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Saïd Bouteflika : Il voulait être Président…

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    Saïd Bouteflika : Il voulait être Président…


    El Watan - le 29.07.13 | 10h00 Réagissez

    zoom | © photo : AFP




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    Bourouro» et «tigre en papier» pour certains, Président «par défaut» ou par «procuration», et même «vice-roi» et «régent» pour d’autres, Saïd Bouteflika, le frère, conseiller spécial du Président, cumule plus d’un titre et de fonctions. Entre mythe et réalité, le quinquagénaire du palais El Mouradia laisse peu paraître de lui. Ses amis et proches hésitent, refusent la plupart du temps de témoigner du personnage, prétextant le «défaut de mandat» ou la «correction». Ses adversaires, eux, quand ils ne s’avancent pas masqués, se perdent en généralités et conjectures. Tentative de portrait…


    Mardi 16 juillet. Ce n’est pas Madiba Day (fête de Nelson Mandela). Sur le tarmac de l’aérodrome militaire de Boufarik crissent les roues de la chaise roulante présidentielle poussée par des mains fraternelles ! Ce n’est pas tout à fait le carrosse papale d’un Borgia* usé par un long règne par le crime, la ruse et la corruption, ni celui d’une sénile Betancourt, la milliardaire française abusée par les voyous de la République et signant des chèques comme d’autres signeraient des décrets à blanc. Retour semi-clandestin au bercail de l’enfant terrible du clan d’Oujda. Tandis qu’à l’autre bout du continent, en Afrique du Sud, un peuple est au chevet de son héros intemporel. A Alger, c’est sans fanfare ni trompette. Pas de raison de pavoiser. Après le tour – en 80 jours – des hôpitaux et structures de santé de l’ancienne armée coloniale, éprouvant pour l’ego et orgueil national, les «Bouteflika» regagnent leur palais algérois. Dans le silence perplexe et la gestuelle du «cinéma muet» servis par la télévision d’Etat. «Si Bouteflika peut signer des décrets et adresser des messages de félicitations, pourquoi ne s’adresse-t-il pas aux Algériens pour les rassurer ?», réagissait, le lendemain, Ali Fawzi Rebaïne, le leader du parti Ahd 54, qui soupçonne un mal présidentiel plus profond : Alzheimer. Les images diffusées ne sont pas de nature à rassurer. «Le Président peut-il parler ?», «A-t-il toutes ses facultés mentales ?», «Qui gouverne en Algérie ?», s’interrogent nombre de personnalités politiques.

    Saïd Bouteflika, le spectre du revenant

    Cimetière de Sidi M’hamed. Samedi 20 juillet. Apparition/réapparition à l’heure de l’enterrement du général-major Ahmed Sanhadji, l’ancien secrétaire général du ministère de la Défense ayant raccroché ses galons dans la foulée de la ré-élection du président Bouteflika. 55 ans, la frêle silhouette du rouquin du palais d’El Mouradia promenait ses airs de spectre revenant dans la vieille nécropole algéroise. Visage émaciée, yeux vert bouteille, sans âge, une moustache grisonnante, presque invisible, lui barre le dessous du nez, cheveux lisses taillés impeccables comme un boy-scout, la voix petite, rauque. «Revoilà Saïd Bouteflika !», tirait le lendemain, en une, le quotidien Liberté (édition du 21 juillet). Avec ou sans prétendu décret de limogeage, le frère cadet du Président se rappelle au bon souvenir des vivants et des morts. Il serrera bien des mains quémandeuses, essuiera quelques «bousboussates» de Judas, et recevra autant d’allégeances à la ferveur renouvelée de tribus au pouvoir. «C’est un homme décidé à vendre cher sa peau», commente un ancien des «services» qui voit en Saïd «l’agent testamentaire» chargé d’appliquer les dernières volontés d’un président partiellement HS (hors service). «Dans la ‘’sphère virtuelle’’, son potentiel de nuisance est considérable. Il peut constituer une menace sérieuse au processus de succession pacifique pouvant, comme Gamel Moubarak, en Egypte, être tenté de provoquer, pour se maintenir, un bain de sang, une guerre civile». Délire paranoïaque d’officines malintentionnées ? «Saïd Bouteflika n’est pas un tigre en papier, estime cet ancien cadre à la présidence. Son pouvoir n’est pas surfait.» Le frère du Président exerce, selon lui, un contrôle effectif sur un «grand segment des activités de l’Etat. Hormis peut-être le secteur de la Défense qui, même lui, n’échappe pas complètement à son influence».
    Omnipotent, omniprésent, Saïd Bouteflika est positionné sur les «sentiers de la rente publique», présent dans les «mécanismes de propulsion et nomination aux postes civils et parfois militaires, au niveau des grandes entreprises publiques ; exerce une mainmise sur les partis politiques ayant une représentation parlementaire : FLN, RND, MSP et PT, dont les caisses sont régulièrement renflouées à coups de centaines de millions de dinars. Saïd influe sur le gouvernement à travers des ministres qu’il coache personnellement : Harraoubia (Enseignement supérieur), Louh (Travail), Tou (Transports), membre influent du RND à travers Bensalah (SG par intérim), au sein du MSP via certains barons de l’import/ import et tenants de l’économie de bazar ; Saïd Bouteflika est présent au sein de représentations de l’Etat à l’étranger. Dans la CNAN, à Air Algérie, à l’APS. Cela paraît anodin, mais tout ce monde constitue son réseau dense et tout ce monde lui rend compte de tout. Au niveau de certaines ambassades aussi, il a des oreilles : des conseillers diplomatiques qui travaillent pour lui et à la perpétuation du pouvoir de Bouteflika».
    Le limogeage le 18 juin dernier de l’ex-ambassadeur à Paris, Missoum Sbih, porte la griffe du conseiller spécial du Président. «Limogé sur un simple coup de téléphone, rapporte la même source, passé à Mohamed Rougab, le secrétaire particulier du Président lui demandant de préparer un décret de nomination du nouvel ambassadeur, Amar Bendjemaâ. En deux temps, trois mouvements, le décret, portant la signature scannée du président, est prêt.» Les cadres de la présidence observent notre interlocuteur, ils sont tétanisés.

    Gouverner par oukases : mode d’emploi

    «Ils sont interpellés intuitu personæ par Saïd Bouteflika, alors qu’officiellement, il n’a aucune relation avec les structures de la présidence de la République.» Bien qu’il ne soit pas le directeur de cabinet, poste occupé par Moulay Kendil depuis le départ de Larbi Belkheir, Saïd «gère par téléphone toutes les directions de la présidence : le protocole, l’information, l’administration générale où se distribue la rente et les bons d’essence, la direction des transmissions». «Autant d’attributs matérialisés de la souveraineté dont il dispose à sa manière au niveau de la première institution de la République.» Ce même modus operandi, l’oukase est appliqué dans les secteurs des affaires. «Interroger les directeurs généraux des entreprises publiques, tous vous diront que ce personnage les a soit appelés, invités, ordonnés ou instruits pour dégommer ou promouvoir untel, ou donner le marché à un tel, etc.»
    17 juillet, siège de Mon journal. «Saïd Bouteflika fait peur au DRS.» Non ce n’était pas une blague. Hicham Aboud le dit en conférence de presse et il n’en pense pas moins. «C’est une question d’attitude, explique-t-il. Le DRS est à l’image de son chef : il joue la défense. Parce qu’il est légaliste, parce qu’il sait qu’il peut être dégommé par un simple décret.» Aboud en est convaincu. Depuis peu, le torchon brûle entre le conseiller spécial du président Bouteflika et le patron de presse, ancien capitaine de la sécurité militaire, ayant servi dans les cabinets du général Lakhal Ayat, directeur central de la Sécurité militaire et du général Betchine.
    Aboud est, par ailleurs, journaliste, auteur et témoin à décharge dans l’affaire Hassani, le commanditaire présumé de l’assassinat de l’opposant Me Ali Mecili. Saïd Bouteflika incarne selon lui les «pouvoirs occultes», le «néo-cabinet noir». «Il est aussi puissant que l’est le plus puissant des généraux», argue-t-il. Sous le coup d’une ISTN , une interdiction de sortie du territoire et d’une instruction judiciaire pour «atteinte à la sûreté de l’Etat», l’auteur de la Maffia des généraux accuse nommément Saïd Bouteflika d’être à l’origine de ses déboires avec la justice et avec l’agence publique de publicité (ANEP). «Pire, ajoute-t-il, il a détourné le mandat de son frère, a pris en otage tout un pays.»

    Mohand Aziri
    Othmane BENZAGHOU

  • #2
    «Saïd Bouteflika ne commande pas» :


    «Saïd Bouteflika commande ? Non, je n’oserais pas aller si loin. Pour rappel, quand Bouteflika a fait déménager Cherif Rahmani de son poste de gouverneur, quelques jours après, et toute honte bue, ce dernier est devenu ministre. Même si de l’eau a coulé sous les ponts, il ne fait aucun doute pour moi qu’il est hors de question de croire que les clés de l’Algérie avaient été confiées à Saïd, par ceux qui avaient décidé que deux cents ou trois cents mille morts, ce n’est rien.
    Je pense que la pression sur le DRS est devenue énorme, qu’il y a une stratégie de ravalement de façade en exposant Bouteflika et son clan du point de vue médiatique, quitte à sacrifier les petits pour faire admettre à la population que ceux qui sont coupables de la situation doivent partir et que lorsqu’ils partiront, cela ira mieux.
    Mais en fait, ce n’est pas différent de ce que disait Bouteflika de Chadli et de la ‘’décennie noire’’ puisqu’en accusant Chadli, on peut se permettre d’effacer ceux qui sont plus puissants que Chadli.»

    Kaddour Chouicha. Enseignant-chercheur à l’université d’Oran, porte-parole de la coordination des sections du Conseil national des enseignants du supérieur (CNES)
    Othmane BENZAGHOU

    Commentaire


    • #3
      Les «années» Saïd


      El Watan - le 29.07.13 | 10h00


      > 1958 d’Oujda à l’école des jésuites

      Né à Oujda, l’épicentre du pouvoir. La ville de l’oriental marocain qui donna son nom à l’indécrottable «clan d’Oujda» – au pouvoir depuis un demi-siècle –, a accueilli les bras ouverts la révolution algérienne et son armée des frontières.
      Saïd est le cadet de la fratrie Bouteflika (Abdelaziz, Abdelghani, Mustapha, Abderahim, Latifa ainsi que trois demi-sœurs : Fatima, Yamina et Aïcha) dont le père, Ahmed Bouteflika, commerçant de son état, est originaire des Beni Mrir (est de Ghazaouet), à Tlemcen. Fuyant la répression coloniale, Ahmed Bouteflika s’établira, vers 1930, à Oujda. Saïd est né l’année du décès de son père, qu’il ne connaîtra jamais. Naturellement, le regard de l’enfant se tourne vers l’aîné, Abdelaziz, de 20 ans plus âgé que lui et dont la carrière lovée au pouvoir et à la trajectoire incroyable vient d’être lancée.
      En 1958, le colonel Boumediene, chef de la Wilaya V (Oranie) décide de faire de cet ambitieux officier de l’ALN, tout juste contrôleur de la Wilaya V, son secrétaire particulier à l’état-major. «L’écart d’âge, témoigne un des plus proches amis de Saïd, la disparition précoce du père, le prestige et le pouvoir du ‘‘grand frère’’ font que Saïd Bouteflika a toujours cultivé une sorte de respect vénérable, de déférence quasi mystique.» «Une sorte d’écrasement, soumission totale devant la figure du grand frère, devant lequel on n’ose élever ni la voix ni les yeux.» A l’indépendance, Saïd Bouteflika a 5 ans. Celui qui sera son modèle est déjà ministre (de la Jeunesse) dans le premier gouvernement de l’Etat algérien restauré, un rouage important du pouvoir naissant.
      Un pouvoir qu’il ne quittera qu’une fois, en 1978, pour mieux y revenir, en force, en 1999. Si le «grand frère» est un pur produit des zaouïas, la Qadiriya, – bac français en sus –, Saïd Bouteflika fréquentera l’école des jésuites d’El Biar, le pensionnat Saint-Joseph en l’occurrence, fondé par la congrégation des Frères des écoles chrétiennes.
      Fait insolite : Saïd Boukharouba, le jeune frère du président Boumediene, fréquentera, à la même période, les bancs de Saint-Joseph. L’établissement, qui dispensait un enseignement religieux et un autre pour les autochtones, a été nationalisé en 1978.
      L’arabisation forcenée du système d’enseignement (déjà à deux vitesses) avait déjà quelques années d’exercice.

      > 1978 les «déchus» du pouvoir

      Saïd Bouteflika avait tout juste 20 ans quand le grand frère, Abdelaziz, a été débarqué sans ménagement du pouvoir, disqualifié de la course à la succession au président Houari Boumediène. Nommé d’abord ministre d’Etat sans portefeuille en 1979, Bouteflika est progressivement écarté de la scène. Exclu du comité central du FLN, poursuivi par la Cour des comptes pour avoir puisé dans les caisses du ministère des Affaires étrangères, ses biens, dont sa villa de Sidi Fredj, ont failli être saisis. «Depuis, c’est le syndrome du persécuté chez les Bouteflika, témoigne un ami de la famille. Les Bouteflika, ajoute-t-il, savent très bien ce qu’ils les attend après 2014, ils ne voudront surtout pas revivre 1978, l’après-Boumediène, lorsque ils ont été débarqués du pouvoir, malmenés, dessaisis de leurs biens, poussés à l’exil, et à quémander presque des prises en charge aux amis et connaissances.» Des temps difficiles qui ont marqué au fer rouge Saïd Bouteflika, dont la promesse d’une jeunesse dorée, à l’ombre du capitalisme d’Etat et du socialisme spécifique, s’est révélée éphémère.

      > 1996 syndicaliste CNES, le «militant de la gauche»

      «L’esclave devient tyran dès qu’il le peut». Phrase célèbre de l’abolitionniste américaine, Elizabeth Harriet Beecher, convoquée par un haut cadre du ministère de l’Enseignement supérieur en guise «d’explication possible» à la transfiguration de Saïd Bouteflika. Affable, courtois, sans histoire, effacé presque, le personnage, tel que le décrivent certains de ses anciens collègues à l’université de Bab Ezzouar, tranche avec l’ogre peint par les fabulistes de l’appareil sécuritaire. «Une telle mutation est toutefois possible», observe un enseignant en mathématiques. «Mais ce Saïd-là n’est qu’une image. Celle justement que l’on voudrait qu’elle reste gravée dans le conscient collectif.»
      «Saïd Bouteflika est devenu aujourd’hui une sorte de ‘‘bourourou’’, renchérit un de ses anciens camarades du CNES : une créature fabriquée par les pouvoirs opaques pour mieux fausser toute lecture objective des rapports de pouvoir.»
      «La vision cinéma du pouvoir, ajoute le syndicaliste, les fantasmes autour d’une supposée centralité du pouvoir de Saïd est une chose, la réalité centralisée du pouvoir, en est une autre. Celle-ci a beaucoup bougé. Il y a certainement des lieux de pouvoirs différents d’intérêt et d’influence, mais qui fonctionnent dans une sorte d’équilibre fragile qui n’oublie pas l’essentiel : domestiquer la société et ses élites pour empêcher l’expression organisée d’un contre-pouvoir social, qui est la principale subversion nuisible à ce complexe d’intérêts.»
      De la gêne, de l’embarras et de la méfiance. Les anciens «collègues» de Saïd Bouteflika à l’USTHB, ses «camarades» du syndicat autonome du Conseil national des enseignants du supérieur (CNES), syndicat scindé en ailes, dont une est acquise à Saïd Bouteflika – ravalent leur salive, renâclent à convoquer le «parcours universitaire», de «militant de la gauche» ou témoigner du «moment syndical» du frère et conseiller du Président.

      Université de Bab Ezzouar. Ilot de lucidité au beau milieu d’un océan de rumeurs toxiques

      Porte-parole de la coordination des sections CNES, Kaddour Chouicha dit n’avoir connu le conseiller du Président qu’à travers sa «participation» en tant que syndicaliste du CNES, délégué de Bab Ezzouar (USTHB) à la grève de 1996 et au premier congrès du CNES en 1997. Membre du Conseil national du syndicat, Saïd Bouteflika n’était pas «parmi les plus en vue de l’USTHB, même s’il est vrai que le nom qu’il porte avait contribué à faire parler de lui».
      Par «correction» ou par «crainte des représailles» de l’homme au bras long, surtout en cette université dirigée depuis une décade par le très proche ministre Harraoubia, nombre de «camarades» syndicalistes sollicités pour un témoignage avaient poliment décliné. Saïd, ingénieur polytechnicien, titulaire d’un doctorat de 3e cycle, intégrera, après un passage par une grande école à Lyon, l’Institut d’électronique de Bab Ezzouar comme enseignant avant de diriger le service scolarité. Un universitaire pur produit de l’université algérienne au palais El Mouradia, une «chance» ?
      Hormis la «clique des douze apôtres», cette douzaine d’enseignants chercheurs de la faculté d’informatique qui a rejoint la présidence de la République, notamment, pour y concevoir son nouveau système informatique, la contribution de Saïd Bouteflika au monde universitaire est négligeable.
      Saïd Bouteflika, de la macro ou de la microbiologie ? Généticien, syndicaliste ?
      Farid Cherbal, enseignant chercheur en microbiologie à l’USTHB, fait honneur à son titre et à la plus grande université africaine de Bab Ezzouar. Ses travaux de recherche sur le cancer héréditaire du sein et de l’ovaire ont été présentés dans les plus grandes universités et laboratoires de recherche de part le monde. «C’est tout bonnement impossible. Impossible qu’un homme seul puisse être tenu pour responsable de tant de choses, réagit-il. Et si Saïd Bouteflika a pu faire tout ce dont on l’accable, c’est donc que le pays n’est ni un Etat ni ne dispose d’institutions à proprement parler.» Pour Cherbal, «la personne de Saïd Bouteflika ne devient importante que vu sous le prisme des blocs de pouvoirs, des blocs sociaux qu’il a pu potentiellement s’agréger».

      > 1999 un Bouteflika en cache… d’autres !

      Saïd Bouteflika serait-il un de ces «princes modernes» de Machiavel qui, «nés dans la tradition des hommes qui gouvernent, ont acquis presque automatiquement les caractères du politique réaliste, par tout l’ensemble de l’éducation qu’ils absorbent dans leur milieu familial, dans lequel prédominent les intérêts patrimoniaux et dynastiques ?». Trop d’honneur ? Saïd Bouteflika a 41 ans lorsque la «famille» a réinvesti le pouvoir. Une revanche sur le sort pour ces déclassés de la nomenklatura, jetés en pâture après la mort de Boumediène, en décembre 1978. Kaddour Chouicha, porte-parole de la coordination des sections CNES, se dit particulièrement marqué par cette «lueur de vengeance» qui lui dévorait les yeux. «Je me disais souvent, si le frère du Président est animé d’un pareil esprit de revanche, alors qu’en est-il du Président lui-même ?» Enseignant à l’université d’Oran, membre de la Ligue des droits de l’homme (LADDH) se rappelle d’un homme investi «à fond» dans l’entreprise de son frère parti à l’assaut du pouvoir. «Il avait essayé de vendre l’image de son frère (avant les élections de 1999) en jouant sur plusieurs registres, du genre : ‘‘Mon frère était avec Boumediène, mais il n’était pas d’accord avec lui, car il voulait plus de démocratie’’». Il jouait parfois sur le régionalisme : «‘‘Nous les gens de l’Ouest, on a longtemps été écartés du pouvoir, il est temps que (…)’’.» Comme il lui arrivait d’utiliser l’appartenance à l’élite universitaire pour dire qu’«il ‘‘est temps que les élites prennent leur place’’». «Depuis le début et bien avant que son frère ne soit déclaré candidat, Saïd a pris part à la mise en place d’une stratégie d’implantation et de grignotage du pouvoir. Je me souviens de l’avoir entendu me dire que juste après l’intronisation de son frère, cinq nouveaux journaux seront créés et qui leur seront liés.» Chez les Bouteflika, le pouvoir est une «affaire de famille».

      ./..
      Othmane BENZAGHOU

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      • #4
        26 avril 1999. Passation de consignes à El Mouradia

        Bouteflika porté au pouvoir, ce sont la «famille», le «clan», la «tribu» qui prennent leurs quartiers à la Présidence et dans tout l’organigramme de l’Etat. Certains membres de la tribu viennent aussi bien du village planétaire, des institutions financières internationales que des villes et douars de Tlemcen, Nédroma, Tanger, etc. Une douzaine de ministres sur 35 ; 26 walis sur 48 provenaient de la région. A quelques exceptions près, tous les membres de la famille ont été recrutés – comme conseiller ou chargé de mission à la Présidence –, associés directement ou indirectement au pouvoir et à ses «affaires». C’est ainsi que Abdelghani, le frère avocat, a été un des premiers conseils du groupe Khalifa, Abderrahim, dit Nacer, a été d’abord chef de cabinet du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, puis son secrétaire général, jusqu’à aujourd’hui. Alors que Latifa (dentiste) et le défunt Mustapha Bouteflika (médecin) étaient chargés de mission à la Présidence. A la mère, Mansouriah Ghezlaoui, décédée la nuit du 5 juillet 2009, on prête une influence et un pouvoir incommensurables sur le président Bouteflika. Elle serait, d’après des indiscrétions, à l’origine de la nomination de Mohamed Rougab au poste de secrétaire particulier du Président. «La mère Bouteflika avait des atomes en commun avec ce jeune cadre de la Présidence chargé de régulariser le dossier de la villa des Bouteflika, auprès de la wilaya d’Alger. Les deux étaient férus de zaouïa. En 1999, elle a de suite pensé à le recommander à son fils président.» Hormis le cas du président Chadli Bendjedid, dont le frère et le fils avaient été impliqués dans les affaires ou associés à la gestion des affaires publiques, aucun autre président et chef d’Etat algérien ne peut se prévaloir d’un tel mélange des genres.

        > 2005 à la «place» de Larbi Belkheir

        26 août 2005. Le cardinal de Frenda, le général Larbi Belkheir choisit Le Monde pour annoncer son départ du pouvoir et la destination prochaine de sa retraite dorée : Rabat, en l’occurrence, où il y finira ses jours comme ambassadeur auprès de sa majesté. «Les uns prétendent que j’ai refusé mon poste. Les autres affirment que j’ai claqué la porte. D’autres encore me conseillent de ne pas quitter Alger, sous prétexte que je suis un élément de stabilité. La réalité est que Rabat est un poste sensible (…). Le Maroc est notre voisin et le restera. Nous sommes condamnés à nous entendre.» Le départ précipité de l’homme des réseaux, ancien officier de l’armée française, ministre de l’Intérieur lors de la victoire du FIS, directeur de cabinet du président Chadli, sonnait l’extinction progressive d’une génération de décideurs, dont celle des «généraux janviéristes».
        Larbi Belkheir était écœuré de se voir «débarquer» par celui qui fut son protégé en 1994 et 1999, rapporte le journaliste H’mida Layachi. «Il était amer. Il savait déjà qu’il allait être une autre victime du pacte entre le président Bouteflika et le patron des services, le général Toufik. Les écarts de conduite de Saïd Bouteflika, ses entrées par effraction dans le pré carré de directeur de cabinet, des prérogatives bafouées et son courrier qui n’arrivait plus, ont fini par avoir raison de lui.»
        2005. Le pavé d’El Mouradia enfin débarrassé du général Belkheir, Saïd Bouteflika jouera sur du velours. «L’ambition folle prêtée à Saïd de succéder à son frère président ne relève pas de la mystification», souligne le journaliste. Ce sont les révoltes arabes qui ont donné, d’après lui, un coup d’arrêt à ce projet de succession dynastique. Et la franche hostilité des «services» a achevé d’enterrer les «plans» de Saïd. «Autrement, celui-ci croyait fermement à sa bonne étoile. A ses soutiens politiques, dans le monde des affaires, des médias, dans la sphère économique, financière, au sein même de l’armée, parmi les jeunes loups qui voient en Saïd leur ticket gagnant, alors que de l’autre côté de la barrière, les vieux centres de pouvoir se désagrègent, condamnés par la biologie.»

        Le «parti de Saïd»

        Ardis. Grande surface adossée à la mer du pouvoir. Ghania Oukazi, journaliste inspirée du Quotidien d’Oran, «lointaine parente par alliance des Bouteflika», a été parmi les premières à avoir enquêté sur le «parti de Saïd Bouteflika». Elle publiera une série d’articles sur le sujet depuis mai 2009. ONG dans un premier temps, formation politique ensuite, le «projet RCN», le Rassemblement constitutionnel national, parti qui devait servir de tremplin et machine électorale pour Saïd Bouteflika, était dans l’air du temps depuis la maladie du président Bouteflika, en 2005. En décembre 2010, un parti dénommé RCN, d’origine non contrôlée, sera créé. Pour Oukazi, le projet de la création du «parti» n’avait rien d’un «canular politique». De folles ambitions travaillaient, selon la journaliste, le «cadet» de la présidence, prenant grand soin de paraître toujours comme le décideur véritable du palais (…)

        > 2013 l’année des scandales

        L’année 2013 a été pour le «système Saïd Bouteflika» celle de tous les scandales. Le nom du conseiller spécial du Président est associé à nombre d’affaires de corruption dans la passation de marchés publics. Des affaires révélées par les enquêteurs du DRS. Dans les affaires Sonatrach notamment, celle de l’autoroute Est-Ouest, des pans entiers du système de pillage des ressources nationales ont été mis au jour. Neuf mois séparent les Bouteflika de l’élection présidentielle d’avril 2014, dont l’issue et l’échéancier sont pris de bégaiement. «C’est une guerre de tranchées qui commence. Cela sera encore plus féroce qu’en 1965 ou en 1997», prédit cet ancien cadre de la Présidence. «Ni Bouteflika, ni les Saïd boys, ni les membres du conseil d’administration de l’Algérie, à savoir le DRS et une partie de l’état-major de l’armée, ne voudront quitter vivants le pouvoir. Car ils savent qu’une fois dehors, on leur sortira absolument tout, y compris les histoires de déluges et de tremblements de terre.» C’est une utopie, ajoute-t-il, que de croire que ces décideurs rentreront chez eux, écriront leurs mémoires ou animeront des conférences dans les universités. M’hammed Yazid disait que «le cabinet noir ne disparaitra qu’avec l’extinction physiologique du dernier de ses membres, à savoir le général Mohamed Médiene».

        > 2014 paris ou dubaï ?

        Où sera Saïd Bouteflika au lendemain de l’élection présidentielle d’avril 2014 ? «Je le vois plus à Paris qu’à Dubaï, (capitale des Emirats arabes unis), où les Bouteflika posséderaient des biens», répond cet ancien officier des services de renseignement. «Ils iront en France, vraisemblablement. L’épisode des Invalides confirme les affinités du clan pour l’ancienne puissance coloniale, où celui-ci jouit décidément de la protection nécessaire.»
        «Tout ça n’est qu’une cabale, rétorque un des amis proches de Saïd Bouteflika, directeur d’un important établissement public. «Une cabale aux proportions parfois grotesques. Saïd est accusé de tout et de rien. Une montagne qui s’effondre, c’est lui ; un espace parking squatté, c’est Saïd qui convoitait le terrain pour y construire un immeuble. C’est insensé !» «Mais un jour, se plaît-il à croire, on se rendra bien à l’évidence que Saïd Bouteflika n’est rien d’autre que le frère et conseiller du président Bouteflika. Pas davantage. Qu’il ne s’est pas construit une fortune, ni villa ni château en Suisse.»
        Mohand Aziri
        Othmane BENZAGHOU

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        • #5
          Beaucoup beaucoup de ragots pour si peu de faits.

          Saïd Bouteflika voulait devenir président. Mais pourquoi ? On trafique beaucoup mieux en étant derrière et non exposé que sous les feux des projecteurs. Quel est l'intérêt d'être président ?

          Il profite tout simplement comme tous ceux qui ont des amis haut placés profitent.

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          • #6
            ça rappelle trop la campagne anti Betchine via El Watan en 1998, ou je ne m'y connais pas !

            une campagne qui a duré 5 mois et s'est soldée par l'éjection du concerné (en un mot comme en deux)

            Commentaire


            • #7
              En effet, la similitude des procédés est déconcertante. D'un coté il y a eu une démission, de l'autre un AVC... On verra si l'issue sera la même au final!!!
              Othmane BENZAGHOU

              Commentaire

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