Mes funérailles ont lieu dans la nouvelle chambre
où j'ai pris mes quartiers.
Un long cri est lancé :" Ecris le poème! "
J'écris ce que charrie mon sang,
je barre, je rature,
jusqu'à ce que l'idée têtue acquière enfin
la souplesse voulue.
Ma nouvelle chambre est vaste,
plus vaste en tout cas que ne sera mon tombeau.
Si la fatigue me saisit en plein éveil,le sommeil
n'en prend que plus de saveur.
Il jaillit jusque des orbites creuses de la pierre,
jusque de la cheminée solitaire en son angle rencognée .
Le cri des obsèques arides, usées, rapiécées
jaillit de la haute bouche et tombe
joyeusement le long des murs,
caressant avec allégresse le miroir, les bouteilles.
Pourquoi tous ces recoins demeurent- ils dans l'ombre,
comme la terre pour l'homme impatient de briser cette chaîne
à force de vin et d'or et de beautés femelles,
à force de mensonges en son coeur, sur sa langue,
dans son désir de ramener tout excès à l'immobilité
d'une eau dormante?
Et la face du miroir, qu'a-t-elle à offrir sinon son désert,
en l'absence d'une beauté
aux lèvres de corail éclairées par deux yeux où danse
l'attendrissement des soirs?
Beauté aux seins pour moi dénudés!
Comme ce miroir, la terre un matin se montrera sans vie.
Et dans les nuits livrées à l'obscurité totale, à l'heure même
du repos, seuls les vents lanceront leurs abois!
Dieu alors, craignant l'ombre des défunts, tirera la mott à
lui et s'y endormira, comme on s'enveloppe dans la couverture
épaisse au long des nuits d'hiver.
Le poète est ainsi à l'heure où jaillit le poème.
Il ne le voit pas battre son rythme d'éternité.
Il détruira ce qu'il aura bâti, il éparpillera
les pierres de son édifice, puis les enfouira
sous la cendre du silence et du repos.
Lorsque lui viendra une idée nouvelle,
il la tirera vers lui comme un voile où se perdront ses yeux.
Si le passé doit faire retour sur nous, qu'il soit détruit :
car les choses ne croissent et ne lèvent que sur leurs
cendres consuméesjetées à tous les ventsde l'horizon...
Ainsi naît le poème !
Bader Chakir Al-Sayyab
( 1926 - 1964)
J'ai lu , aimé je partage
M.G...
où j'ai pris mes quartiers.
Un long cri est lancé :" Ecris le poème! "
J'écris ce que charrie mon sang,
je barre, je rature,
jusqu'à ce que l'idée têtue acquière enfin
la souplesse voulue.
Ma nouvelle chambre est vaste,
plus vaste en tout cas que ne sera mon tombeau.
Si la fatigue me saisit en plein éveil,le sommeil
n'en prend que plus de saveur.
Il jaillit jusque des orbites creuses de la pierre,
jusque de la cheminée solitaire en son angle rencognée .
Le cri des obsèques arides, usées, rapiécées
jaillit de la haute bouche et tombe
joyeusement le long des murs,
caressant avec allégresse le miroir, les bouteilles.
Pourquoi tous ces recoins demeurent- ils dans l'ombre,
comme la terre pour l'homme impatient de briser cette chaîne
à force de vin et d'or et de beautés femelles,
à force de mensonges en son coeur, sur sa langue,
dans son désir de ramener tout excès à l'immobilité
d'une eau dormante?
Et la face du miroir, qu'a-t-elle à offrir sinon son désert,
en l'absence d'une beauté
aux lèvres de corail éclairées par deux yeux où danse
l'attendrissement des soirs?
Beauté aux seins pour moi dénudés!
Comme ce miroir, la terre un matin se montrera sans vie.
Et dans les nuits livrées à l'obscurité totale, à l'heure même
du repos, seuls les vents lanceront leurs abois!
Dieu alors, craignant l'ombre des défunts, tirera la mott à
lui et s'y endormira, comme on s'enveloppe dans la couverture
épaisse au long des nuits d'hiver.
Le poète est ainsi à l'heure où jaillit le poème.
Il ne le voit pas battre son rythme d'éternité.
Il détruira ce qu'il aura bâti, il éparpillera
les pierres de son édifice, puis les enfouira
sous la cendre du silence et du repos.
Lorsque lui viendra une idée nouvelle,
il la tirera vers lui comme un voile où se perdront ses yeux.
Si le passé doit faire retour sur nous, qu'il soit détruit :
car les choses ne croissent et ne lèvent que sur leurs
cendres consuméesjetées à tous les ventsde l'horizon...
Ainsi naît le poème !
Bader Chakir Al-Sayyab
( 1926 - 1964)
J'ai lu , aimé je partage
M.G...