Près de 12 000 femmes se plaignent de violences chaque année en Algérie. Coups, brimades, viols… Dans 60% des cas, elles le subissent dans leurs familles. Au travail, c’est une autre histoire. Celle du harcèlement sexuel si difficile à combattre. Des employées de la télévision algérienne ont attendu longtemps avant d’oser porter plainte contre leur directeur. Le procès s’est ouvert cette semaine.
« Sa jupe était trop courte ou son vernis trop rouge ».
Des remarques qui reviennent souvent quand une algérienne ose se plaindre de harcèlement sexuel. « Son sourire est équivoque » ou encore, « Si c’était une « Bent famlya » (fille de bonne famille, concept typiquement de chez nous qui désigne les femmes prudes qui ne sortent pas du droit chemin), ça ne lui serait jamais arrivé ». Certains vont encore plus loin dans leurs réquisitoires:
« Elle a choisi d’entrer dans le monde du travail, il faut qu’elle assume les risques que ça comporte ». Quels risques ? « Justement celui de ne pas laisser indifférents les hommes avec lesquels elle travaille. C’est quand même pas de leur faute, si elle fait tout pour plaire. Certains signaux sont clairs. Quand une femme coquette accepte de discuter avec toi, c’est qu’il y a moyen, tu vois? ».
« Non, je ne vois pas ». Elle n’a pas envie de voir, d’essayer de comprendre, ni de culpabiliser d’être femme. Elle refuse cette colère, elle refuse de lutter contre et prendre le risque de s’exposer à encore plus de violences. Alors elle ne dénoncera pas. Elle ne répondra pas. Elle essayera tout juste de manipuler les règles de ce jeu infâme: mettre le voile pour qu’on lui fiche la paix, feindre la docilité à chaque fois qu’elle se sentira attaquée ou ravaler tout simplement sa rage sans sourciller. Dans un pays où les femmes sont l’objet de toutes les convoitises, toutes les frustrations, toutes les violences, il vaut mieux se taire, parfois. Parfois, pas toujours. Ou pas pour toutes. Certaines prennent le risque ( heureusement), s’exposent et se battent publiquement au nom de toutes.
Ces femmes qui n’ont pas peur du déshonneur
Des employées de la radio et de la télévision algériennes ont tout récemment osé la bataille. Après avoir supporter des attouchements, des avances et des pressions dans le cadre de leur travail, elles ont osé se plaindre et montrer du doigt leur bourreau. L’affaire remonte à l’été 2011, lorsque trois employées de la télévision d’Etat ont déposé plainte pour harcèlement sexuel contre leur supérieur hiérarchique, Smail Lamrani, 76 ans, directeur de la chaîne 4 (TV amazighe) qui se targue d’être un proche du président Bouteflika. Après avoir été reporté à plusieurs reprise le procès s’est ouvert le 30 septembre 2012, le procureur a requis un an de prion ferme et seulement 10 000 d’amendes. Pas très cher payé.
L’article 341 bis du code pénal, prévoit un emprisonnement de deux mois à un an et une amende de 50.000 à 100.000 dinars ( 300 à 1 000 euros) contre « toute personne qui abuse de l’autorité que lui confère sa fonction ou sa profession, en donnant à autrui des ordres, en proférant des menaces, en imposant des contraintes ou en exerçant des pressions, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle”. Mais la justice algérienne étant ce qu’elle est, le pire est à craindre en attendant le verdict prévu pour le 14 octobre 2012. D’autant que l’accusé aurait déjà été poursuivi pour harcèlement sexuel il y a près de vingt ans, suite à une plainte déposée par l’une de ses employées alors qu’il était déjà en poste à la radio nationale. L’affaire aurait été étouffée et l’homme aurait redoublé de férocité contre toutes ses employées femmes. Il aura fallu attendre longtemps avant que d’autres femmes osent sortir du silence.
Pourquoi les femmes n’osent pas se plaindre ?
Les femmes qui osent se plaindre de viol, de harcèlement sexuel ou de violences s’exposent à encore plus de violence: la vengeance, le déshonneur, les attaques d’une société qui n’aiment pas qui ne sait pas aimer ses femmes. Les statistiques de la police algérienne qui tombent chaque année à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites au femmes, le 24 novembre, donnent froid dans le dos, même si elles sont loin de représenter la réalité.
Une injure, un coup, des menaces, des pressions, le viol. Près de 12 000 femmes osent s’en plaindre chaque année en Algérie. Quand elles n’en meurent pas. Près d’une trentaines d’algériennes sont décédées en 2011 suites à des violences en majorité commise au sein de leurs familles. Dans 60% des cas, c’est la main baladeuse d’un frère, la main lourde d’un père, le poing serré d’un mari ou la paume ouverte et agressive d’un oncle, d’un cousin qui donnent le tempo de cette violence lascive si dure à dénoncer. 12 000 femmes osent rompre le silence chaque année, combien d’autres subissent toutes sortes de violences dans la culpabilité, le silence et la peur des représailles?
Fella Bouredji
« Sa jupe était trop courte ou son vernis trop rouge ».
Des remarques qui reviennent souvent quand une algérienne ose se plaindre de harcèlement sexuel. « Son sourire est équivoque » ou encore, « Si c’était une « Bent famlya » (fille de bonne famille, concept typiquement de chez nous qui désigne les femmes prudes qui ne sortent pas du droit chemin), ça ne lui serait jamais arrivé ». Certains vont encore plus loin dans leurs réquisitoires:
« Elle a choisi d’entrer dans le monde du travail, il faut qu’elle assume les risques que ça comporte ». Quels risques ? « Justement celui de ne pas laisser indifférents les hommes avec lesquels elle travaille. C’est quand même pas de leur faute, si elle fait tout pour plaire. Certains signaux sont clairs. Quand une femme coquette accepte de discuter avec toi, c’est qu’il y a moyen, tu vois? ».
« Non, je ne vois pas ». Elle n’a pas envie de voir, d’essayer de comprendre, ni de culpabiliser d’être femme. Elle refuse cette colère, elle refuse de lutter contre et prendre le risque de s’exposer à encore plus de violences. Alors elle ne dénoncera pas. Elle ne répondra pas. Elle essayera tout juste de manipuler les règles de ce jeu infâme: mettre le voile pour qu’on lui fiche la paix, feindre la docilité à chaque fois qu’elle se sentira attaquée ou ravaler tout simplement sa rage sans sourciller. Dans un pays où les femmes sont l’objet de toutes les convoitises, toutes les frustrations, toutes les violences, il vaut mieux se taire, parfois. Parfois, pas toujours. Ou pas pour toutes. Certaines prennent le risque ( heureusement), s’exposent et se battent publiquement au nom de toutes.
Ces femmes qui n’ont pas peur du déshonneur
Des employées de la radio et de la télévision algériennes ont tout récemment osé la bataille. Après avoir supporter des attouchements, des avances et des pressions dans le cadre de leur travail, elles ont osé se plaindre et montrer du doigt leur bourreau. L’affaire remonte à l’été 2011, lorsque trois employées de la télévision d’Etat ont déposé plainte pour harcèlement sexuel contre leur supérieur hiérarchique, Smail Lamrani, 76 ans, directeur de la chaîne 4 (TV amazighe) qui se targue d’être un proche du président Bouteflika. Après avoir été reporté à plusieurs reprise le procès s’est ouvert le 30 septembre 2012, le procureur a requis un an de prion ferme et seulement 10 000 d’amendes. Pas très cher payé.
L’article 341 bis du code pénal, prévoit un emprisonnement de deux mois à un an et une amende de 50.000 à 100.000 dinars ( 300 à 1 000 euros) contre « toute personne qui abuse de l’autorité que lui confère sa fonction ou sa profession, en donnant à autrui des ordres, en proférant des menaces, en imposant des contraintes ou en exerçant des pressions, dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle”. Mais la justice algérienne étant ce qu’elle est, le pire est à craindre en attendant le verdict prévu pour le 14 octobre 2012. D’autant que l’accusé aurait déjà été poursuivi pour harcèlement sexuel il y a près de vingt ans, suite à une plainte déposée par l’une de ses employées alors qu’il était déjà en poste à la radio nationale. L’affaire aurait été étouffée et l’homme aurait redoublé de férocité contre toutes ses employées femmes. Il aura fallu attendre longtemps avant que d’autres femmes osent sortir du silence.
Pourquoi les femmes n’osent pas se plaindre ?
Les femmes qui osent se plaindre de viol, de harcèlement sexuel ou de violences s’exposent à encore plus de violence: la vengeance, le déshonneur, les attaques d’une société qui n’aiment pas qui ne sait pas aimer ses femmes. Les statistiques de la police algérienne qui tombent chaque année à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites au femmes, le 24 novembre, donnent froid dans le dos, même si elles sont loin de représenter la réalité.
Une injure, un coup, des menaces, des pressions, le viol. Près de 12 000 femmes osent s’en plaindre chaque année en Algérie. Quand elles n’en meurent pas. Près d’une trentaines d’algériennes sont décédées en 2011 suites à des violences en majorité commise au sein de leurs familles. Dans 60% des cas, c’est la main baladeuse d’un frère, la main lourde d’un père, le poing serré d’un mari ou la paume ouverte et agressive d’un oncle, d’un cousin qui donnent le tempo de cette violence lascive si dure à dénoncer. 12 000 femmes osent rompre le silence chaque année, combien d’autres subissent toutes sortes de violences dans la culpabilité, le silence et la peur des représailles?
Fella Bouredji
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