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Algérie : une justice présumée coupable

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  • Algérie : une justice présumée coupable

    Instructions à géométrie variable, machine administrative grippée, tribunaux saturés... Les griefs des citoyens algériens envers leur État se concentrent sur l'appareil judiciaire.
    Les uns lui reprochent sa lenteur dans les dossiers sensibles impliquant des personnalités politiques (Sonatrach, autoroute est-ouest, affaire Khalifa, etc.), les autres sa rigidité. Laxiste à l'égard des puissants et impitoyable envers le simple citoyen, l'appareil judiciaire algérien est unanimement critiqué.
    Nourrissant de plus en plus la défiance des gouvernés envers leurs gouvernants, l'ensemble du circuit - du magistrat au gardien de prison - est gangrené par la corruption. Sans parler des instructions interminables, des détentions préventives à rallonge, d'une présomption d'innocence malmenée et des verdicts qui surprennent soit par leur clémence soit par leur sévérité. « Nos juges affichent une hostilité manifeste à l'égard du justiciable, soupire Me Miloud Brahimi, ténor du barreau d'Alger et ancien président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme. Notre problème c'est qu'ici le magistrat est moins juge que justicier. La différence entre les deux ? Le premier applique la loi, le second sa loi. »
    Faussaires
    Ces dysfonctionnements sont-ils imputables aux seuls magistrats ? « Non, répond Benyoucef Mellouk, un ancien haut fonctionnaire du ministère. Notre justice traîne un péché originel. À l'indépendance du pays, en 1962, l'appareil judiciaire a perdu l'ensemble de ses magistrats, substituts, greffiers et huissiers, tous français, qui ont choisi la valise plutôt que le cercueil. Pour continuer à dire le droit "au nom du peuple algérien", le pouvoir a recruté des individus ayant falsifié leur diplôme, menti sur leur passé pour s'inventer une respectabilité révolutionnaire. Comment voulez-vous qu'une justice incarnée par des faussaires soit au-dessus de tout soupçon quand elle prétend appliquer la loi ? »
    Nadia, 38 ans, juge assesseur à la cour d'appel d'une wilaya des Hauts Plateaux, défend sa corporation. « Les magistrats ne sont pas tous des ripoux, ils font leur travail avec les moyens du bord, c'est-à-dire avec assez peu. Nous croulons sous les dossiers, et notre travail au quotidien révèle les carences de la formation que nous avons reçue. Quant à l'administration judiciaire, elle est noyée sous la bureaucratie. »
    La réforme du système judiciaire promise par Bouteflika s'est surtout illustrée par la modernisation des installations.
    Promesse électorale du président Abdelaziz Bouteflika, la réforme du système judiciaire s'est surtout illustrée par la modernisation des installations, notamment avec des palais de justice et des tribunaux refaits à neuf et l'introduction des technologies de l'information et de la communication (casier judiciaire accessible sur internet, par exemple). Un coup de jeune, certes, mais qui n'a pas réussi à accélérer le rythme de la lourde machine administrative. Pas plus que la formation et la mise à niveau du personnel.
    Désormais, des centaines de magistrats bénéficient chaque année de cycles de perfectionnement et de spécialisation en cybercriminalité ou en délinquance financière, en partie grâce à la coopération avec les États-Unis et la France. « Ce renouvellement des infrastructures et ces formations spécialisées sont inopérants pour résoudre un problème d'ordre culturel, déplore Nadia. Il s'agit de changer les mentalités, que le citoyen ne dise plus "tous pourris" et que le juge cesse de considérer systématiquement le justiciable comme hautement suspect. » Ce ne serait alors plus une réforme, mais une révolution.
    Jeune Afrique.
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