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Pour les partisans du président déchu, la révolte a été instrumentalisée et le coup de force des militaires ét

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  • Pour les partisans du président déchu, la révolte a été instrumentalisée et le coup de force des militaires ét

    Article extrait du Libération d'aujourd'hui dont le titre rapporté au contenu de l'article paraît réducteur.

    Pour les partisans du président déchu, la révolte a été instrumentalisée et le coup de force des militaires était planifié.

    Par MARWAN CHAHINE

    Un manifestant pro Morsi, au Caire, dans la nuit de lundi à mardi. Photo AFP
    AMedinet Nasr, dans les travées de la mosquée Rabia al-Adawiya devenue leur bastion, les partisans de Mohamed Morsi n’en démordent pas : leur président n’a pas été évincé suite à une révolte populaire, mais il est la victime d’un coup d’Etat et d’un complot planifiés de longue date par les suppôts de l’ancien régime, toujours présents dans les rouages de l’Etat et, surtout, dans l’armée. Selon la version des islamistes, les forces proches de Hosni Moubarak, inquiètes de voir leurs intérêts menacés, auraient, tout au long du mandat de Morsi, cherché par tous les moyens à mettre en péril sa politique pour bloquer le processus démocratique, favoriser l’insécurité et freiner l’économie. Pour eux, les millions d’Egyptiens qui ont défilé le 30 juin ne sont que des gens payés par des hommes d’affaires corrompus ou manipulés par des médias opposés aux Frères musulmans… D’autres partisans de la thèse du complot, plus nuancés, estiment que le soulèvement a été encouragé par les militaires pour justifier leur intervention.

    Paranoïa. Dans un pays biberonné au nationalisme et situé dans une région peu épargnée par les interventions étrangères, le conspirationnisme a la vie dure. Cela est particulièrement vrai chez les Frères musulmans qui, entre clandestinité et répression, en sont venus à développer une forme aiguë de méfiance, virant souvent à la paranoïa. Ce qui ne signifie pas pour autant que leurs doutes autour du caractère spontané de la mobilisation soient infondés. Deux choses paraissent certaines : sans les immenses manifestations contre le régime, les militaires n’auraient jamais pu poser un ultimatum à Morsi. Mais, contrairement à ce qu’affirment les islamistes, les opposants au Président ne se réduisent pas aux nostalgiques de l’ère Moubarak. On trouve parmi eux quantité de révolutionnaires qui avaient été à la pointe du soulèvement contre l’ancien régime, en janvier 2011. C’est notamment le cas de ceux qui ont initié la campagne Tamarod, à la fin du mois d’avril. Le mouvement, créé par des militants de gauche, avait lancé une pétition nationale contre le chef de l’Etat, avec pour objectif de collecter, avant le 30 juin, 15 millions de signatures - soit plus que le nombre de personnes ayant voté pour Morsi (13,3 millions).

    Soutien logistique. Le projet paraissait irréaliste, il a dépassé le but escompté. Tamarod aurait recueilli plus de 22 millions de signatures en moins de deux mois, même si la comptabilité n’a pas été officiellement reconnue. Reste à savoir comment une bande de jeunes activistes, disposant de peu d’argent, est parvenue à ce résultat. Les membres fondateurs de Tamarod plaident l’engagement citoyen. Pourtant, la semaine passée, le milliardaire Naguib Sawiris, en bisbille ouverte avec les Frères, a confié avoir apporté de façon anonyme un soutien logistique au mouvement, en prêtant gracieusement des locaux et en assurant la publicité de la campagne. «Depuis deux ans, certains businessmen qui prospéraient sous Moubarak ont vu leurs affaires s’enliser. Ils avaient tout intérêt à ce que la flamme des anti-Morsi prenne», soutient une source proche des milieux d’affaires pour qui «Tamarod n’a pas été directement manipulé, mais utilisé par des gens disposant de réseaux et de moyens de diffusion puissants et qui se sont contentés de faire signer la pétition à très grande échelle». En Haute Egypte, les militants de Tamarod assurent par exemple avoir collecté 2,5 millions de signatures en quatre jours, un chiffre pour le moins étonnant.

    Pour les islamistes, Tamarod n’est que l’ultime étape d’un long processus de sape destiné à provoquer la colère populaire. Dans son dernier discours, quelques jours avant sa destitution, Morsi avait incriminé «l’Etat profond», coupable selon lui de blocages à répétitions destinés à l’empêcher d’accomplir les objectifs de la révolution. Si le Président s’est sans doute défaussé un peu facilement - dans la mesure où les questions de liberté et de justice sociale n’ont jamais semblé être ses priorités -, les résistances rencontrées à tous les niveaux de l’Etat ne font aucun doute.

    Les récentes polémiques autour des pénuries d’essence et des coupures d’électricité ne vont pas atténuer les soupçons. Comme par magie, ces deux problèmes ont en effet disparu du Caire dès le lendemain de la destitution de Mohamed Morsi. Pour ce qui est de l’électricité, il y a une explication logique : le ministère de l’Energie avait fait le choix clair de faire des économies en coupant le courant plusieurs heures par jour. Concernant l’essence, la situation est en revanche plus trouble car la pénurie déjà existante s’est aggravée quelques jours avant le 30 juin, créant d’immenses files d’attente et un climat de grande nervosité. Le simple mécanisme du marché, avec des automobilistes anticipant la crise et vidant les pompes, pourrait expliquer les pénuries, mais pas le réapprovisionnement soudain. L’explication des anti-Morsi paraît pourtant un peu légère : selon eux, l’essence serait revenue car le président déchu avait organisé un marché noir à destination de Gaza.

    Une source proche des militaires affirme plutôt que l’armée, qui a d’importants intérêts dans le pétrole et assure sa distribution, a sciemment cessé d’alimenter les pompes fin juin, ce qui accréditerait la thèse d’un coup de force planifié pour se débarrasser de Mohamed Morsi. Les militaires auraient mal vécu les récentes nominations de membres de la confrérie à des postes de gouverneurs, alors que jusque-là beaucoup d’entre eux étaient occupés par des officiers à la retraite, jouissant d’importants privilèges et de postes stratégiques pour faire fructifier les affaires. En outre, les Frères musulmans étaient en train de préparer une réforme à la législation qui autorise l’armée à s’approprier tout terrain public au nom de raisons stratégiques. Une loi utilisée le plus souvent à des fins lucratives de spéculation immobilière.

    Mais c’est également le long bras de fer avec les juges qui a été préjudiciable au Président. Dans un contexte de flou juridique absolu, les magistrats ont successivement dissous l’Assemblée constituante, invalidé les élections législatives et rejeté le décret constitutionnel renforçant les pouvoirs de Morsi, donnant l’impression de rendre des décisions avant tout politiques, même si la plupart d’entre eux assurent n’avoir fait que défendre l’Etat de droit qu’ils estimaient menacé. A aucun moment de sa première année au pouvoir le chef de l’Etat n’a pu s’appuyer sur des institutions solides. C’est d’ailleurs très certainement afin d’éviter un énième rejet de la Haute Cour constitutionnelle que le raïs a tenté, en novembre, de s’arroger les pleins pouvoirs pour protéger le vote sur la Constitution. Il s’est alors définitivement mis à dos la magistrature. L’épisode a aussi provoqué d’importantes manifestations, suivies d’affrontements violents devant le palais présidentiel, qui ont affaibli un peu plus Morsi en polarisant la société entre islamistes et non islamistes. C’est à cette période qu’a été consommé le divorce entre le régime et la police, qui a longtemps été en charge de la répression des islamistes et donc défiante à l’égard d’un président membre des Frères musulmans.

    Contrevérités. Enfin, le rôle des médias a toujours été dénoncé par les partisans de Morsi, pour qui les chaînes privées, dont certaines détenues par de riches hommes d’affaires, n’ont fait qu’alimenter une propagande antirégime. Ce n’est pas un hasard si en décembre, au moment des plus importantes crispations, les salafistes avaient décidé d’occuper la cité des médias dans la Ville-du-6-Octobre. Les chaînes islamistes, de leur côté, excellent aussi en matière de propagande et de contrevérités. Mais, depuis le 3 juillet, la plupart d’entre elles n’émettent plus, fermées de force. Et les grandes chaînes privées, après avoir alimenté le climat de crise les jours qui ont précédé le 30 juin, n’ont presque pas évoqué la fusillade devant le QG de la Garde républicaine, où plus de 50 pro-Morsi ont été tués, préférant se concentrer sur la célébration la nouvelle révolution, et appelant à «la lutte contre le terrorisme».
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