Nouri Nesrouche- El Watan-21.07.2013.
Le carburant demeure la monnaie forte. Les «hallaba» à l’Ouest et les «contria» à l’Est prennent le quart de notre carburant, réduisant l’Algérie à importer du combustible pour répondre aux besoins de ses citoyens, et ces derniers à subir des pénuries qui frappent le centre du pays à son tour, après avoir défrayé la chronique à l’Est et à l’Ouest.
**Les instructions du Premier ministre concernant le renforcement des moyens de lutte contre la contrebande, a priori salutaires, ne peuvent empêcher les Algériens de s’interroger : où était l’Etat pendant toutes ces années ?
Et pourquoi se réveille-t-il aujourd’hui, à huit mois de l’élection présidentielle ? Car le trafic a dépassé les limites «tolérables» bien avant que Daho Ould Kablia ne s’en rende compte et la sonnette d’alarme a été tirée des milliers de fois avant qu’Abdelmalek Sellal ne l’entende.
Les observateurs estiment que le face-à-face avec la contrebande ne sera pas une partie de plaisir ; beaucoup d’ailleurs ne miseront pas sur les capacités de l’Etat à venir à bout du monstre. Pendant que l’Etat avait le dos tourné, la contrebande a profité, en effet, pour structurer une véritable organisation criminelle qui, aujourd’hui, s’est offert ses représentants et ses défenseurs au sein de l’establishment grâce à la promotion par la «chkara» de députés et de hauts fonctionnaires.
Aucun Algérien n’ignore aujourd’hui la réalité du phénomène. Olives, poudre à canon, produits agroalimentaires, armes à feu, cigarettes, cheptel, rond à béton, drogue… Tout peut faire l’objet de négoce. Le carburant est cependant la monnaie forte. Les «hallaba» à l’Ouest et les «contria» à l’Est prennent le quart de notre carburant, réduisant l’Algérie à importer du combustible pour répondre aux besoins de ses citoyens, et ces derniers à subir des pénuries qui frappent désormais le centre du pays après avoir défrayé la chronique à l’Est et à l’Ouest.
Les précédentes stratégies de lutte accompagnant les discours politiques se sont avérées pour le moins inefficaces. Qu’on en juge. En 2008, les trois inspections des Douanes de Tébessa, Bir El Ater et Oum El Bouaghi ont saisi 16 000 litres de carburants. Ce chiffre accroché fièrement au tableau de chasse des douaniers ne représente en vérité que trois livraisons d’une camionnette. Les saisies n’ont jamais été conséquentes.
Avant de déclarer (encore une fois) la guerre au fléau, il est judicieux de faire un bilan des politiques précédentes. La création en 2009 de nouveaux postes de surveillances des frontières afin de resserrer les mailles a fini par produire l’effet contraire, c’est-à-dire l’intensification de la contrebande. La presse a maintes fois souligné les incohérences de l’administration : la douane remet les marchandises saisies à ses propriétaires via des simulacres de vente aux enchères et les APC délivrent des permis de construire d’habitats ruraux à la lisière frontalière.
Les plus pernicieuses des conditions favorables au trafic demeurent cependant «el gossa» et l’impunité dont jouissent les trafiquants. Dans le riche vocabulaire contrebandier, «el gossa» renvoie au bakchich touché par les représentants de l’Etat pour fermer les yeux sur le trafic. Tout a un prix. Des agents, voire des services indélicats, ont changé de camp pour prendre place dans le système des trafiquants. Un système bâti comme un empire riche et puissant, une pieuvre aux tentacules funestes.
Et depuis quelques années, une autre facette du phénomène a pris place dans l’actualité : à plusieurs reprises, à Tébessa, Khenchela et Oum El Bouaghi, des administrations douanières et des casernes de la gendarmerie sont attaquées par les trafiquants et leurs familles pour récupérer des marchandises saisies ou libérer des passeurs arrêtés. Ces agissements démontrent, d’un côté, la hardiesse des trafiquants et, de l’autre, la faiblesse, voire la compromission de l’Etat. Ces épisodes ayant choqué l’opinion publique ont été suivies de l’impunité déconcertante accordée aux fauteurs de troubles, ajoutant à la démobilisation nationale et élargissant le réservoir des candidats potentiels au trafic.
Des Etats tampon sont nés dans les interstices de la compromission à l’image des territoires occupés par les cartels de la drogue sud-américains. En outre, la solidarité tribale est solidement engagée dans ce jeu, au profit du trafic et contre le droit et l’intérêt national. Au point où l’on en est, Sellal peut-il sérieusement aller au bout de son idée ?
Le carburant demeure la monnaie forte. Les «hallaba» à l’Ouest et les «contria» à l’Est prennent le quart de notre carburant, réduisant l’Algérie à importer du combustible pour répondre aux besoins de ses citoyens, et ces derniers à subir des pénuries qui frappent le centre du pays à son tour, après avoir défrayé la chronique à l’Est et à l’Ouest.
**Les instructions du Premier ministre concernant le renforcement des moyens de lutte contre la contrebande, a priori salutaires, ne peuvent empêcher les Algériens de s’interroger : où était l’Etat pendant toutes ces années ?
Et pourquoi se réveille-t-il aujourd’hui, à huit mois de l’élection présidentielle ? Car le trafic a dépassé les limites «tolérables» bien avant que Daho Ould Kablia ne s’en rende compte et la sonnette d’alarme a été tirée des milliers de fois avant qu’Abdelmalek Sellal ne l’entende.
Les observateurs estiment que le face-à-face avec la contrebande ne sera pas une partie de plaisir ; beaucoup d’ailleurs ne miseront pas sur les capacités de l’Etat à venir à bout du monstre. Pendant que l’Etat avait le dos tourné, la contrebande a profité, en effet, pour structurer une véritable organisation criminelle qui, aujourd’hui, s’est offert ses représentants et ses défenseurs au sein de l’establishment grâce à la promotion par la «chkara» de députés et de hauts fonctionnaires.
Aucun Algérien n’ignore aujourd’hui la réalité du phénomène. Olives, poudre à canon, produits agroalimentaires, armes à feu, cigarettes, cheptel, rond à béton, drogue… Tout peut faire l’objet de négoce. Le carburant est cependant la monnaie forte. Les «hallaba» à l’Ouest et les «contria» à l’Est prennent le quart de notre carburant, réduisant l’Algérie à importer du combustible pour répondre aux besoins de ses citoyens, et ces derniers à subir des pénuries qui frappent désormais le centre du pays après avoir défrayé la chronique à l’Est et à l’Ouest.
Les précédentes stratégies de lutte accompagnant les discours politiques se sont avérées pour le moins inefficaces. Qu’on en juge. En 2008, les trois inspections des Douanes de Tébessa, Bir El Ater et Oum El Bouaghi ont saisi 16 000 litres de carburants. Ce chiffre accroché fièrement au tableau de chasse des douaniers ne représente en vérité que trois livraisons d’une camionnette. Les saisies n’ont jamais été conséquentes.
Avant de déclarer (encore une fois) la guerre au fléau, il est judicieux de faire un bilan des politiques précédentes. La création en 2009 de nouveaux postes de surveillances des frontières afin de resserrer les mailles a fini par produire l’effet contraire, c’est-à-dire l’intensification de la contrebande. La presse a maintes fois souligné les incohérences de l’administration : la douane remet les marchandises saisies à ses propriétaires via des simulacres de vente aux enchères et les APC délivrent des permis de construire d’habitats ruraux à la lisière frontalière.
Les plus pernicieuses des conditions favorables au trafic demeurent cependant «el gossa» et l’impunité dont jouissent les trafiquants. Dans le riche vocabulaire contrebandier, «el gossa» renvoie au bakchich touché par les représentants de l’Etat pour fermer les yeux sur le trafic. Tout a un prix. Des agents, voire des services indélicats, ont changé de camp pour prendre place dans le système des trafiquants. Un système bâti comme un empire riche et puissant, une pieuvre aux tentacules funestes.
Et depuis quelques années, une autre facette du phénomène a pris place dans l’actualité : à plusieurs reprises, à Tébessa, Khenchela et Oum El Bouaghi, des administrations douanières et des casernes de la gendarmerie sont attaquées par les trafiquants et leurs familles pour récupérer des marchandises saisies ou libérer des passeurs arrêtés. Ces agissements démontrent, d’un côté, la hardiesse des trafiquants et, de l’autre, la faiblesse, voire la compromission de l’Etat. Ces épisodes ayant choqué l’opinion publique ont été suivies de l’impunité déconcertante accordée aux fauteurs de troubles, ajoutant à la démobilisation nationale et élargissant le réservoir des candidats potentiels au trafic.
Des Etats tampon sont nés dans les interstices de la compromission à l’image des territoires occupés par les cartels de la drogue sud-américains. En outre, la solidarité tribale est solidement engagée dans ce jeu, au profit du trafic et contre le droit et l’intérêt national. Au point où l’on en est, Sellal peut-il sérieusement aller au bout de son idée ?
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