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EGYPTE, TUNISIE, LIBYE, ALGERIE : la source, l’exemple, la volonté et l’abcès

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  • EGYPTE, TUNISIE, LIBYE, ALGERIE : la source, l’exemple, la volonté et l’abcès

    Pour la suite de cet été au moins, cette chronique sera animée par Hassan Talbi. Observateur aussi discret qu’avisé, il commentera les annales nationale ou internationale avec mesure et sagacité.

    Tout en prenant appui sur l’actualité hebdomadaire, cette livraison sera consacrée à une réflexion sur la vigueur du tissu associatif et l’envergure des dirigeants politiques de notre périphérie géographique qu’il nous faudra comparer avec ce qui tient lieu de société civile et de responsables dans notre pays si nous voulons commencer à entrevoir, avant de penser à les dépasser, les grands facteurs du blocage de notre histoire.



    En une semaine, trois événements ont secoué notre environnement immédiat. Tous attestent de l’échec de l’islamisme à l’épreuve du pouvoir ; tous posent, d’une façon ou d’une autre, la problématique du droit de la minorité après une élection, ce qui est un signe d’évolution majeure dans les luttes qui se mènent dans nos sociétés. Moment historique privilégié, ce lieu géométrique où se croisent le déclin de l’islam politique et l’exigence citoyenne de la démocratie est quasiment resté sans écho en Algérie.

    En Egypte, les militaires, apparemment décidés à en finir avec l’islamisme né dans leur pays et ne voulant pas réduire le combat démocratique à un affrontement armée-islamisme, appellent à la rescousse la société civile face à la confrérie des frères musulmans de plus en plus tentée par le basculement dans un soulèvement insurrectionnel. Le mouvement Tamaroud qui a mobilisé des millions de citoyens contre une myopie démocratique qui voudrait qu’une élection gagnée est une dictature légalisée ,relaie cet appel mais exige que les deux sujets essentiels de la feuille de route des nouvelles autorités soient rappelés et réaffirmés : limitation drastique de la phase transitoire et consécration des principes d’un Etat civil. La source de l’islam politique est aussi le lieu de la disqualification d’une doctrine qui sera tôt ou tard appréhendée comme le furent le fascisme, le stalinisme et le nazisme.

    En Tunisie, un deuxième assassinat politique, commis selon toute vraisemblance, par un intégriste né à Paris, a ciblé un autre démocrate. Là-bas aussi, c’est la société civile qui a condamné le parti fondamentaliste qui domine le pouvoir dont le laxisme à l’endroit de l’islam radical a encouragé sinon provoqué ces passages à l’acte criminels. L’UGTT a appelé à une grève générale de protestation et les communautés universitaire, médicale, journalistique appuyées par des organisations de femmes se mobilisent pour peser sur un pouvoir considéré au minimum défaillant au pire complice. Chez le peuple qui a, le premier, compris que le statut de la femme et l’éducation étaient les seules vraies richesses d’une nation, on continue de donner l’exemple de ce qu’il faut faire pour que l’avenir ne soit pas réduit à un choix morbide entre la peste et le choléra.

    En Libye, le Conseil Général National (CGN), chargé d’élaborer le code électoral devant mener à une constituante a tergiversé avant d’ignorer les paramètres identitaires et les principes de la gouvernance démocratique concernant les droits de la minorité devant servir de base à la construction de la nouvelle Libye. C’est le Haut conseil des Amazigh de Libye, dominant en Tripolitaine, qui lance un mouvement de désobéissance civile. Les citoyens sont appelés à ne pas reconnaitre les institutions qui sortiraient des élections qu’il demande de boycotter, de porter ostensiblement des brassards noirs, de faire des sit-in devant toutes les administrations…C’est dans l’un des pays où le pouvoir a oeuvré près d’un demi-siècle durant à déculturer la jeunesse que la volonté de porter sur les fronts baptismaux de l’Etat les valeurs fondamentales de la démocratie s’affirme sans concessions.

    En Algérie la gendarmerie interpelle en toute illégalité des non-jeuneurs en Kabylie. Au sud, des jeunes chômeurs, surfant sur la religiosité ambiante, essaient de rester sur la place publique au moment de la rupture du jeun pour se faire entendre. Dans les deux cas, les « contrevenants » sont rudoyés par des services de sécurité. Pas un parti, pas un intellectuel n’a estimé devoir condamner les violations de deux droits constitutionnellement garantis : la liberté de conscience et la liberté de manifester.

    Si l’on observe plus en profondeur ce qui se passe chez celles et ceux qui se préparent à dévoiler leurs intentions pour les prochaines échéances, on découvre une déplorable tendance à accompagner la régression théocratique au moment où notre voisinage inaugure une ère historique qui rompt avec des référents qui sont la cause et l’expression de l’affaissement pour ne pas dire l’avilissement de peuples qui ne demandaient qu’à vivre dans la dignité et la liberté.

    La rhétorique d’Ahmed Benbitour peine à s’extraire des émois moralisateurs. Quand il confesse devant un public occidental son intérêt pour l’Etat civil, c’est pour accoucher d’une douloureuse rectification quelques jours plus tard qui place les vertus religieuses au-dessus de toute forme d’autorité.

    Un binational excentrique qui annonce sa candidature ne revendique comme viatique politique que la gloire de payer toutes les amendes contractées par les femmes portant le voile dans l’espace public en France.

    La lecture des deux derniers ouvrages* d’Ali Benflis, dont on ne soupçonnait pas tant de ferveur cultuelle dans la réflexion politique, laisse perplexe. Le premier réduit sa famille à des hommes dont aucune qualité ne saurait être appréciée à sa juste mesure si elle n’est pas immergée dans la religion qui en est la seule et unique inspiration. Le second consacré à ses enseignants exalte une reconnaissance de l’élève aux maîtres parce qu’ils lui ont fait aimer la langue arabe.

    Tout ceci se révèle, au moment où les forces politiques laïques égyptiennes se rassemblent avec le mufti d’Al Azhar et le patriarche copte pour faire barrage à l’islamo-populisme, au moment où une cinquantaine de députés tunisiens s’apprêtent à remettre leur mandat pour acculer un gouvernement islamiste à la démission et au moment où des membres du forum des Amazigh de Libye refusent de siéger dans une instance qui ne veut pas admettre en tant que valeur constitutionnelle intangible le respect de la minorité quel que soit le vainqueur d’une élection.

    On vient de le voir en Egypte, en Tunisie et en Libye ; la surenchère arabo-islamiste est désormais un combat d’arrière-garde. Ces engagements auraient dû au moins amener les candidats déclarés ou potentiels à la présidentielle de 2014 à saisir que, politiquement, les manipulations de la religion ne sont plus rentables, notamment chez la jeunesse.

    Plus concrètement, on ne voit vraiment pas ce que pourraient faire de plus, sur ce registre, les prétendants au trône et qui n’ait pas été accompli ou engagé par Bouteflika. Le noceur du tiers-monde, reconverti à la mystique populiste, a tout consommé : réintégration des cinq appels à la prière dans les média publics, lestage des programmes scolaires au conservatisme le plus archaïque, condamnation illégale de citoyens appartenant ou ayant choisi une autre religion que l’islam, multiplication des constructions de mosquées dont la catastrophe urbanistique et financière qui va défigurer la baie d’Alger…

    L’extinction de la société civile algérienne du fait de sa clientèlisation par les pétrodollars de Bouteflika ou de son broiement par la double mâchoire pouvoir-intégrisme ne serait pas dramatique si certains de ses segments ne s’étaient rendus disponibles pour des invectives ciblant celles et ceux qui n’ont pas baissé les bras ou, plus grave, pour des campagnes xénophobes accablant un jour le Maroc, un autre BHL, un troisième, pourquoi pas, la France à laquelle on confie nos secrets d’Etat et nos petites souffrances pour masquer une dissolution de la conscience nationale.

    Les hommes politiques du système, dont certains ont fini par se persuader qu’ils sont, par droit de lignage, destinés à la responsabilité suprême, peuvent ne pas être de la trempe de ceux dont l’audace, le courage et la capacité d’innovation ont conduit à réinventer l’histoire par Novembre et la Soumman : deux étapes d’un projet de rupture historique que le colonialisme et le messalisme, ancêtres du conformisme d’aujourd’hui, avaient, en principe, condamnées.

    Faute de pouvoir faire écho aux attentes populaires et aux leçons de notre passé, est-il excessif de leur demander de mettre leurs pieds derrière ceux des femmes et des jeunes égyptiens, tunisiens et libyens ?

    Il y a longtemps que l’Algérie n’est ni un repère ni un exemple dans le monde. Faut-il se résigner à en faire l’abcès d’une histoire dont elle avait, jadis, meublé les plus belles pages ?



    *A ceux qui m’ont fait découvrir le génie de la langue arabe. Ali Benflis. Edition Houma/267 pages.

    *La vie du Chahid Benflis Touhami dit Si Belgacem écrit par la famille Benflis. Edition : Houma/228 pages.

    Rachid Bali-ALGERIE EXPRESS
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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