Les Algériens ont appris mardi 16 juillet au soir que leur président était rentré à la maison. Abdelaziz Bouteflika, 76 ans, a regagné Alger après un séjour de 81 jours en France, à l'hôpital du Val-de-Grâce, à Paris. Il y était entré le 27 avril après un accident vasculaire cérébral dit "mineur". On n'en saura pas plus.
Opacité, secret, rumeurs, bruits de cour, mise en scène, mensonges d'Etat : tout dans cette séquence de l'hospitalisation du président algérien dit la déliquescence d'un système politique à bout de souffle, rongé par la corruption et les petits jeux de pouvoir.
Un communiqué d'une phrase, publié dans la soirée à Alger, indique que "le président a achevé une période de soins et de réadaptation fonctionnelle" à Paris, laquelle va lui permettre d'entamer maintenant "une période de repos et de rééducation" chez lui. Comment dit-on "langue de bois" en arabe ?
Les Algériens n'ont pas le droit de savoir quel traitement a subi leur président, s'il va reprendre son travail à plein temps, bref quel est l'état de santé d'un homme dont le mandat - le troisième consécutif depuis 1999 - s'achève en avril 2014.
Les Algériens peuvent à bon titre se sentir humiliés - et ils le disent volontiers. Avec des épisodes plus ou moins aigus, M. Bouteflika est malade depuis 2005. Officiellement, il souffre d'un "ulcère hémorragique au niveau de l'estomac". On ignore combien d'heures par jour il est en mesure d'exercer sa fonction.
Ce n'est pas tant que l'ancien maquisard de la guerre de libération contre la France ait été soigné dans un hôpital militaire à Paris qui choque en Algérie, où l'on a l'esprit large. L'élégant Val-de-Grâce, c'est tout à l'honneur de la France, a délivré des soins de grande qualité à nombre de dignitaires étrangers.
Libre et critique, la presse algérienne tire à boulets rouges sur le vrai scandale : l'absence d'un établissement de cet ordre dans un pays où la rente pétrolière et gazière se chiffre, bon an mal an, en milliards de dollars. La presse tonne contre le secret entourant la santé d'un président qui s'est longtemps voulu le porte-drapeau d'une certaine modernité politique et n'a jamais hésité à donner des leçons de démocratie à la terre entière.
En fait, le triste feuilleton en cours illustre une fin de règne marquée par d'obscures luttes de succession sur fond de corruption d'Etat. Ces petits jeux de pouvoir, où l'armée continue de tirer les ficelles, sont d'autant plus mal vécus que le pays est à la peine. Certes, il est engagé dans de grands travaux d'infrastructure, mais le chômage des jeunes doit se situer entre 20 et 30 %. Une partie de la population vit dans la grande pauvreté, notamment en Kabylie.
L'Algérie a, très largement, échappé aux "printemps arabes". Du fait des moyens financiers dont elle dispose et parce qu'une population encore marquée par dix ans de guerre civile s'est refusée à plonger à nouveau dans la violence. Ce qui eût mérité que le régime Bouteflika traite les Algériens avec la même maturité et la même dignité que celle dont ils font preuve. Hélas, cela n'a pas été le cas.
Le Monde
Opacité, secret, rumeurs, bruits de cour, mise en scène, mensonges d'Etat : tout dans cette séquence de l'hospitalisation du président algérien dit la déliquescence d'un système politique à bout de souffle, rongé par la corruption et les petits jeux de pouvoir.
Un communiqué d'une phrase, publié dans la soirée à Alger, indique que "le président a achevé une période de soins et de réadaptation fonctionnelle" à Paris, laquelle va lui permettre d'entamer maintenant "une période de repos et de rééducation" chez lui. Comment dit-on "langue de bois" en arabe ?
Les Algériens n'ont pas le droit de savoir quel traitement a subi leur président, s'il va reprendre son travail à plein temps, bref quel est l'état de santé d'un homme dont le mandat - le troisième consécutif depuis 1999 - s'achève en avril 2014.
Les Algériens peuvent à bon titre se sentir humiliés - et ils le disent volontiers. Avec des épisodes plus ou moins aigus, M. Bouteflika est malade depuis 2005. Officiellement, il souffre d'un "ulcère hémorragique au niveau de l'estomac". On ignore combien d'heures par jour il est en mesure d'exercer sa fonction.
Ce n'est pas tant que l'ancien maquisard de la guerre de libération contre la France ait été soigné dans un hôpital militaire à Paris qui choque en Algérie, où l'on a l'esprit large. L'élégant Val-de-Grâce, c'est tout à l'honneur de la France, a délivré des soins de grande qualité à nombre de dignitaires étrangers.
Libre et critique, la presse algérienne tire à boulets rouges sur le vrai scandale : l'absence d'un établissement de cet ordre dans un pays où la rente pétrolière et gazière se chiffre, bon an mal an, en milliards de dollars. La presse tonne contre le secret entourant la santé d'un président qui s'est longtemps voulu le porte-drapeau d'une certaine modernité politique et n'a jamais hésité à donner des leçons de démocratie à la terre entière.
En fait, le triste feuilleton en cours illustre une fin de règne marquée par d'obscures luttes de succession sur fond de corruption d'Etat. Ces petits jeux de pouvoir, où l'armée continue de tirer les ficelles, sont d'autant plus mal vécus que le pays est à la peine. Certes, il est engagé dans de grands travaux d'infrastructure, mais le chômage des jeunes doit se situer entre 20 et 30 %. Une partie de la population vit dans la grande pauvreté, notamment en Kabylie.
L'Algérie a, très largement, échappé aux "printemps arabes". Du fait des moyens financiers dont elle dispose et parce qu'une population encore marquée par dix ans de guerre civile s'est refusée à plonger à nouveau dans la violence. Ce qui eût mérité que le régime Bouteflika traite les Algériens avec la même maturité et la même dignité que celle dont ils font preuve. Hélas, cela n'a pas été le cas.
Le Monde
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