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Education : Quand la rente tue l'intelligence

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  • Education : Quand la rente tue l'intelligence

    La dévalorisation de la valeur travail, la «marchandisatisation» du savoir, la corruption et la violence, ont fini par mettre à nu la déliquescence du système éducatif algérien, lui-même victime de la rente qui a tué l’école et l’intelligence. Il y a urgence à opérer des réformes sérieuses lorsque, de l’avis même des enseignants, des étudiants algériens ne maîtrisent aucune langue, ni l’arabe ni le français, encore moins l’anglais. Une école qui produit des analphabètes !

    Les écoles, des lieux chargés de l’éducation, de transmission de savoir et de valeurs, se sont peu à peu transformées en une sorte d’arène où se livre un combat singulier entre des élèves qui font semblant d’étudier et des enseignants qui font semblant d’enseigner, tout en sachant fort bien que les études ne constituent plus la clef de la réussite dans une société dominée par le gain facile, le népotisme et la corruption de l’argent de la rente pétrolière.

    La baisse du niveau des élèves et de l’école algérienne qui a alerté les spécialistes de l’éducation interpelle toute la société. Quel est l’avenir des nouvelles générations dans un monde globalisé où le savoir et la technologie déterminent le développement d’un pays et dessinent les nouvelles frontières ? Il y a de quoi s’inquiéter des capacités de l’école et de l’université algériennes à former des compétences capables de faire face à ces défis et assurer la relève du pays.

    L’échec scolaire, la baisse du niveau se traduisent chaque année par des milliers d’élèves rejetés par le système scolaire et un faible taux de réussite au baccalauréat, chutant cette année à 44%. Il faut ajouter le nombre de bacheliers admis à l’université mais qui ne pourront pas suivre leur cursus, faute de connaissances de base et qui vont abandonner en cours de route.
    Selon le rapport de l’initiative Nabni, le système éducatif algérien est «largement inefficace» comme en témoignent les taux de redoublement qui ont atteint 11,29% dans le primaire sur la période 2006-2009 et 16% dans le secondaire. «L’échec scolaire reste considérable» relève ce rapport qui note «une faible qualité de l’enseignement», une inadéquation des formations dispensées avec les besoins de l’économie et le recul de la part des étudiants inscrits dans les filières scientifiques et techniques, et «au final, le système éducatif algérien s’avère totalement inadapté à la fondation d’une économie de la connaissance».

    Récemment, l’ancien ministre de l’Education, Ahmed Djebbar (1992-1994), à l’occasion d’une conférence à Alger, a souligné que «le système éducatif accuse une grande carence. Il faut absolument une nouvelle réforme et revoir les programmes éducatifs. Le niveau des élèves est très bas. Il faut revoir le système de gouvernance pour réformer le système éducatif et élever, ainsi, le niveau et améliorer les connaissances de nos enfants», a soutenu Djebbar.


    Il s’agit en effet d’un vrai problème de société et de gouvernance. Car les enfants algériens sont tout aussi intelligents et doués que d’autres.


    Il suffit de voir comment ils réussissent à l’étranger, lorsqu’ils évoluent dans un environnement favorable aux études, à la science et dans un climat motivant.

    La baisse du niveau et l’échec scolaire ne sont pas dus uniquement à l‘incohérence des programmes et à la défaillance d’une méthode pédagogique (approche par compétence) remise en cause par les enseignants, mais aussi à la rente pétrolière qui a tué l’école, tué l’intelligence. Les idées et la mentalité rentière véhiculées ont provoqué une dévalorisation sociale du travail, du savoir, de la recherche, de la compétition scientifique, de l’esprit de créativité, au profit d’un enseignement au rabais, basé sur la médiocrité, le nivellement par le bas, dans un environnement économique façonné par le capitalisme sauvage.

    «Pourquoi nos enfants ne sont plus intéressés par les études ?» s’interrogeaient récemment des enseignants. On n’a pas besoin d’étudier ni de travailler puisque la manne pétrolière est là pour importer ce que l’on veut et sans fournir trop d’efforts. On n’a pas besoin d’avoir des diplômes puisque cela n’est plus synonyme de réussite. Ce qu’il faut c’est «lekfaza» (débrouillardise), «el maarifa» (avoir des relations) pour obtenir ce que l’on veut dans la vie et se faire vite de l’argent. La profession d’enseignant n’est plus une vocation et l’école n’est plus un lieu d’éducation, de transmission de valeurs morales, de transfert de savoir, de connaissances, aux jeunes générations, mais un acte marchand. Malgré le caractère gratuit de l’enseignement public qui absorbe pourtant chaque année des sommes importantes du budget de l’Etat, le deuxième, après la Défense nationale, les résultats sont catastrophiques.

    On a vu se développer un nouveau business, de cours particuliers.

    L’enseignant, sauf exception, ne s’intéresse plus au niveau de ses élèves mais seulement à distribuer des notes, c’est tout ce que lui demande le ministère. L’élève est invité à apprendre par cœur, sans réfléchir, sans comprendre, sans développer son esprit critique et d’analyse. Pour décrocher à tout prix de bonnes notes, l’élève est amené à prendre des cours de soutien payants, devenus un passage obligé et une véritable saignée pour les parents. Ce sont de véritables classes parallèles, un marché informel des études qui remet en cause la gratuité de l’enseignement public !
    C’est comme dans la santé, l’hôpital est gratuit, mais pour avoir un rendez-vous il faut attendre, payer ou connaître quelqu’un, sinon on peut crever. En plus il faut apporter sa literie, ses repas, ses médicaments et trouver un bon médecin qui accepte de vous examiner. Quant aux prises en charge à l’étranger, elles ont été supprimées pour le peuple et réservées aux hauts placés et aux fortunés !

    Certes, dans l’enseignement, il y a des professeurs honnêtes qui ne sont pas motivés par l’appât du gain et qui organisent des cours de rattrapage pour leurs élèves qui n’arrivent pas à suivre en classe où les cours sont souvent chahutés par des redoublants, en situation d’échec.

    «Sur deux heures de cours, on passe plus d’une heure à tenter de rétablir la discipline et le calme», avouent plusieurs enseignants qui constatent que le niveau des élèves baisse chaque année un peu plus. Pourquoi l’école n’organise pas des cours de rattrapage ou de mise à niveau pour ces élèves en difficulté, comme cela se pratique ailleurs, ou ne les réoriente pas vers la formation professionnelle, revalorisée ? L’administration scolaire préfère laisser les choses en l’état et attendre que ces élèves soient exclus, par la limite d’âge et bons pour rejoindre les rangs des chômeurs ou des délinquants ! Mais il y a pire. Ce sont ces enseignants, y compris à l’université, qui «monnayent» la réussite de leurs élèves et étudiants (diplômes, passages au cycle supérieur, soutenance) contre de l’argent, des postes, des avantages ou encore par le chantage sexuel exercé contre de jeunes étudiantes qui sont ainsi poussées vers la prostitution !

    Ces pratiques de corruption se font parfois au su et au vu de tous, y compris les directions des établissements ou des directions de l’éducation, qui ferment les yeux, quand elles ne sont pas elles-mêmes adeptes de ces pratiques corruptives, qui consistent à monnayer les postes de travail, les affectations et les postes de responsabilité sans se soucier des objectifs pédagogiques.

    Des enseignants et des surveillants ont été sanctionnés pour avoir refusé de falsifier des résultats d’examens ou d’attribuer de bonnes notes à des élèves qui ne les méritaient pas, sur demande de «parents hauts placés» (qui rendent ainsi un très mauvais service à leurs enfants). Des faits de ce genre sont répandus dans nos écoles et même nos universités.
    Chez l’élève, cette perversion a pris d’autres formes. Pour lui, puisqu’il suffit de payer pour «réussir» et obtenir son diplôme, alors ce n’est pas la peine d’étudier et de «se casser la tête», il suffit de faire appel au portefeuille de papa, ou à défaut d’argent, à la triche ou à la violence, pour «arracher» de gré ou de force, ce qu’il considère comme un dû et non comme le résultat d’un travail ! Ce qui est un droit ce sont les études mais pas la réussite qui doit s’arracher par l’effort, la motivation ! La triche et la fraude, qui se sont généralisées dans nos écoles et universités avec la complicité de certains enseignants et administratifs, touchent même les diplômes de fin d’études. Il suffit de se rappeler le scandale des faux diplômes du bac et universitaires, qui a secoué Oran cette année et qui implique de hauts responsables ou encore les manifestations des étudiants de Béjaïa qui dénonçaient la corruption à l’université. L’argent a fini par dévaloriser études et diplômes, d’une part.

    D’autre part, la violence au sein des institutions éducatives est devenue alarmante. Selon les chiffres de l’Education nationale, entre 2001 et 2007, plus de 59 000 cas ont été enregistrés au niveau de l’ensemble du cycle scolaire, touchant aussi bien les élèves que les enseignants. Mais la violence qui sévit en milieu scolaire n’est-elle pas le reflet de celle qui sévit dans la société répressive, à laquelle l’enfant est confronté dès son jeune âge, à la maison, dans la rue, au stade, partout ? Elle est exercée par les enseignants, les élèves, l’administration et même certains parents, à défaut de pédagogie et de dialogue

  • #2
    Les conseils de classe et les associations de parents d’élèves ne sont plus que des espaces où chacun essaie de «négocier les notes» sans aucune évaluation, d’une part. D’autre part, la violence en milieu scolaire n’est que le reflet de la violence qui sévit dans la société où l’enfant apprend, dès son jeune âge, à la maison et dans la rue, que les conflits se résolvent par la violence et non par le dialogue. Selon les statistiques du ministère de l’Education nationale, entre 2001 et 2007, plus de 59 000 cas de violence ont été enregistrés au niveau de l’ensemble du cycle scolaire, touchant aussi bien les élèves que les enseignants.

    L’école algérienne semble vivre un dilemme en tant qu’institution publique censée diffuser le savoir pour tous les enfants et son environnement social et économique qui l’a «marchandisée», «bazarisée» «clochardisée». Sa vocation de former les élites et la relève de demain est remise en cause dans la réalité par la mentalité rentière qui sous-entend que la nation «n’a pas besoin» de travail, de compétences, ou de créateurs de richesses étant donné que le pétrole est là et qu’il permet de tout importer de l’étranger, même des cadres et des ouvriers ! Mais que feront les générations futures lorsqu’il n’y aura plus de pétrole et de gaz, même de schiste ?

    Paradoxalement, les diplômes - même dévalorisés - restent pour la majorité des élèves issus de familles modestes un moyen d’accéder à un emploi ou de se faire une situation.

    Alors, les parents les poussent à étudier et à décrocher le fameux sésame du baccalauréat. Et si les enfants de riches et ceux de la nomenklatura peuvent partir à l’étranger poursuivre leurs études parfois avec des bourses de l’Etat - même s’ils ne sont pas les plus méritants -, les enfants du peuple, eux, n’ont pas beaucoup de choix, victimes de l’inégalité sociale et régionale.

    Or, chaque année, les conditions d’accès deviennent plus difficiles en raison de la baisse du niveau, d’où la pression qui augmente sur les élèves.

    L’échec n’est pas ressenti comme un accident de parcours qui peut être rattrapé, mais comme un échec social.

    Cela provoque un choc émotionnel pouvant donner lieu à des actes de violence inouïe (suicides, mutilations). C’est probablement ce qui s’est passé pour ces candidats malheureux au bac 2013 qui se sont fait violence (la presse a fait état même de cas de décès) devant les épreuves de mathématiques et de philosophie qui n’étaient pas à leur portée.

    D’autres élèves ont opté pour la fraude en exerçant de la violence sur leurs surveillants pour fermer les yeux. Mais la violence s’exerce aussi contre les élèves qui réussissent. Ainsi, dans un collège à l’intérieur du pays, «les parents ont peur lorsque leurs enfants ont de bonnes notes et les élèves qui ont un niveau excellent ont une crainte viscérale des bonnes notes», car ils sont devenus, dans bien des cas, la risée des cancres et des mauvais élèves.
    «Nous ne pouvons pas avoir de bonnes notes, les autres nous considèrent comme des filles», a confié un de ces excellents élèves à un journal.
    A Oran, un collégien, qui venait de réussir brillamment à son BEM, a été menacé par un groupe de jeunes exclus de l’école et délinquants de son quartier qui lui ont entaillé le bras en le menaçant : «Tu te crois plus intelligent que nous ? Si tu retournes à l’école, on va t’ouvrir le ventre avec ce couteau !» Terrorisé, le jeune homme a décidé de quitter l’école.
    Ces faits démontrent que les élèves qui ont des difficultés scolaires, au lieu de redoubler d’efforts pour se rattraper, usent de violence contre leurs camarades qui ont réussi, comme pour masquer leur propre échec. Ces enfants, marginalisés - qui vivent au fond très mal leur échec -, sont eux- mêmes victimes de la violence sociale. Ils recourent à leur tour à la violence, comme pour se prémunir contre plus de marginalisation et d’exclusion.
    La violence est aussi favorisée par la disparition du respect, fondement même de l’éducation et de la transmission du savoir et qui n’existe plus ni dans les écoles, ni dans les universités, ni en société d’ailleurs. L’enfant non respecté perd l’estime de soi et la confiance en ses éducateurs qui sont censés lui servir l’exemple. Il finira lui-même par reproduire leur comportement. L’absence de respect et de sérénité est favorisée aussi par des conditions d’études épouvantables : classes surchargées (plus de 40 élèves parfois), ambiance surchauffée où se mêlent cris, bagarres, insultes. On se croirait dans une arène ou dans un stade.

    «Sur deux heures de cours, on passe plus d’une heure à rétablir la discipline, alors forcément, on n’a pas le temps de finir les programmes», reconnaissent plusieurs enseignants qui se plaignent aussi de l'absentéisme des élèves qui prend des proportions alarmantes puisque certains d’entre eux sèchent les cours parfois durant plus d’un mois. Les conditions d’hygiène sont déplorables : WC mal entretenues ou fermées sous prétexte que les élèves y vont pour fumer des joints, des classes pas accueillantes, classes aux murs à la peinture défraîchie, mobilier usé qui semble avoir servi à un siège, absence de chauffage, cantines (là où elles existent) mal gérées (argent et produits détournés, confection des mêmes plats, fades, etc.

    Cette triste situation des écoles algériennes, que des enseignants, des pédagogues et des parents ont eu maintes fois à dénoncer, souligne l’urgence de réformes sérieuses du système éducatif et non de simples aménagements comme l'allégement des horaires ou du poids du cartable.

    Des universitaires du sud du pays, en chômage depuis plusieurs années, ont manifesté récemment en brûlant leurs diplômes !

    Cette image à elle seule aurait dû suffire à interpeller les responsables sur l’incapacité de nos universités à s’adapter au marché du travail. Mais tout le monde fait semblant, et chaque année, des promotions entières sont sacrifiées sur l’autel de la stupidité et de la médiocrité qui empêchent une réforme universitaire digne de ce nom. Ces réformes du système éducatif et universitaire doivent être le fait de personnes compétentes, des spécialistes algériens, avec la participation des enseignants, des élèves et étudiants et aussi des parents et aussi s’inspirer des expériences réussies d’autres pays. Il ne s’agit pas de transposer ce modèle ou un autre, car chaque pays doit élaborer son propre système scolaire selon la place que doit occuper l’école dans la société et qui doit être définie par consensus après un débat non biaisé entre toutes les parties concernées et une évaluation objective du système scolaire algérien, programmes et méthodes. C’est ce débat que le gouvernement devrait organiser au lieu d’acheter la paix sociale en se contentant d’augmenter les salaires des enseignants et en fixant des taux et des seuils de réussite pour calmer les élèves et les parents.

    Il faut surtout recentrer la société sur le travail et l’amour du savoir, faire un usage intelligent de la rente pétrolière en investissant dans une formation de qualité au profit des jeunes et même des adultes (formation continue) et non dans un enseignement au rabais, qui absorbe des budgets faramineux pour une rentabilité médiocre alors que des pays qui consacrent moins d’investissements financiers ont de meilleurs résultats ! Le jeu n’en vaut-il pas la chandelle ?

    Les cerveaux des Algériens ne sont-ils pas une richesse plus pérenne que le pétrole et le gaz ? Mais ne faudrait-il pas au préalable changer de gouvernance, car le système rentier en place n’est pas en mesure de valoriser les compétences qu’il a lui même dévalorisées.

    Par Houria Aït Kaci, journaliste, Le Soir

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    • #3
      Quand il n y a pas d enterprises , pas de production , faut se demander a quoi sert les écoles , juste pour ne pas avoir un peuple ignorant ? sinon , il y a le petrole . donc pas besoin de travailler , juste faire semblant .

      L ecole est aussi une usine de production , elle est régie par les lois de l offre et de la demande .

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