Force est de constater qu'en dépit de la proximité géographique et de l'histoire millénaire commune du Mare Nostrum, le niveau d'intégration économique dans l'Euroméditerranée (Euromed), autrement dit entre les pays du pourtour méditerranéen, est aujourd'hui l'un des plus bas au monde. Pire et en apparence paradoxal , l'intégration économique des pays de la rive sud méditerranéenne entre eux est quasiment inexistante : leurs échanges communs ne représentent que 3 % du total de leur commerce international.
En 2012, l'Union européenne a certes exporté vers les pays du Sud et de l'Est méditerranéen pour 167,98 milliards d'euros, et importé de cette zone pour 121,13 milliards. Mais si ces flux, équivalant à 10 % du commerce extérieur mondial de l'UE, sont importants pour l'Europe, ils restent bien inférieurs à ceux d'autres grandes régions : le poids de ce commerce intra régional est de 22 % dans la zone Mercosur (Amérique du Sud), et de 25 % pour l'Asean (Asie du Sud-Est).
Pourtant, mieux intégrés, les pays de l'Euromed gagneraient, selon les études, de un à trois points de croissance de PIB, soit en moyenne deux points pour les pays riverains du sud comme du nord de la Méditerranée. Une estimation qui fait consensus parmi les économistes, même si Frédéric Blanc, directeur général du Forum euro-méditerranéen des instituts de sciences économiques le Femise, basé à Marseille et fédérant 85 instituts de 25 pays admet qu'il s'agit d'une appréciation au doigt mouillé. Tout dépendrait en fait de l'étendue et du niveau d'intégration. D'ailleurs, prévue pour 2010, la création d'une zone de libre-échange en Méditerranée n'a toujours pas abouti.
Des écarts de richesse et de niveau de vie considérables
De nombreux projets concrets déjà engagés
Sur le plan géopolitique, l'Union pour la Méditerranée (UPM), créée en juillet 2008 à l'initiative de Nicolas Sarkozy, s'est vite révélée un machin inopérant, mais la gouvernance du partenariat Nord-Sud a progressé. Et l'UPM est tout de même devenue un cadre propice à l'éclosion ou à la consolidation d'une multitude de projets structurants intéressant les deux rives de l'Euromed. Qu'on en juge. Le Plan solaire méditerranéen (PSM, qui inclut l'ensemble des énergies renouvelables) est le plus ambitieux de ces projets. Il vise à parvenir, à l'horizon 2020, à une capacité installée de 20 GW d'électricité d'origine renouvelable dans les pays du Sud, et à contribuer à l'approvisionnement énergétique de l'Europe, qui participe d'ailleurs à son financement.
À ce jour, la réalisation la plus spectaculaire, qui s'inscrit dans le cadre du PSM, est le chantier déjà commencé de la centrale solaire de Ouarzazate, au Maroc. Elle sera l'une des plus importantes au monde, et la première en Afrique, avec une capacité de production de 500 MW, soit l'équivalent de l'alimentation d'une ville de 250 000 habitants. Son coût est évalué à environ 1 milliard d'euros, soit 2 % de l'estimation totale du PSM, à 50 milliards...
Autre grand projet de l'UPM en cours de réalisation : l'interconnexion électrique du pourtour méditerranéen, dont le coût devrait se situer dans une fourchette de 6 à 10 milliards d'euros. Des chantiers auxquels il faut ajouter tous ces projets en millions d'euros : une centaine sont actuellement examinés par le secrétariat général de l'UPM (installé à Barcelone), qui en a déjà labellisé 14 (lire page 6).
L'UE maintient ses investissements
Face aux bouleversements des insurrections arabes déclenchées en janvier 2011 par la révolution du jasmin tunisienne, l'UE a débloqué prêts et dons d'urgence. Aujourd'hui, malgré ses propres difficultés, elle maintient au même niveau ou presque son action financière en faveur des pays du Sud et de l'Est méditerranéen, les Psem. Le budget européen, approuvé par le Parlement le 3 juillet dernier, prévoit ainsi, pour la période 2014-2020, une ligne de financement de 8,4 milliards d'euros pour les Psem, soit un léger recul de 3 % par rapport au budget originel de 2007-2013. Pas si mal, si l'on considère que le budget européen global est lui-même en baisse. Ainsi, Henry Marty-Gauquié, directeur représentant la Banque européenne d'investissement (BEI) à Paris, estime que les pays méditerranéens peuvent être assurés d'un soutien continu de la part de l'Union, d'autant plus qu'en addition aux prêts de la BEI viendront les subventions du budget pour la transition démocratique des pays arabes.
Plus facile de faire du business en Turquie... qu'en Italie ou en Algérie
Indice de la facilité de faire des affaire en 2012
L'immense défi de la création d'emplois
Si l'Europe institutionnelle maintient ses engagements, les flux d'investissements directs étrangers (IDE) d'origine européenne affichent un relatif recul. En 2012, selon les statistiques collectées par le réseau Anima Investment Network, basé à Marseille, les IDE en provenance d'Europe s'élèvent à quelque 10 milliards d'euros, très loin des 17,21 milliards de 2010 et même des 12,77 milliards de 2011.
Ce contexte en demi-teinte ne décourage pas les think tank d'imaginer un avenir meilleur pour la région. Le Femise, l'Ocemo (Organisme de coopération économique pour la Méditerranée et l'Orient) et le CMI (Centre de Marseille pour l'intégration en Méditerranée) tous établis à Marseille , ainsi que l'Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen, à Paris) s'y emploient. Très actif, ce dernier institut, créé en 2007, a par exemple organisé ou participé à pas moins de 21 manifestations durant le seul premier semestre 2013. Selon l'une de ses études*, le décentrement de l'économie mondiale vers l'Asie fait courir à l'Europe, et à l'Euromed, le risque d'une marginalisation irréversible. Contrer ce scénario catastrophe impose de développer l'intégration économique régionale, estiment les auteurs de cet ouvrage collectif dirigé par Cécile Jolly, analyste au Centre d'analyse stratégique (CAS). Parmi les nombreuses synergies et complémentarités qui permettraient d'y parvenir, les auteurs insistent sur la colocalisation industrielle , autrement dit la mise en place du partage de la chaîne de valeur entre les deux rives de la Méditerranée stratégie qui a d'ailleurs si bien réussi à l'Allemagne avec les pays d'Europe centrale, et avant elle au Japon avec les tigres asiatiques.
Ce scénario de convergence [qui] représente pour la région 14 % de richesse supplémentaire accumulée , selon le rapport Ipemed, est le seul qui permettrait de faire face à l'immense défi de la création de 40 millions d'emplois sans le Sud, nécessaires pour seulement maintenir le chômage à son niveau actuel (son taux régional moyen est approximativement de 11,4 %), tandis que la cloche démographique atteindra son point haut dans les années 2025-2030. À la même époque, l'Europe vieillie sera en déficit de quelque 20 à 30 millions d'actifs...
Martin Schulz, le président (allemand) du Parlement européen et de l'assemblée parlementaire de l'UPM, a récemment affirmé à plusieurs reprises son engagement fort pour le partenariat Euromed. Début avril, il a réuni pour la première fois à Marseille l'ensemble des présidents des Parlements nationaux des 43 pays de l'UPM, lesquels, dans la déclaration finale, ont affirmé être « résolument en faveur d'un renforcement accru du rôle de l'UPM en tant que système participatifaxé sur des projets ».
Une région très profitable au commerce européen...
... Mais l'europe n'investit pas assez
En 2012, l'Union européenne a certes exporté vers les pays du Sud et de l'Est méditerranéen pour 167,98 milliards d'euros, et importé de cette zone pour 121,13 milliards. Mais si ces flux, équivalant à 10 % du commerce extérieur mondial de l'UE, sont importants pour l'Europe, ils restent bien inférieurs à ceux d'autres grandes régions : le poids de ce commerce intra régional est de 22 % dans la zone Mercosur (Amérique du Sud), et de 25 % pour l'Asean (Asie du Sud-Est).
Pourtant, mieux intégrés, les pays de l'Euromed gagneraient, selon les études, de un à trois points de croissance de PIB, soit en moyenne deux points pour les pays riverains du sud comme du nord de la Méditerranée. Une estimation qui fait consensus parmi les économistes, même si Frédéric Blanc, directeur général du Forum euro-méditerranéen des instituts de sciences économiques le Femise, basé à Marseille et fédérant 85 instituts de 25 pays admet qu'il s'agit d'une appréciation au doigt mouillé. Tout dépendrait en fait de l'étendue et du niveau d'intégration. D'ailleurs, prévue pour 2010, la création d'une zone de libre-échange en Méditerranée n'a toujours pas abouti.
Des écarts de richesse et de niveau de vie considérables
De nombreux projets concrets déjà engagés
Sur le plan géopolitique, l'Union pour la Méditerranée (UPM), créée en juillet 2008 à l'initiative de Nicolas Sarkozy, s'est vite révélée un machin inopérant, mais la gouvernance du partenariat Nord-Sud a progressé. Et l'UPM est tout de même devenue un cadre propice à l'éclosion ou à la consolidation d'une multitude de projets structurants intéressant les deux rives de l'Euromed. Qu'on en juge. Le Plan solaire méditerranéen (PSM, qui inclut l'ensemble des énergies renouvelables) est le plus ambitieux de ces projets. Il vise à parvenir, à l'horizon 2020, à une capacité installée de 20 GW d'électricité d'origine renouvelable dans les pays du Sud, et à contribuer à l'approvisionnement énergétique de l'Europe, qui participe d'ailleurs à son financement.
À ce jour, la réalisation la plus spectaculaire, qui s'inscrit dans le cadre du PSM, est le chantier déjà commencé de la centrale solaire de Ouarzazate, au Maroc. Elle sera l'une des plus importantes au monde, et la première en Afrique, avec une capacité de production de 500 MW, soit l'équivalent de l'alimentation d'une ville de 250 000 habitants. Son coût est évalué à environ 1 milliard d'euros, soit 2 % de l'estimation totale du PSM, à 50 milliards...
Autre grand projet de l'UPM en cours de réalisation : l'interconnexion électrique du pourtour méditerranéen, dont le coût devrait se situer dans une fourchette de 6 à 10 milliards d'euros. Des chantiers auxquels il faut ajouter tous ces projets en millions d'euros : une centaine sont actuellement examinés par le secrétariat général de l'UPM (installé à Barcelone), qui en a déjà labellisé 14 (lire page 6).
L'UE maintient ses investissements
Face aux bouleversements des insurrections arabes déclenchées en janvier 2011 par la révolution du jasmin tunisienne, l'UE a débloqué prêts et dons d'urgence. Aujourd'hui, malgré ses propres difficultés, elle maintient au même niveau ou presque son action financière en faveur des pays du Sud et de l'Est méditerranéen, les Psem. Le budget européen, approuvé par le Parlement le 3 juillet dernier, prévoit ainsi, pour la période 2014-2020, une ligne de financement de 8,4 milliards d'euros pour les Psem, soit un léger recul de 3 % par rapport au budget originel de 2007-2013. Pas si mal, si l'on considère que le budget européen global est lui-même en baisse. Ainsi, Henry Marty-Gauquié, directeur représentant la Banque européenne d'investissement (BEI) à Paris, estime que les pays méditerranéens peuvent être assurés d'un soutien continu de la part de l'Union, d'autant plus qu'en addition aux prêts de la BEI viendront les subventions du budget pour la transition démocratique des pays arabes.
Plus facile de faire du business en Turquie... qu'en Italie ou en Algérie
Indice de la facilité de faire des affaire en 2012
L'immense défi de la création d'emplois
Si l'Europe institutionnelle maintient ses engagements, les flux d'investissements directs étrangers (IDE) d'origine européenne affichent un relatif recul. En 2012, selon les statistiques collectées par le réseau Anima Investment Network, basé à Marseille, les IDE en provenance d'Europe s'élèvent à quelque 10 milliards d'euros, très loin des 17,21 milliards de 2010 et même des 12,77 milliards de 2011.
Ce contexte en demi-teinte ne décourage pas les think tank d'imaginer un avenir meilleur pour la région. Le Femise, l'Ocemo (Organisme de coopération économique pour la Méditerranée et l'Orient) et le CMI (Centre de Marseille pour l'intégration en Méditerranée) tous établis à Marseille , ainsi que l'Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen, à Paris) s'y emploient. Très actif, ce dernier institut, créé en 2007, a par exemple organisé ou participé à pas moins de 21 manifestations durant le seul premier semestre 2013. Selon l'une de ses études*, le décentrement de l'économie mondiale vers l'Asie fait courir à l'Europe, et à l'Euromed, le risque d'une marginalisation irréversible. Contrer ce scénario catastrophe impose de développer l'intégration économique régionale, estiment les auteurs de cet ouvrage collectif dirigé par Cécile Jolly, analyste au Centre d'analyse stratégique (CAS). Parmi les nombreuses synergies et complémentarités qui permettraient d'y parvenir, les auteurs insistent sur la colocalisation industrielle , autrement dit la mise en place du partage de la chaîne de valeur entre les deux rives de la Méditerranée stratégie qui a d'ailleurs si bien réussi à l'Allemagne avec les pays d'Europe centrale, et avant elle au Japon avec les tigres asiatiques.
Ce scénario de convergence [qui] représente pour la région 14 % de richesse supplémentaire accumulée , selon le rapport Ipemed, est le seul qui permettrait de faire face à l'immense défi de la création de 40 millions d'emplois sans le Sud, nécessaires pour seulement maintenir le chômage à son niveau actuel (son taux régional moyen est approximativement de 11,4 %), tandis que la cloche démographique atteindra son point haut dans les années 2025-2030. À la même époque, l'Europe vieillie sera en déficit de quelque 20 à 30 millions d'actifs...
Martin Schulz, le président (allemand) du Parlement européen et de l'assemblée parlementaire de l'UPM, a récemment affirmé à plusieurs reprises son engagement fort pour le partenariat Euromed. Début avril, il a réuni pour la première fois à Marseille l'ensemble des présidents des Parlements nationaux des 43 pays de l'UPM, lesquels, dans la déclaration finale, ont affirmé être « résolument en faveur d'un renforcement accru du rôle de l'UPM en tant que système participatifaxé sur des projets ».
Une région très profitable au commerce européen...
... Mais l'europe n'investit pas assez
Commentaire