Annonce

Réduire
Aucune annonce.

CHERCHER L'ERREUR ,Les islamistes et l’épreuve du pouvoir

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • CHERCHER L'ERREUR ,Les islamistes et l’épreuve du pouvoir

    La destitution de Morsi, même si elle a été fortement souhaitée par une forte majorité du peuple égyptien, exhale néanmoins des relents de parricide. On a beau dire que le leader islamiste mérite amplement son sort, le limogeage d’un chef d’Etat en plein exercice de son mandat compte tenu de sa forte charge symbolique, fait non seulement entorse à la légalité démocratique, mais perturbe l’ordre politique et social d’une nation. On peut débattre indéfiniment des évènements du mercredi 3 juillet au soir, sans pour autant déboucher sur un consensus tellement les points de vue sont irréconciliables. Certains, parmi ceux qui récusent la logique révolutionnaire, qui dispense de respecter la loi, dénoncent cette destitution comme le renversement d’un pouvoir légitime par la force des armes et la suspension brutale d’une précaire transition démocratique. D’autres, plus nuancés sans toutefois passer pour de fervents islamistes, estiment, non sans un certain embarras, que ce coup de force militaire n’est pas la bonne réponse aux problèmes de l’Egypte, qu’il ne ferait qu’exacerber davantage les divisions au lieu de les apaiser et craignent même de voir le pays s’engager dans l’inconnu. Enfin, les partisans du départ du leader islamiste, qui appelaient à la désobéissance civile, voient dans la disgrâce du Président l’aboutissement de la détermination inébranlable de près de 22 millions d’Egyptiens qui ont résolument mis en échec l’expérience de gouvernement islamiste. Abordée de cette manière, dans l’optique des fidèles du régime ou, au contraire, de ses détracteurs, la question ne permet pas de dépasser la simple posture partisane et pourrait s’étirer au-delà de toute limite, sans apporter cependant une réponse suffisante aux vraies questions : quels moyens préconiser pour contrecarrer les dérives autoritaires d’un gouvernement élu démocratiquement autrement que par le recours à la force? La légitimité électorale que revendique d’une manière si pathétique M. Morsi et les Frères, autorise-t-elle que l’on mette en péril le destin d’un pays ?
    La transition démocratique égyptienne, tant souhaitée par les Américains, a tourné court, aussi bien dans son déroulement que dans son dénouement. Si, par exemple, la durée du mandat présidentiel prévue par la constitution égyptienne avait été fixée à un an pour permettre l’expression la plus fréquente des électeurs, le départ de M. Morsi n’aurait pas étonné ses propres partisans tant son bilan était désastreux. Son court passage à la tête de l’Etat égyptien fut un immense échec qui a mis en évidence non seulement l’inaptitude des Frères musulmans à gouverner, mais aussi leur mépris pour la démocratie. Car à peine élu à la tête de l’Egypte, M. Morsi s’est transformé en autocrate. Dix-huit mois après la chute de Moubarak, il s’est octroyé tous les pouvoirs, législatifs et exécutifs, usant d’une autorité sans partage et sans précédent en matière de budget, d’affaires étrangères, et de nomination de qui bon lui semble aux fonctions politiques et militaires. M. Morsi a ainsi bénéficié et usé d’un pouvoir inespéré et inégalé qu’il a aussitôt mis au service d’une ambition personnelle pour s’ériger en monarque de droit divin, gouvernant par décret, s’aliénant ceux qui étaient les mieux disposés à son égard, toujours au nom de ce principe de la légitimité démocratique qui autorise à ses yeux, qu’un président élu se permette tout. Le peuple égyptien avait d’autant plus raison d’être en colère contre sa manière de gouverner, que son bilan économique était catastrophique. Il n’a pas réussi à satisfaire les promesses faites aux Egyptiens ni à répondre à leurs besoins les plus urgents. Il était tellement imbu de sa puissance et de son bon droit, qu’il avait rejeté la proposition d’un dialogue national, obtempérant aux consignes des instances supérieures de son parti lui interdisant de s’abaisser à traiter d’égal à égal avec ses opposants. Tout semble indiquer que M. Morsi n’a pas respecté le jeu démocratique, mais est-ce là une raison suffisante pour que son mandat soit révocable ad nutum ?
    Afin d’y voir plus clair dans le mode de gouvernement de M. Morsi et par-delà l’avenir de tous les pays touchés par la vague islamiste, il faut se demander si ses maladresses relèvent d’une disposition personnelle propre à sa personne ou, au contraire, si sa conduite est inhérente aux principes de son mouvements qui s’imposent à lui malgré tout ; si ses écarts lui appartiennent en propre ou s’il ne faisait qu’obéir aux dogmes de son parti. Il y aussi le fait que le passage fulgurant du mouvement des Frères musulmans du statut de mouvement d’opposition à celui de parti dominant pour finir par exercer pleinement et sans partage le pouvoir sur le pays, n’a pas été sans conséquences et devrait en partie expliquer le comportement souvent erratique de leur système de gouvernement, leur incurie et leur impéritie.
    La solidarité militante des islamistes et leur légendaire capacité de mobilisation, ont fortement marqué leur mode d’organisation, les rendant plus aptes que n’importe quelle autre force d’opposition à répondre à l’appel de leurs dirigeants et mener les luttes politiques. Bien que non reconnus légalement, ils ont formé dans de nombreux pays les seuls vrais partis politiques. Leur faculté d’adaptation au changement ainsi que leur aptitude à rebondir et à se reconstruire, leur avait permis de survivre aux pouvoirs autoritaires, profitant de leurs faiblesses, de leurs divisions, exploitant toutes les tentatives d’ouverture opérées par ces régimes. Rompus au jeu politique, ils avaient profité mieux que toutes les autres formations politiques de la chute des régimes arabes et du vide politique laissé par les pouvoirs déchus pour dépasser leurs concurrents de plusieurs longueurs d’avance. Aujourd’hui encore, et malgré tous les revers, aucun parti ne peut les concurrencer, ni en terme d’organisation ni en termes d’action sur le terrain.
    Le mode d’organisation islamiste a également évolué au cours des deux dernières décennies pour placer la politique au centre de ses préoccupations. Fondée comme un mouvement général de réforme sociale centré sur l’activité caritative, l’éducation, l’entraide et la prédication, aidant les classes défavorisées, fournissant aux personnes dans le besoin des médicaments ou des prêts d’argent, il a réussi à se transformer le moment venu en une vraie machine politique s’affichant, à l’occasion, comme un mouvement respectueux de la démocratie. Mais, alors que tout semblait leur réussir, du Caire à Tunis, de Tripoli à Rabat, voilà que les islamistes se voient ignominieusement chassés du pouvoir. Et comme tous les pouvoirs qui furent à un moment ou à un autre tentés par la dictature, ils se sont mis à crier au coup d’Etat, appellent à la vengeance, ce qui les dispensait de réfléchir sur leurs erreurs et sur l’origine de leur pitoyable déconfiture.
    Chercher l’erreur

    Au Caire comme à Tunis, les islamistes avaient pris la mauvaise décision de s’emparer du pouvoir. Le principe qui avait fait leur succès dans les campagnes électorales, s’est avéré inopérant quand il a fallu gouverner. Leur décision était un acte d’opportunisme et non le fruit d’une stratégie longuement réfléchie. Dans la mesure où le pouvoir était à portée de main et qu’aucune force politique n’était en mesure de le leur disputer, ils n’eurent qu’à se baisser pour le ramasser. Imbus de leurs dogmes, toujours satisfaits de leurs idées, persuadés qu’ils ont raison sur tout et qu’ils ont la solution de tout, ils avaient sous-estimés l’importance de la charge, le poids des contingences politique et économique, les conflits sociaux, le fonctionnement des services publics, la place de la Tunisie sur la scène internationale et les choix engageant son avenir, sont restés repliés sur eux-mêmes, incapables d’affronter les situations concrètes ni les défis que leur posaient le monde extérieur. Leur erreur était en somme de croire qu’il suffisait de gagner les élections pour être apte à gouverner.
    Bien des reproches sont adressés aujourd’hui à Morsi, comme le fait d’avoir usé de pratiques irrégulières pour asseoir son pouvoir, limogeant les hauts fonctionnaires, intimidant ses opposants, des pratiques qui, s’il advenait qu’elles se produisissent dans les vieilles démocraties, seraient jugées intolérables. Leur occurrence demeure cependant tout à fait envisageable dans des démocraties naissantes qui à ce stade de leur maturation ne sauraient être irréprochables. Bien naïf celui qui pense que le chemin menant à la démocratie est un long fleuve tranquille, ou que l’élection d’un président ou d’une assemblée constituent la fin d’un processus. En revanche, le pouvoir militaire, qui offre l’illusion de la paix et de la stabilité, recèle les conséquences autrement plus néfastes propres aux dictatures. La démocratie reste tout de même un processus pacifique pour résoudre les conflits et parvenir à une décision acceptable pour tous. Elle relève de la transaction sociale. Comme toute transaction, elle est source de conflits sur la juste part de chacun, d’où la nécessité de négocier et d’user du compromis. Le plus alarmant dans les derniers évènements, c’est que les défenseurs de la démocratie qui en 2011 avaient déclenché le printemps arabe en renversant la dictature, sont ceux-là mêmes qui dansaient mercredi soir dans les rues du Caire, pour célébrer cette fois un coup d’Etat militaire et la suspension de la démocratie !
    Aujourd’hui c’est Morsi dégage! Et demain ? A bas les militaires ? Ainsi va le monde arabe
    - l'économiste maghrébin
Chargement...
X