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Le fou d'Elsa

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  • Le fou d'Elsa

    J'aimerais partager avec vous cet extrait du "Fou d'Elsa" de Louis Aragon, j'espère que vous l'apprécierez autant que moi! Bonne lecture!

    Le fou d'Elsa (extrait)

    ....
    Il y a des choses que je ne dis a Personne Alors
    Elles ne font de mal à personne Mais
    Le malheur c'est
    Que moi
    Le malheur le malheur c'est
    Que moi ces choses je les sais
    Il y a des choses qui me rongent La nuit
    Par exemple des choses comme
    Comment dire comment des choses comme des songes
    Et le malheur c'est que ce ne sont pas du tout des songes
    Il y a des choses qui me sont tout à fait
    Mais tout à fait insupportables même si
    Je n'en dis rien même si je n'en
    Dis rien comprenez comprenez moi bien
    Alors ça vous parfois ça vous étouffe
    Regardez regardez moi bien
    Regardez ma bouche
    Qui s'ouvre et ferme et ne dit rien
    Penser seulement d'autre chose
    Songer à voix haute et de moi
    Mots sortent de quoi je m'étonne
    Qui ne font de mal à personne
    Au lieu de quoi j'ai peur de moi
    De cette chose en moi qui parle
    Je sais bien qu'il ne le faut pas
    Mais que voulez-vous que j'y fasse
    Ma bouche s'ouvre et l'âme est là
    Qui palpite oiseau sur ma lèvre
    O tout ce que je ne dis pas
    Ce que je ne dis à personne
    Le malheur c'est que cela sonne
    Et cogne obstinément en moi
    Le malheur c'est que c'est en moi
    Même si n'en sait rien personne
    Non laissez moi non laissez moi
    Parfois je me le dis parfois
    Il vaut mieux parler que se taire
    Et puis je sens se dessécher
    Ces mots de moi dans ma salive
    C'est là le malheur pas le mien
    Le malheur qui nous est commun
    Épouvantes des autres hommes
    Et qui donc t'eut donné la main
    Étant donné ce que nous sommes
    Pour peu pour peu que tu l'aies dit
    Cela qui ne peut prendre forme
    Cela qui t'habite et prend forme
    Tout au moins qui est sur le point
    Qu'écrase ton poing
    Et les gens Que voulez-vous dire
    Tu te sens comme tu te sens
    Bête en face des gens Qu'étais-je
    Qu'étais-je à dire Ah oui peut-être
    Qu'il fait beau qu'il va pleuvoir qu'il faut qu'on aille
    Où donc Même cela c'est trop
    Et je les garde dans les dents
    Ces mots de peur qu'ils signifient
    Ne me regardez pas dedans
    Qu'il fait beau cela vous suffit
    Je peux bien dire qu'il fait beau
    Même s'il pleut sur mon visage
    Croire au soleil quand tombe l'eau
    Les mots dans moi meurent si fort
    Qui si fortement me meurtrissent
    Les mots que je ne forme pas
    Est-ce leur mort en moi qui mord
    Le malheur c'est savoir de quoi
    Je ne parle pas à la fois
    Et de quoi cependant je parle
    C'est en nous qu'il nous faut nous taire

    Louis Aragon
    (1963)
    Tu connaitras le bonheur si ton existence s'inscrit dans les limites de la volonté de Dieu.

  • #2
    muse de louis Aragon, elsa Triolet a écrit ses propres oeuvres , notamment des romans en russe sa langue natale.

    " L'écriture est la plus noble conquête de l'homme " disait-elle....
    Dernière modification par Absente, 04 septembre 2006, 09h34.

    Commentaire


    • #3
      Du même auteur pour la même muse.
      Les Yeux d'Elsa est peut-être le summum de l'inspiration romantique.



      Les yeux d'Elsa

      Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
      J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
      S'y jeter à mourir tous les désespérés
      Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire
      À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
      Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
      L'été taille la nue au tablier des anges
      Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés

      Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
      Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
      Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
      Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure

      Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
      Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
      Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
      L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé

      Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
      Par où se reproduit le miracle des Rois
      Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois
      Le manteau de Marie accroché dans la crèche

      Une bouche suffit au mois de Mai des mots
      Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
      Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
      Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux

      L'enfant accaparé par les belles images
      Écarquille les siens moins démesurément
      Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
      On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages

      Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
      Des insectes défont leurs amours violentes
      Je suis pris au filet des étoiles filantes
      Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août

      J'ai retiré ce radium de la pechblende
      Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
      Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
      Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes

      Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
      Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
      Moi je voyais briller au-dessus de la mer
      Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa

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      • #4
        Quel don ...
        Mieux vaut un cauchemar qui finit qu’un rêve inaccessible qui ne finit pas…

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