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Algérie : À quand la fin de l'État rentier ?

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  • Algérie : À quand la fin de l'État rentier ?

    Après avoir soumis à un examen critique plusieurs dossiers d'importance stratégique au cours de ces deux dernières années (assises sur le commerce, sur le développement local, sur la société civile), le Conseil national économique et social (CNES) a tenu le mois passé un Forum social et économique du cinquantenaire, par lequel il a fait passer en revue les évolutions, sociale et économique, du pays depuis l'Indépendance.

    Les étapes qui caractérisent les cinq décennies de l'Algérie indépendante, si tant est qu'il y ait un "phasage'' dans un processus qui obéit plutôt à une gestion du ''coup par coup'', s'interpénètrent, s'imbriquent et se confondent dans une logique d'un pays meurtri et diminué par un ordre capitalistique colonial, qui, en l'espace de quelques années, accéda à une rente, sans que les mécanismes de gestion rationnelle, de bonne gouvernance politique et de véritable libération culturelle aient le temps et le loisir de s'installer. Ayant pris le départ avec une idée fort généreuse, issue de la plate-forme de la Soummam, laquelle appela solennellement à l'instauration d'un état démocratique et social, l'Algérie céda, dès 1963 aux sirènes de ce que Aït Ahmed appelait le ''socialisme de caserne''. Ce dernier, en déclarant la collectivisation de la propriété et des moyens de production (jusqu'aux bains maures et quelques sombres estaminets), tomba dans des travers fort dommageables qui ont commencé à créer de graves fractures sociales entre Algériens. En l'absence d'un minimum de démocratie et de libertés collectives et individuelles, les portes furent rapidement ouvertes à toutes sortes de dérapage sur le plan de la répartition des richesses économiques. La nationalisation des hydrocarbures- initiative historique et hautement louable, que le gouvernement de l'époque a même bien encadrée avec le volet de la formation en hydrocarbures (instituts de Boumerdès), suite au départ du personnel français- n'a pas tardé ) être dévoyée dans le sens d'une rente viagère au profit d'une caste, particulièrement avec la montée en flèche des prix du pétrole. Si, sous le pouvoir de Boumediene, les clivages n'étaient pas tellement visibles ou saillants, les choses commençaient à devenir plus claires à partir de 1979, avec l'arrivée de Chadli Bendjedid à la tête de l'État. C'est à cette époque qu'est née la génération "tchi-tchi", chaussant des Stan Smith, fréquentant le lycée Descartes d'Alger ou des établissements d'enseignement à l'étranger et se permettant des vacances dorées en Europe. Cela, au moment où l'école publique sombra dans un processus d'arabisation qui a pris l'aspect d'une punition. Les universités n'ont pas tardé à mettre sur la rue des cohortes de chômeurs diplômés. Le président Chadli eut à faire à la première contestation populaire d'envergure, 18 ans après l'indépendance du pays. Il s'agit du printemps berbère, qui a remis en cause tout le système de gouvernance sur la base d'une revendication identitaire et culturelle légitimement inscrite dans l'histoire. Sur le plan économique, les Souk El Fellah ont fini par achever le peu de capacités nationales de production qui restaient, et ce, par le système de subvention qui a touché l'ensemble des produits importés, à commencer par les lentilles, pois chiches et autres produits alimentaires, jusqu'aux téléviseurs, vélos, poêles à mazout,…etc. Un régime de pénurie et de clientélisme a fini par s'imposer à la société, à l'ombre d'une Charte nationale que le président a tenu à ''enrichir'' en 1986, c'est-à-dire dix ans après son adoption sous Boumediene. Les producteurs nationaux- en agriculture, industrie, artisanat, textile, cuir- furent laminés à plate couture, non par une quelconque force économique étrangère, mais par les pouvoirs publics algériens. La voie était ouverte à toutes formes de spéculations, à la contrebande (le mot ''trabendo'' est né à cette époque là, simultanément avec le mot ''tichi-tchi'') et à la naissance d'une classe d'affairistes qui, en quelques années, avec l'ouverture du commerce extérieur, va évoluer en véritable mafia.

    Pas de clercs

    Dans le diagnostic du CNES, il est rappelé cette station pleine d'enseignements, celle de 1986, lorsque les prix du pétrole commençaient à dégringoler. Face à une impasse qui se dessinait devants les gouvernants du pays et les gestionnaires de l'économie, on toucha, dès les premières décisions, à quelque chose qui relevait de la haute symbolique, à savoir l'allocation touristique qui permettait aux Algériens de sortir à l'étranger et d'y dépenser, qui plus est, sans visa! Les difficultés d'approvisionnement commençaient à être sérieusement ressenties par la population. Le clientélisme et la corruption fleurissaient à l'ombre de la situation de disette. Semoule, café, lames Gilette, lentilles et autres produits domestiques étaient presque rationnés. L'accumulation du malaise social chez la population, de la crise économique qui frappa de plein fouet les unités publiques héritées de l'époque de Boumediene, et des actes de répression contre toute initiative politique qui ne viendrait pas du parti unique (ligue des Droits de l'homme, association des enfants de chouhadas,…) a fini par conduire à une explosion sociale de grande envergure, celle d'octobre 88 que, hypocritement, certains responsables assimilent aujourd'hui à un ''Printemps arabe'', alors qu'il y a quelques années, cette date n'existait pas dans le lexique officiel. Les tentatives de réformes, rendues inévitables par l'explosion d'octobre, ont machiavéliquement été détournées pour être drapées d'un libéralisme formel sur le plan politique (multipartisme auquel on inocula l'islamisme pour en neutraliser une éventuelle dynamique positive), et d'une ouverture économique dont se s'est accaparée la mafia de l'import-import. Les choses se corsèrent quatre ans plus tard lorsque, l'Algérie fut contrainte de négocier le rééchelonnement de sa dette extérieure (26 milliards de dollars), avec les Clubs de Paris et Londres, à l'ombre d'un terrorisme islamiste qui menaçait l'existence même de la nation. Après le rééchelonnement, une période de misère sociale, de gel des salaires, de licenciement des travailleurs des entreprises publiques (500 000 en l'espace de cinq ou six ans), a suivi, avec des dizaines de milliers de citoyens assassinés par l'hydre intégriste. L'avènement du règne de Bouteflika à la tête de l'État coïncida avec un net redressement des prix des hydrocarbures. Sur le plan sécuritaire, une régression remarquée des actes terroristes a été enregistrée, malgré un certain terrorisme ''résiduel'' qui subsiste jusqu'à ce jour, mais qui ne menace plus les fondements de l'État et la nation. Ces deux facteurs ont permis au gouvernement de lancer des plans quinquennaux de développement portant principalement sur la réhabilitation et l'extension de la base infrastructurelle du pays. Cependant, les quelques 500 milliards de dollars consacrés à ces programmes n'ont pas pu faire enclencher le processus de relance économique du pays par des investissements pérennes et productifs. Pour les observateurs de la scène politique et économique du pays, un bémol est à affecter à des réalisations et des projets qui ont permis à des responsables, via des actes de corruption, de s'enrichir rapidement.

    L'intelligentsia nationale interpellée

    L'état des lieux actuel de l'économie nationale fait voir une longue période de transition où l'on peine à faire le saut qualitatif qui ferait rapprocher le pays du cap de l'économie de production. La rente pétrolière- avec tous les risques et aléas liés à sa longévité et aux fluctuations des prix sur le marché mondial- continue à servir de seul ''carburant'' de la dépense publique. Cette dernière, avec des transferts sociaux historiques caracolant sur des sommets de 12 à 16 milliards de dollars par an, a pris une tournure insoutenable. Les experts du Conseil national économique et social n'ont pas attendu le Forum du cinquantenaire pour tirer la sonnette d'alarme sur la structure bancale de l'économie algérienne. Cependant, le Forum, avec l'apport d'autres énergies (patronat privé, professeurs indépendants,…) a mis le doigt sur le problème de fond, et a posé les bonnes questions que toutes les forces agissantes- au sein du pouvoir politique, des organisations patronales, de l'intelligentsia universitaire et économique- sont en devoir de saisir, de traiter et de résoudre dans une espèce de sursaut national. Car, sans un appareil économique solide, sans une relative autonomie de la décision économique par rapport à la globalisation rampante, sans bien-être social et sans une véritable décentralisation dans un pays considéré, dans le document final du CNES, comme un "territoire-continent''- que pourraient représenter les jeux politiques auxquels se livrent depuis plusieurs mois, de façon discrète ou ouverte, les partis politiques algériens? Le CNES parle crûment de la "vulnérabilité de l’État, de la société et de l’économie algérienne".


    Amar Naït Messaoud- la dépêche de kabylie

  • #2
    200 m$ cela attire des convoitises, et les donneurs de leçons pillulent

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