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«Le parti Ennahda ne croit pas à l’alternance, et c’est eux qui ont tué mon époux»

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  • «Le parti Ennahda ne croit pas à l’alternance, et c’est eux qui ont tué mon époux»

    Basma Khelfaoui, veuve du martyr et militant tunisien assassiné, Choukri Belaïd :

    L’assassinat de son époux et compagnon de route, Choukri Belaïd, a poussé Bassma Khelfaoui à émerger sur l’arène politique tunisienne, arabe et même internationale, perpétuant ainsi le combat de son défunt mari. Et son unique volonté est de découvrir la vérité autour de «qui a assassiné Choukri Belaïd», afin que cela devienne un symbole de résistance. Basma Khelfaoui s’est confiée à Mon Journal dans cet entretien que nous vous livrons.

    Selon certains journaux, vous promettez au gouvernement tunisien de dévoiler les circonstances de l’assassinat de Choukri Belaïd dès le 6 août prochain…

    L’ensemble du peuple tunisien a brandi les mêmes slogans, le jour de l’assassinat ainsi que le jour de l’enterrement de mon défunt mari, à savoir : «C’est Ennahda qui a assassiné Choukri Belaïd». Le défunt disait dans ses déclarations et analyses, des mois avant sa mort, qu’à chaque fois que le gouvernement Ennahda se sentait acculé, il faisait systématiquement recours à la violence.
    De même qu’il déclarait que des meurtres pourraient avoir été commis par ce même gouvernement… Autant d’indicateurs politiques qui nous motivent et nous renforcent dans la même conviction, à savoir que le gouvernement Ennahda refuse l’alternance politique. Ceci est une évidence politique. Sur le plan juridique, le scénario du crime montre clairement que les auteurs du crime sont un groupe de salafistes et un autre groupe issu des Comités de défense de la révolution, affilié à la section El-Karem.
    Deux d’entre les criminels ont été arrêtés par les forces de l’ordre, tandis que deux autres sont en fuite. Parmi eux se trouve l’accusé principal, ElFedfadi. Il y a lieu de signaler que Feu Choukri Belaïd avait auparavant formulé une demande au ministre de l’Intérieur, l’informant qu’il faisait l’objet d’une surveillance et qu’il était nécessaire de le mettre sous protection jusqu’à identification et neutralisation de ses persécuteurs. Le ministre avait alors répondu, avec légèreté, qu’il n’y avait pas lieu de paniquer...
    Et c’est le même ministère qui nous a informé que le suspect dans l’assassinat de Choukri Belaïd est entré en Tunisie après les événements du 11 Septembre. Donc, après l’avènement du terrorisme. Pourquoi ne pas l’avoir mis sous observation alors que le pays traversait une période d’insécurité ?!

    Pensez-vous que tout ce scénario n’est que mensonge ?

    Une chose est sûre, les autorités tunisiennes ont failli à leur devoir de protéger Choukri Belaïd, et même après qu’il en a formulé la demande, le ministère de l’Intérieur ne l’a pas pris au sérieux.

    Un journal avait sorti à sa Une des lettres codées de Basma au gouvernement provisoire. Quel était le contenu de ces correspondances ?
    Je ne possède aucune correspondance codée. Mes lettres sont claires et leur message est que nous n’accepterons pas ce silence et cette complicité, et notre réponse se fera par des actes mais pacifiquement, le 6 août. Cette date entrera dans l’histoire et Mon Journal y est convié...

    Qu’en est-il des tribunaux internationaux ? Cela revient-il à dire que vous n’avez pas confiance en la justice tunisienne ?

    Absolument, à ce jour, je n’ai aucune confiance en la justice de mon pays au vu de la manière avec laquelle celle-ci a abordé l’affaire. Ce qui ne veut pas dire que je solliciterais les tribunaux internationaux. Cependant, nous avons fondé un Comité international de défense, qui est composé d’avocats internationaux venus de Belgique et de France, avec à leur tête maître Jean-Pierre Maniard ; ainsi qu’un autre groupe d’avocats arabes ; et ce afin de les réunir dans une commission mixte.

    Pourquoi, dans ce cas, n’avoir pas sollicité les tribunaux internationaux puisque vous n’avez pas confiance en la justice tunisienne ?

    Il y a des conditions pour cela et nous respectons la loi. L’une de ces conditions énonce que nous devons épuiser tous les mécanismes juridiques et tous les recours légaux pour que justice soit faite. Pour l’instant, nous offrons une grande opportunité à la justice tunisienne. Qui sait ! Sera-t-elle à la hauteur des espérances des compagnons de lutte du martyr et surtout du peuple tunisien.
    Cependant, nous persistons à croire que l’Etat possède les moyens d’apporter la lumière sur cette affaire ; à savoir identifier les commanditaires de cet acte odieux.
    Dans le cas contraire, l’Etat aura prouvé sa complicité... Et partant, nous ne serons plus en mesure de parler d’élections libres, ni de démocratie, ni de transition démocratique, encore moins de l’émergence d’une société civile…

    Selon certains journaux, l’affaire est traitée par les services de la section criminelle qui est contrôlée par Ennahda. Est-ce vrai ?

    Non, ce n’est pas vrai ! La section anti-criminalité est une équipe qui a fait ses preuves et les résultats de leurs enquêtes n’ont jamais été contestés. Je peux vous le garantir. Le problème est que l’affaire de mon défunt mari entre dans la catégorie des affaires de terrorisme et est traitée par la section antiterrorisme qui relève de la Garde nationale. Contrairement à la section anti-criminalité qui, elle, relève de la sûreté publique. Je ne comprends pas cette histoire de transmission de dossier d’un service à un autre. C’est d’une lenteur ! Cinq mois d’investigations n’ont pas suffi...

    Léger retour en arrière. Une des questions restées en suspens, dès son investiture, le Premier ministre actuel a donné une conférence de presse dans laquelle il a révélé le rapport des services de sécurité concernant l’assassinat de Belaïd Choukri.
    Cette conférence de presse n’est pas uniquement une comédie, mais une sale opération destinée à amortir la colère du peuple et des partis politiques d’opposition.
    Comme je l’ai affirmé sur le plateau de Nessma TV, le parti Ennahda connaît parfaitement l’opposition et ils ont réussi à absorber la classe politique... Vous souvenez-vous avoir entendu le gouvernement précédent parler de changements avant l’assassinat de Choukri Belaïd ?
    Les changements opérés ne sont qu’une manœuvre et une tentative de dispersion pour gagner du temps. Le martyr Choukri Belaïd l’avait dénoncé sur les plateaux de Nessma TV, quinze jours avant son assassinat.

    Il paraît que l’actuel ministre de l’Intérieur est meilleur que son prédécesseur, avez-vous confiance dans ses déclarations à propos de l’affaire Choukri Belaïd ?
    Ce n’est pas une question de confiance. L’affaire est devenue sensible et personnelle ! J’aurais confiance en la personne qui me répondrait aux questions restées en suspens : qui a exécuté Choukri Belaïd ? Qui en a donné l’ordre ? Qui en sont les commanditaires ? Et qui en est le principal responsable ? Alors à ce moment-là, j’aurais confiance en cette personne...

    Le défunt Choukri Belaïd disait toujours qu’Ennahda voulait le tuer. Avait-il des preuves ?

    Sa preuve était la conviction que le parti Ennahda n’accepte pas l’alternance, et on était habitués à le voir comme un parti terroriste qui faisait usage de violence depuis les années quatre-vingt ; justement car il n’accepte pas l’autre.
    Et ils utilisent la violence car ne pouvant pas apporter de solutions aux problèmes politiques et socioéconomiques de la Tunisie.
    De ce fait, mon défunt époux représentait pour Ennahda un danger sur le plan politique.

    Y a-t-il une question qu’on aurait oubliée de vous poser ?

    Je dois rappeler que je ne crois plus au combat politique partisan mais au combat collectif : la société civile et le mouvement associatif. Nous avons fondé l’association Arfa, à savoir l’initiative visant à dévoiler la vérité sur les commanditaires de l’assassinat de Choukri Belaïd. Et je lance un appel à tous les libéraux, ainsi qu’à la société civile à venir participer au rassemblement du 6 août, qui aura lieu rue El-Habib Bourguiba, à l’occasion du 6e mois de l’assassinat du martyr Choukri Belaïd. Et comme je vous l’avais dit, ce sera une date contre l’oubli et la colère qui nous rongera toujours avant de savoir qui a tué Choukri Belaïd.

    Avez-vous espoir qu’un jour peut-être la vérité surgisse ?
    Absolument, il existe des affaires similaires à celle-ci où la vérité a fini par éclater cinquante ans après... Et je suis convaincue que j’ai encore trente ou quarante ans à vivre (sourire...) et nous ferons tout notre possible pour découvrir la vérité.

    Notre entretien tire à sa fin, quelques mots en conclusion ?

    Vous m’avez parlé de ce qui est arrivé et arrive toujours à votre journal, je dis à votre équipe que nous sommes une société qui appartient aux sociétés émergentes.
    Nous croyons en la liberté d’expression et en la démocratie et nous aspirons à sa concrétisation.
    Cependant, de l’autre côté, le régime reste toujours en décalage, car il est tellement prévisible. Et du fait que je suis Algérienne du côté maternel, je vous demande de résister, résister, résister et ne jamais abandonner, car la liberté d’expression ne nous sera pas servie sur un plateau d’argent !
    Je passerais vous voir dès que j’en aurais l’occasion, mes salutations à votre équipe et au grand peuple algérien résistant.
    Entretien réalisé par Guetala Djamel
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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