, économique, sociale, idéologique. Ils ne veulent pas avancer, préférant faire reculer le monde vers un futur obscurantiste et basé sur une domination militaire et financiaro-économique. Ils tentent de reproduire ce qu’ils connaissent et qu’ils ont éprouvé : maintenir les peuples sous une forme d’occupation économique, militaire, sociale et idéologique. Dès lors, il est évident que de nouvelles formes de colonisation se mettent en place ; une fois de plus, elle passe par la violation massive de l’ensemble des droits humains et la déstructuration des relations internationales et la délégitimation du droit international ; on peut citer l’imposition d’un état de guerre permanent, l’ingérence militaire pour raisons dites humanitaires, l’obligation pour les Etats de se conformer à de prétendues «normes démocratiques» importées et qui n’ont en réalité rien de démocratiques, la mise en place de programmes structurels économiques qui réduisent considérablement le rôle de l’Etat et entraînent des suppressions massives d’emploi, l’accaparement des terres, les expulsions, de nouvelles formes de racisme afin de diviser les citoyens, une xénophobie des Etats occidentaux à l’égard de la religion de l’islam, la liste n’est pas exhaustive. Mais les peuples résistent, car ils savent, comme le précisait Frantz Fanon, que «si nous voulons que l’humanité avance d’un cran, si nous voulons la porter à un niveau différent de celui où l’Europe l’a manifestée, alors il faut inventer, il faut découvrir.» C’est dans cette démarche que s’inscrit le travail de la fondation Frantz Fanon créée en 2007
    Bio express :


    Mireille Fanon-Mendès France est présidente de la fondation Frantz Fanon et membre du groupe de travail d’experts sur les Afro descendants au Conseil des droits de l’homme des Nations unies.



    Extrait :


    Texte de l’intervention de Frantz Fanon au 1er Congrès des écrivains
    et artistes noirs à Paris, septembre 1956. Publié dans le numéro spécial
    de Présence Africaine, juin-novembre 1956.


    Le souvenir du nazisme, la commune misère d’hommes différents, le commun asservissement de groupes sociaux importants, l’apparition de «colonies européennes», c’est-à-dire l’institution d’un régime colonial en pleine terre d’Europe, la prise de conscience des travailleurs des pays colonisateurs et racistes, l’évolution des techniques, tout cela a modifié profondément l’aspect du problème. Il nous faut chercher, au niveau de la culture, les conséquences de ce racisme.
    Le racisme n’est qu’un élément d’un plus vaste ensemble : celui de l’oppression systématisée d’un peuple. (…) On assiste à la destruction des valeurs culturelles, des modalités d’existence. Le langage, l’habillement, les techniques sont dévalorisés. (...) Pour cela, il faut briser ses systèmes de référence. L’expropriation, le dépouillement, la razzia, le meurtre objectif se doublent d’une mise à sac des schèmes culturels ou du moins conditionnent cette mise à sac.
    Le panorama social est déstructuré, les valeurs bafouées, écrasées, vidées. Les lignes de force, écroulées, n’ordonnent plus. En face, un nouvel ensemble, imposé, non pas proposé mais affirmé, pesant de tout son poids de canons et de sabres. La mise en place du régime colonial n’entraîne pas pour autant la mort de la culture autochtone. Il ressort au contraire de l’observation historique que le but recherché est davantage une agonie continuée qu’une disparition totale de la culture préexistante.
    Cette culture, autrefois vivante et ouverte sur l’avenir, se ferme, figée dans le statut colonial, prise dans le carcan de l’oppression. A la fois présente et momifiée, elle atteste contre ses membres. Elle les définit en effet sans appel. La momification culturelle entraîne une momification de la pensée individuelle. L’apathie si universellement signalée des peuples coloniaux n’est que la conséquence logique de cette opération

    par Faten Hayed el watan
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