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La place des métiers manuels dans l'économie algérienne

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  • La place des métiers manuels dans l'économie algérienne

    Instaurer une convergence d’intérêts


    "Les métiers intellectuels attirent davantage les jeunes, comparativement aux métiers manuels, plus fatigants et moins reluisants, considérés en plus comme dévalorisants et donc, délaissés au fil du temps en Algérie".

    C’est ce que révèle, cette semaine, une mini-enquête réalisée par l’APS, auprès de spécialistes en psychologie et en sociologie.

    La révélation ne surprend guère les observateurs de la scène économique et sociale de l'Algérie. Mieux, le Président de la République a eu à stigmatiser publiquement le comportement des jeunes qui, en sollicitant un poste dans une structure économique, une administration ou un chantier, demandent, sans grande retenue, à être affectés à un poste de gardiennage (agent de sécurité), où, s’ils arrivent à l’obtenir, y apporteront matelas, oreiller et téléviseur.

    C’est dire combien la fonction d’agent de sécurité tend dangereusement à se transformer en une espèce de sinécure et de farniente, exposant les unités et les structures concernées aux risques de vol, d’attentat et de cambriolage.

    D’autres postulants à un poste de travail, lorsque les choix sont très limités pour eux, et en se rendant dans un chantier de bâtiment ou de travaux publics, sollicitent le poste de… pointeur. On conclut que les jeunes fuient de plus en plus les travaux qui exigent un effort physique, comme ils ont tendance à ‘’frimer’’ avec un poste dit ‘’intellectuel’’, c’est-à-dire de bureau, où il n’est fait appel qu’au stylo et au papier, sinon à un écran d‘ordinateur.

    Psychologiquement, cela les valorise dans une société qui tend de plus en plus à ravaler les valeurs du travail à un niveau fort inquiétant.

    L’enquête établit que ‘’les jeunes d’aujourd’hui sont en quête d’un statut social et ont tendance à choisir des professions intellectuelles pour se faire une place dans la société, car à leur yeux, l’accès à un rang social valorisant, même en apparence, est souvent synonyme d’un important poste professionnel«. Elle ajoute que «les parents, conscients des changements sociétaux, encouragent leurs enfants à faire des études, même si ces derniers ne sont pas prédisposés à suivre un parcours scolaire et universitaire«. Ce constat pose immanquablement une problématique de fond, celle qui concerne la politique de l’enseignement et de la formation dans notre pays et sa relation avec le monde du travail. Là, il semble que l’Algérie traîne de graves séquelles de l’économie administrée, telle qu’elle était établie avant 1990.

    L’État-providence, qui puisait de la rente pétrolière et la distribuait selon un système clientéliste réticulée, pourvoyait à tous les besoins des Algériens, même si les couches sociales ne bénéficiaient pas d’une façon égale de cette générosité intéressée. Les entreprises publiques et l’administration, en procédant au recrutement du personnel, n’étaient tenues par aucune obligation de résultat (productivité, qualité du produit,…). Le personnel pléthorique ne faisait que croître, au détriment de la santé des entreprises. L’État était à leur côté pour leurs effacer les dettes et les repêcher par des opérations d’assainissement financier. Les recrutements n’étaient basés que sur le papier-diplôme et non sur un niveau de compétence avérée ou une quelconque qualification éprouvée. Cet état d’insouciance par rapport au niveau de compétence a fini par faire son plongement dans les structures de l’enseignement (enseignement général, formation professionnelle et université). En d’autres termes, puisque le poste de travail pouvait être obtenu sans compétence particulière, il suffit d’obtenir par tous les moyens la note qui puisse faire délivrer le diplôme.

    ‘’Tous les moyens’’, cela veut dire copiage, marchandage de la note avec des professeurs véreux, menace sur le corps professoral, pression pour faire baisser le niveau des épreuves d’examen,…etc. Simultanément, plusieurs phénomènes convergèrent pour idéaliser les métiers de bureaux, dit ‘’intellectuels’’.

    Outre l’image ‘’valorisante’’ de soi, qui remonte, en fait, à un complexe du colonisé, né lorsque le fonctionnaire de la mairie, le médecin de la ville, le maître d’école, imposaient une image «éthérée’’ du colon face à l’indigène berger, artisan ou maçon, les fonctions de ‘’bureau» ont été valorisées par le système algérien postindépendance, nourri par la rente et le clientélisme.

    L’image dévalorisante du paysan, de l’artisan et des autres métiers manuels a eu la peau dure, jusqu’à l’impasse actuelle qui se dessine sur les chantiers et les ateliers. C’est que, aujourd’hui, avec les avancées pédagogiques opérées à travers le monde, les métiers manuels ne sont plus comme avant.

    Pratiquement, tous les métiers sont dotés d’une formation, sauf ceux que l’Algérie n’a pas encore intégrés dans ses centres de formation. Les métiers les plus ‘’banals’’, qui s’appuyaient jadis sur des pratiques et outils traditionnels, bénéficient aujourd’hui de la formation.

    L’Algérie forme des apiculteurs, des pépiniéristes, des ouvriers spécialisés dans plusieurs métiers d’entretien, de montage et d’installation de systèmes (plomberie, climatisation, étanchéité,…). Il reste à poser la question de l’adéquation de ces formations (en termes de profil et de compétences) avec l’économie réelle (marché du travail pouvant absorber les candidats ayant subi une formation). Les industriels privés algériens se plaignent aujourd’hui de cette discordance, qui est bien réelle.

    Le niveau de formation et le profil n’épousent pas encore les besoins de l’économie réelle.

    Les chefs d’entreprises et les organisations patronales le font savoir à chaque occasion (réunion avec les ministres, tripartites, séminaires).


    La promotion des métiers manuels, telle que posée par l’enquête de l’APS, passe d’abord par deux axes importants et indissociables: les efforts d’investissement dans l’entreprise de production, en tenant à diversifier au maximum les activités économiques du pays, et la formation aux métiers générés par cette nouvelle politique orientée en direction de l’entreprise. C

    ette convergence d’intérêts est de nature à bouleverser la donne, y compris sur le plan psychologique, à savoir que tous les métiers, s’ils bénéficient d’une bonne politique de formation et qu’ils figurent sur les tablettes des nouveaux capitaines d’entreprises, sont valorisants.

    Par Amar Naït Messaoud, la dépêche de kabylie
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