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Des fast-foods aux musées, le Royaume-Uni accro aux contrats "zéro heure"

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  • Des fast-foods aux musées, le Royaume-Uni accro aux contrats "zéro heure"

    Par Alexia Eychenne

    Un million de personnes seraient employées par des contrats qui ne leur garantissent aucune heure de travail ni aucun salaire minimaux. Une flexibilité extrême qui alimente la précarité dans le pays.

    Avec 90% de ses effectifs en contrat de zéro heure, soit 82 800 employés, McDonald est le principal employeur du Royaume-Uni à avoir recours au contrat de "zéro heure".
    Reuters/Vincent Kessler
    Qui eut cru que la famille royale serait un jour à l'origine d'un débat sur la précarité au Royaume-Uni? C'est pourtant depuis qu'ils ont appris que le palais de Buckingham employait cet été 350 employés sans promesse de les rémunérer, qu'une partie des Britanniques s'indigne du vieux système des contrats "zéro heure".

    Le quotidien The Guardian a révélé fin juillet que les saisonniers qui travaillent à l'accueil des visiteurs ou à la billetterie ne sont pas sûrs d'être sollicités -et donc d'être payés- pendant la durée de leur contrat. Ils ne peuvent pourtant frapper à la porte d'un autre employeur que si Buckingham les y autorise, en vertu d'une clause d'exclusivité. En cause, ce contrat so British qui ne fixe pas de durée de travail ni de rémunération minimale.

    Du pain béni pour les employeurs qui évitent de perdre de l'argent quand l'activité décline, et mobilisent illico une armée de bras lorsque la demande reprend. 34% des associations, 24% des employeurs publics et 17% des entreprises privées y auraient recours, et ce deuis plusieurs décennies. McDonald les utiliserait depuis 1974. Jusqu'en 1998, les employés britanniques en "zéro heure" étaient même contraints de rester sur leur lieu de travail sans être payés en attendant d'être remis à la tâche.

    Pubs, cinémas, services à la personne...
    Avant ses révélations sur Buckingham, The Guardian avait assuré que les boutiques Sports Direct employaient 20 000 personnes en contrat zéro heure. Depuis, il ne se passe pas un jour sans que de nouveaux employeurs soient épinglés. Ainsi des Tate Galleries, de Burger King et Domino's Pizza, d'Amazon, des cinémas Cineworld ou des pubs Wetherspoon. Avec 90% de ses effectifs au Royaume-Uni concernés, soit 82 800 personnes, McDonald bat tous les records.

    D'après une étude du centre de recherche Resolution Foundation, les jeunes, les personnes peu qualifiées et les étrangers sont surreprésentés dans les entreprises qui ont recours à ces contrats ultra-précaires. Selon elle, les salariés "zéro heure" travaillent effectivement peu: 21 heures par semaine en moyenne contre dix de plus pour le reste des employés. Et ce pour 273 euros, contre 558 pour les autres. 18% d'entre eux recherchent d'ailleurs un travail complémentaire.

    Certains observateurs estiment que les contrats zéro heure se sont étendus au Royaume-Uni depuis les années 2000. Les statistiques officielles n'en recensent que 250 000. Mais d'après la Resolution Foundation, les seuls aides à domicile seraient 150 000 embauchés de la sorte. Un million d'employés pourraient en fait être concernés, soit 3% de la population active britannique, selon le Chartered Institute of Personnel and Development, une organisation de ressources humaines.

    Précarité et management par la peur
    Le contrat zéro heure a ses partisans. McDonald assure que la plupart de ses employés -étudiants ou parents- recherchent aussi de la flexibilité, et que le planning fourni à l'avance leur permet de s'organiser. Le patronat britannique affirme aussi que le système a permis de contenir le taux de chômage autour de 8%, contrairement aux autres pays européens.

    Mais ses détracteurs y voient le stade ultime de la précarité, facteur de stress et d'insécurité. La Resolution Foundation admet que certains employés y trouvent leur compte mais pointe aussi des dérives. "Des personnes nous ont expliqué comment leur contrat était utilisé comme un outil de management, les futures heures de travail dépendant de leur relation avec le manager et du degré de flexibilité dont ils faisaient preuve", note l'étude. Le "zéro heure" est aussi accusé de créer du sous-emploi, ravageur pour le pouvoir d'achat des ménages.

    La crise, mais pas seulement
    Face à l'ampleur du débat, le secrétaire d'Etat au Commerce Vince Cable dit réfléchir à interdire les clauses d'exclusivité qui empêchent les employés "zéro heure" de se tourner vers d'autres entreprises. Mais il exclut fermement d'enterrer le système.

    Si la crise explique en partie l'engouement des entreprises pour le "zéro heure", le Financial Times doute d'ailleurs qu'il disparaisse avec la reprise de l'économie. Dans beaucoup de secteurs friands de ces contrats, "les employeurs se concurrencent surtout sur les coûts, estime le quotidien économique. La productivité y est basse, comme les salaires. Les syndicats sont absents ou faibles. Pour beaucoup d'entreprises, les contrats zéro heure sont une extension logique de leur modèle économique."

    Et en France?
    En théorie, une telle flexibilité n'est pas possible en France, même si certains employés précaires se retrouvent parfois dans des situations comparables. En termes d'horaires, le temps partiel permet de travailler moins de 35 heures par semaine. Mais la durée du travail est inscrite sur le contrat du salarié, et elle devra être d'au moins 24 heures à partir du 1er janvier 2014. L'employé peut aussi travailler pour plusieurs entreprises non-concurrentes. Le travail le plus aléatoire est à chercher du côté des contrats très courts: CDD d'usage, intermittents, vacations, piges, etc. Certains salariés ne sont ainsi employés par les entreprises que quelques heures par-ci par-là. Et, s'ils sont libres d'aller voir ailleurs, ils se rendent souvent disponibles en permanence plutôt que de risquer de refuser du travail au pied levé...
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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