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Le fils du pauvre de Mouloud Feraoun

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  • Le fils du pauvre de Mouloud Feraoun

    Un village de la montagne kabyle au début du siècle. C’est là que vivent les Menrad. Ils ne font pas, comme on dit, figure de pauvres. Ils ne se rendent pas compte qu’ils sont pauvres. Ils sont comme les autres; voilà tout. Dans ce livre Mouloud Feraoun raconte sa propre histoire…
    "Mon père, en effet, avait beaucoup de soucis pour faire vivre sa famille. Je n’outrepasse pas la vérité en disant que la seule utilité visible de ma scolarisation était mon absence prolongée de la maison qui réduisait la quantité de figues et de couscous que je mangeais. Je me souviens bien, à ce propos, des plaintes de ma mère pendant les grandes vacances et de son impatience à voir la fin des longs congés. Il lui fallait, à elle, beaucoup d’astuce et à mon père beaucoup de sueur pour joindre les deux bouts."
    "Les pères de famille qui passent leur temps à essayer de satisfaire les petits ventres peuvent-ils s’occuper également des petites cervelles?…"
    "Nos ancêtres, paraît-il, se groupèrent par nécessité. Ils ont trop souffert de l’isolement pour apprécier comme il convient l’avantage de vivre unis. Le bonheur d’avoir des voisins qui rendent service, aident, prêtent, secourent, compatissent ou tout au moins partagent votre sort! Nous craignons l’isolement comme la mort. Mais il y a toujours des querelles, des brouilles passagères suivies de raccommodements à propos d’une fête ou d’un malheur. Nous sommes voisins pour le paradis et non pour la contrariété. Notre paradis n’est qu’un paradis terrestre, mais ce n’est pas un enfer."
    "Il existe deux catégories de gens: ceux qui se suffisent régulièrement et ceux qui passent, au gré de la bonne ou de la mauvaise fortune, de la misère la plus complète à l’humble aisance des favorisés du ciel. Mais on ne peut ni établir un classement définitif ni constater des différences essentielles dans le genre de vie des habitants."
    "A Tizi, on se connaît, on s’aime ou on se jalouse. On mène sa barque comme on peut, mais il n’y a pas de castes. Et puis, combien de pauvres se sont mis à amasser et sont devenus riches? Combien de riches se sont appauvris promptement avant d’être ruinés par l’usurier, que tout le monde respecte, craint et déteste. Il aura son tour, bien sûr, il mourra dans la mendicité. La loi est sans exception. C’est une loi divine. Chacun de nous, ici-bas, doit connaître la pauvreté et la richesse. On ne finit pas comme on début, assurent les vieux. Ils en savent quelque chose!"
    "Les souvenirs d’enfance manquent de précision et de lien:on garde certaines images frappantes que le cœur peut toujours unir l’une à l’autre lorsqu’il les évoque."
    "Oh! les pauvres yeux de fous, je ne les verrai nulle part sans émotion. Eux seuls reflètent la souffrance de l’âme et recherchent éperdus ce que le cœur et le cerveau n’ont plus. C’est pour cela qu’ils sont hagards, terrifiés, terrifiants et pitoyables. Pourquoi Dieu n’accordent-t-il pas aux déments d’être aveugles? Je crois que leur souffrance serait plus supportable."
    "L’enfant ne fait pas grand cas en général de la tendresse de ses parents. C’est pour lui chose acquise. Il n’y pense même pas, il s’en lasse lorsqu’on le gâte. Il aspire à des affections supplémentaires: il fait des avances, cherche des amis, l’ingrat veut donner son petit cœur; il est prêt à trahir sa mère, à préférer un autre homme à son père, pourvu qu’il trouve quelqu’un de sûr. Ses naïfs élans butent contre l’indifférence des grandes personnes: il ne rencontre que la déception, source d’une première amertume. Dans les familles nombreuses, les frères sont tous des rivaux. Quant aux parents, leur souci constant est la lutte pour le couscous quotidien ou la gandoura annuelle. Ils sont nombreux, ces cœurs d’enfants qui ne se sont jamais ouverts et qui demeurent gros de tendresse renfermée."

    dz(0000/1111)dz

  • #2
    bonjour

    "Je me souviens comme si cela datait d’hier "
    de la maitresse qui nous interdisait d’utiliser cette expression pour mieux nous exprimer nous même avec nos propres mots.
    Mes souvenirs ont refait surface grâce à ce titre et un brin de nostalgie s’est emparée de moi.
    "J’avais pris le pli"
    de faire un passage pour suivre latrace. je ne le regrette pas.
    Merci
    dz(0000/1111)dz

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    • #3
      Bonjour Katiaret!

      Voici un extrait que j'ai préféré dans le roman de M.Feraoun

      TENDRESSE PATERNELLE .



      Le père Ramdane réussissait avec beaucoup de vigilance à assurer à la maisonnée le maigre couscous quotidien. Lorsque les travaux était momentanément arrêtés, il se faisait manœuvre et aidait comme journalier deux maçons qui construisaient pour les riches.

      Quand on a bâti au village le premier moulin à presse hydraulique, puits et pompe, mon père y a travaillé vingt-deux jours. Ces journées m’ont laissé aussi leur souvenir.

      Les travaux avaient débuté au mois de juin, je crois. Nous étions encore à l’école. Le chantier se trouvait juste en face de chez nous, à une centaine de mètres. Il y avait là, en même temps que mon père, notre cousin Kaci le père de Said et Arab, le père d’Achour, un camarade d’école!

      Dés le premier jour, à onze heures, Said nous propose d’allez voir nos parents ; nous acquiesçons, Achour et moi. Nous avons compris à demi-mot ce que veut dire Said. N’est ce pas à onze heures que le patron fait arrêter le travail pour le déjeuner.

      Nous tombons sur eux, avec une louable exactitude, au même moment que les plats. Nos pères respectifs sont vivement contrariés. Mais le patron est généreux. Il nous ordonne de nous asseoir et nous mangeons, la tête basse. Nous mangeons quand même. D’abord une bonne soupe avec des pommes de terre, et nous recevons chacun un gros morceau de galette levée ; puis du couscous blanc de semoule, avec de la viande. Devant de telles richesses, la joie prend le pas sur la honte du début. Dès que nos estomacs sont pleins, nous nous sauvons. Le front ruisselant de sueur, sans remercier personne, emportant dans nos mains ce qui nous reste de viande et de galette.

      Le soir, ainsi que je m’y attendais, mon père n’était pas content de moi. Il n’insista pas beaucoup pour ne pas me faire de peine et me promit de m’apporter chaque soir la plus grande partie de ce que lui reviendrait de ces fameux repas. J’étais sûr de moi en décidant de ne plus jamais aller le voir au chantier. Il a tenu sa promesse et je n’ai pas tenu la mienne.

      Deux jours après, pendant la récréation, Said n’y tenant plus m’accosta et, sans préambule, se mit à me parler de la soupe.

      Il me travailla pendant toute la récréation. A onze heures, il se faufila jusqu’à moi dans la mêlée d’élèves et ne me quitta pas d’une semelle.

      […] Nous arrivons au carrefour. Je m’arrête. Instinctivement je regarde du côté du pressoir. Said a déjà fait le même geste que moi. Il tourne la tête, nos regards se rencontrent, se comprennent, il me prend la main et nous courons comme des fous vers les ouvriers. Nous ne prenons conscience qu’à dix mètres du chantier. Terrifiés de notre audace, nous essayons de nous cacher derrière une meule de paille. Trop tard ! ils nous ont vus. Le père Kaci nous interpelle avec colère et nous crie de faire demi-tour. Said part comme une flèche en direction de la maison. Mon père quitte son travail, se dirige calmement vers moi, me dit de ne pas bouger. Je reste planté là, plein de honte. Il me rejoint, me pose sa grosse main toute sale de mortier sur la tête et me dit :

      -Laisse-le partir. Vas à côté du père Kaci, tu mangeras à ma place. Je monte à la maison pour me reposer un peu. Aujourd’hui, je n’ai pas faim.

      Ce repas, sous l’œil dédaigneux des hommes, fut un supplice pour moi. Kaci et Arab se moquaient de ceux qui ne savaient pas élever leurs enfants. L’allusion était directe, je rougissais et je pâlissais. Je me disais, pour diminuer ma faute, que mon père n’avait pas faim. Mais je du me tromper car, en rentrant à la maison, je lui trouvai entre les mains, mon petit plat en terre cuite, orné de triangles noirs et rouges. Il achevait de manger mon couscous noir. Ce jour-là, il retourna au travail le ventre à moitié vide, mais il grava, une fois pour toute, dans le cœur de son fils, la mesure de sa tendresse.

      De Mouloud FERAOUN (Le fils du pauvre)
      "La chose la plus importante qu'on doit emporter au combat, c'est la raison d'y aller."

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      • #4
        merci hben pour extrait fils du pauvre
        cest la bonne liturature école algerienne a donnée beaucoup de chose a la liturature française
        dz(0000/1111)dz

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        • #5
          C'est le premier livre que j'ai lu en entier. C'est le livre qui m'a fait découvrir ma passion pour la lecture... Et depuis Mouloud Feraoun reste, spécial à mon sens.

          J'ai retrouvé, un peu l'esprit de ce roman, dans " ce que le jour doit a la nuit" de yasmina khadra... qui est bien aussi. Mais comme toutes les premières fois le fils du pauvre je m'en souviendrai toujours.
          La vie est belle
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          • #6
            " Crois tu que le cheikh acceptera un singe pareil", une grande tendresse et douceur se dégagent de ces écrits , que Dieu l'accueille dans son paradis.

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            • #7
              Azul fellawen,

              On se voyait tous dans la vie de Fouroulou. Je vivais cette vie quand j'étais au primaire.

              Sa plume manque à l'Algérie moderne, athirham Rabbi.
              Dernière modification par Horizon2030, 01 août 2013, 02h35.
              Ask not what your country can do for you, ask what you can do for your country. John F. Kennedy

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