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Le Pakistan a-t-il offert une zone-refuge aux taliban ?

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  • Le Pakistan a-t-il offert une zone-refuge aux taliban ?

    Il y a cinq ans, au lendemain des attentats du 11 septembre, le président pakistanais Pervez Musharraf s'engageait sous la pression des Etats-Unis à cesser de soutenir les taliban en Afghanistan. En signant cette semaine un accord de paix avec ceux qui se trouvent au Pakistan, il suscite de très lourdes interrogations.

    Le traité signé mardi au Nord-Waziristan, sur la frontière afghane, engage les activistes de cette région de l'Ouest à cesser leurs attaques au Pakistan comme de l'autre côté de la frontière.

    Mais il permet dans le même temps aux étrangers présents dans cette zone d'y rester, stoppe les opérations terrestres et aériennes de l'armée pakistanaise et ordonne le démantèlement des postes de contrôle militaires.

    "C'est un vrai choc. Qu'on le veuille ou non, cela crée une zone refuge pour Al Qaïda et les taliban", analyse Ahmed Rashid, journaliste pakistanais et spécialiste reconnu des taliban.

    "Ils ont cédé le Nord-Waziristan aux taliban", renchérit Samina Ahmed, chercheuse de l'International Crisis Group, centre de réflexion basé à Bruxelles, qui s'appuie, parmi d'autres, sur l'exemple du Sud-Waziristan.

    Dans cette autre région tribale à statut semi-autonome qui jouxte l'Afghanistan, l'armée a signé un traité de paix il y a deux ans et s'est retirée dans les casernes.

    Depuis cette date, les taliban pakistanais sont quasiment aux commandes, ont mis en place une administration parallèle, entrepris de "talibaniser" le territoire et leurs chefs se vantent d'envoyer des combattants en Afghanistan.

    Avec l'accord signé au Nord-Waziristan, estiment ses détracteurs, les islamistes du Jamiat Ulema-e-Islam, parti pro-taliban, ont obtenu ce qu'ils voulaient: prisonniers libérés, soldats confinés dans leurs baraquements, barrages levés, armes rendues, plus le pouvoir et l'influence.

    "Cela revient à introduire un renard dans le poulailler et à lui en confier la responsabilité", avance un diplomate.

    DÉSTABILISATION

    A Islamabad, les autorités rejettent catégoriquement ces conclusions, de même qu'elles démentent régulièrement depuis cinq ans ne pas en faire suffisamment pour empêcher les combattants taliban de franchir la frontière afghane.

    Le président George Bush a estimé pour sa part qu'il ne considérait pas non plus que ce traité revenait à créer un havre pour les activistes. "Je n'en fais pas cette lecture", a-t-il dit jeudi lors d'une interview accordée à la chaîne ABC.

    Mais le ralliement de Musharraf à "la guerre contre le terrorisme" déclenchée par Washington après le 11-Septembre n'empêche pas les services spéciaux pakistanais d'être pointés du doigt.

    On leur reproche de fournir des armes, de l'argent et un encadrement technique aux activistes afghans en lutte contre les nouvelles autorités au pouvoir à Kaboul et les forces internationales présentes dans le pays. L'objectif recherché serait de conserver une capacité d'influence sur l'Afghanistan post-taliban.

    L'administration américaine, estiment des spécialistes de la question, ne veut pas courir le risque de déstabiliser le régime de Musharraf, qui constitue quoi qu'il en soit un allié de poids dans la région.

    Les médias américains, eux, sont beaucoup moins précautionneux. Le New York Times citait ainsi dans son édition de jeudi un politologue de la RAND Corporation, Seth G. Jones, qui affirme que des agents pakistanais ont aidé le mollah Omar à fuir et qu'ils informent les combattants taliban des mouvements des troupes américaines.

    APAISER L'ARMÉE ?

    Mais même si ces accusations étaient fondées, les marges de manoeuvre de Musharraf, attendu ce mois-ci à Washington, seraient limitées.

    Début 2004, après avoir échappé à plusieurs tentatives d'attentat inspirées par Al Qaïda, Musharraf a ordonné à son armée de mener l'offensive, d'abord au Sud-Waziristan puis au Nord-Waziristan, parmi les plus agitées des sept régions tribales à statut semi-autonome que compte le Pakistan.

    L'armée s'est heurtée à la résistance très vive des tribus et des clans de ces régions et a payé un prix élevé (220 morts et plus de 700 blessés) pour une offensive que beaucoup de Pakistanais considéraient comme une guerre américaine par procuration, et non comme une affaire intérieure.

    Pour Ahmed Rashid, la connaissance de ce passé récent est indispensable si l'on veut comprendre le traité conclu cette semaine. "Cet accord a été recherché avec un très vif intérêt par Musharraf afin d'apaiser la base de son pouvoir, c'est-à-dire l'armée", dit-il.

    La viabilité du texte signé mardi est aussi sujette à caution, d'abord parce que seule une partie des clans tribaux l'ont signé, ensuite parce que nul ne peut exclure que l'armée américaine déclenche des opérations commando contre des cibles suspectes d'Al Qaïda - elle l'a fait par le passé - au risque d'ouvrir une nouvelle crise.

    Par Liberation
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