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L'accueil des étudiants étrangers en France : «Kafkaïen et humiliant»

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  • L'accueil des étudiants étrangers en France : «Kafkaïen et humiliant»

    Quel accueil réservent les autorités françaises aux étudiants et aux salariés hautement qualifiés invités ou qui choisissent eux-mêmes l’Hexagone ?

    Humiliant, kafkaïen, répond une commission d’enquête formée de pas moins de quatre corps d’inspection différents et qui ont récemment remis leur rapport et leurs recommandations. La pratique française actuelle envers les étrangers, affirment-ils, est tout indiquée pour faire fuir vers d’autres destinations les compétences étrangères.

    L’enjeu pour la France ? Le danger de perte de toute compétitivité à l’international. De quelle façon accueille-t-on en France ce que ce pays a appelé les «talents étrangers», autrement dit les étudiants de niveau master et doctorat, les chercheurs, les salariés hautement qualifiés ou appelés encore «hauts potentiels», les investisseurs, les entrepreneurs, les cadres et dirigeants en missions économiques, les artistes et les sportifs de haut niveau ?

    Des inspecteurs de l’éducation, de l’enseignement général, des finances, des affaires étrangères et de l’Inspection générale de l’administration ont fait une enquête qui a abouti à un rapport de 123 pages, d’une tonalité très sévère sur cet accueil, et ont conclu leur travail par 26 recommandations aux autorités, à même de corriger les dysfonctionnements et aberrations relevés. «Notre place dans la compétition internationale pour attirer des talents est menacée», résument les inspecteurs qui appellent à «construire un nouveau modèle d’accueil». Pour l’heure, et parmi les carences les plus criantes, il est soulevé : un accueil administratif décrié, un suivi insuffisant des étudiants pendant comme après leurs études, des faiblesses dans l’apprentissage du français et surtout de très grosses difficultés de logement, des changements réglementaires à tout instant et un nombre de plus en plus faible de bourses octroyées et dont le montant n’a pas été revalorisé depuis dix ans ! Fidèle à sa tradition bureaucratique, la France, relève le rapport, a eu le génie de créer en direction des étrangers, pas moins de 7 types différents de cartes de séjour temporaires. «Un étudiant étranger qui devient doctorant, ou un doctorant qui devient chercheur vont se voir demander de changer de carte, avec toute la kyrielle de files d’attente interminables et de papiers justificatifs à présenter, qui vont transformer leurs démarches en cauchemar ». Cette situation, préconise le rapport, pourrait très bien être remplacée par un seul titre, à savoir «une carte blanche pour la France». Par ailleurs, les membres de la commission s’élèvent contre le manque de confiance qui caractérise les rapports entre les différentes administrations et qui impacte les personnes accueillies. Ainsi, la somme colossale de formalités infligées aux étrangers proviendrait du fait que les préfets ne font pas confiance aux fonctionnaires des affaires étrangères qui instruisent les visas ; que le ministère du Travail ne fait pas confiance aux préfets comme il ne fait pas confiance aux universités.

    Ce manque de confiance conduit l’étranger à prouver constamment ce qu’il a eu déjà à prouver avant à d’autres administrations. Il en est ainsi par exemple de l’extrait d’acte de naissance ou des preuves des études suivies antérieurement à l’arrivée en France. Avec les changements de gouvernement, les étudiants étrangers sont en butte au changement de réglementations et aux circulaires de plus en plus contraignantes telles que la fameuse circulaire Guéant. Les inspecteurs ont pu constater que cette instabilité dans la réglementation et par conséquent l’absence d’instructions claires et stables ont conduit des consulats à traiter arbitrairement et selon leur bon vouloir l’instruction des dossiers. Pour ce qui concerne les chercheurs et artistes, un chanteur par exemple qui vient pour un concert ou un chercheur qui vient donner une conférence est dans l’obligation de demander une carte de séjour et passer par le ministère du Travail alors qu’un simple visa de circulation aurait suffi. Quant aux étrangers qui viendraient en mission, leur carte de séjour peut mettre jusqu’à 9 mois pour être délivrée. La France avait créé la notion d’immigrants «hauts potentiels» espérant ainsi bénéficier de ces potentiels et hautes compétences.

    L’échec a été cuisant, notent les inspecteurs qui relèvent que les mesures d’attractivité pour attirer ce type d’immigrés sont de loin les moins intéressantes que dans les autres pays de l’OCDE. Seuls 1 427 cartes délivrées en 6 ans et une baisse notable de ces cartes «compétences et talents» a été observée, probablement résultant de la circulaire Guéant. Et pour terminer, le rapport souligne que moins d’un chercheur sur 4 se dit satisfait de l’accueil qui lui est fait comme ne sont pas non plus satisfaits les présidents d’université qui «se lamentent régulièrement des invraisemblables et souvent humiliantes complications qu’ils ont eu à affronter quant ils veulent faire venir un prof étranger». C’est dire que beaucoup de chemin reste à faire par les autorités françaises pour faire rattraper en terme de compétitivité ses voisins et autres pays de l’OCDE.

    Khedidja Baba-Ahmed - Le Soir
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