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Du prénom amazigh

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  • Du prénom amazigh

    Le prénom détermine l’identité des membres d’une même famille. Cette définition laconique me permet d’introduire ma chronique. Il est beaucoup question du prénom berbère depuis un moment déjà. Depuis que certaines mairies se sont réveillées et ont ressuscité un décret qui date des années 1980. Tiens, tiens : les années 1980 ?

    Cela me rappelle la première amorce démocratique dans notre pays, quand des étudiants ont défié le pouvoir de l’époque pour appeler à la liberté. Liberté de tout ! En effet, quelques mois après le Printemps berbère, des «forts» en thème, du système et du pouvoir, ont imaginé, concocté, mis en place et tenté d’appliquer «l’arabisation de l’environnement » (taârrib el mouhit !). Nous n’étions pas suffisamment arabisés (ou arabes, c’est selon !). Il fallait en remettre une nouvelle couche, quitte à sombrer dans le ridicule. Les toponymes algériens ont été déjà arabisés dès l’indépendance. In s’est transformé en Aïn. At a cédé la place à Ben. Adrar s’arabise et devient Djebel. J’ai cru rencontrer, une fois, lors de mes pérégrinations, une plaque qui signalait une rivière sous le toponyme de «Oued Belyassif». Je ne rêve pas, je l’ai vue, cette signalisation. «L’unicisme» (nous étions à l’époque de tous les «ismes» en Algérie), était la politique nationale, à tous les niveaux. Nous devions tous nous transformer en Ben et eux en Sidi : ce fut la révolution culturelle à la sauce de chez nous.

    Le choix du prénom, pour un nouveau-né, relève exclusivement du libre-arbitre des parents. Celuici s’appuie sur la tradition qui veut «ressusciter» le prénom de l’aïeul ou d’un être cher. Ce procédé n’a jamais dérangé quiconque. Ou alors l’on choisissait le prénom lié à la circonstance de la naissance : Achour pour l’Achoura, Ramadane pour le mois sacré du jeûne, Bélaïd pour un des deux Aïds… Autant que je m’en rappelle, l’état civil inscrivait les Mohamed, Omar, Akli, Ali, Hocine, Abdellah, Abderrahmane, Améziane, Tassadit, Fatma, Zohra, Farida, Nacéra… Ces petits noms, dont la «consonance algérienne» est avérée, étaient portés, comme une oriflamme, par les uns et les autres. Je m’appelle Youcef. Toi, Abderrezak. Lui, Salah. Saci, à l’Est. Houari, à l’Ouest. Dida, dans le grand Sud. Tout cela ne posait aucun problème. Y avait-il une liste de prénoms durant les premières années de l’indépendance ? Personnellement, je n’en ai pas eu connaissance. Aux anciens de nous le préciser ! Puis, en mars 1981, deux nomenclatures voient le jour, comme pour emprisonner le choix des parents, titiller leur responsabilité, bureaucratiser davantage nos mairies et braquer encore plus, dans une situation de fuite en avant organisée, les citoyens. Une partie des citoyens, une seule ! Celle qui se revendique de l’amazighité et qui veut vivre son identité dans sa plénitude, pas dans «une peau provisoire». Les noms des villes s’arabisent : de Wahran jusqu’à Soukaïkida.

    A côté de cette hérésie toponymique s’installe une autre : une nomenclature des prénoms qui fait office de choix «obligatoire ». Puis-je m’exprimer ainsi ? Contre-sens ou oxymore ? Je ne sais plus. Au secours, les linguistes ! La voilà, la bêtise administrative ! Exit donc de cette liste officielle des Massinissa, Gaïa, Micipsa, Juba, Tin Hinan, Massiva, Damia, Aguellid, Itij, Tiziri, Massylia, Tafsut, Jugurtha… Et d’autres, et d’autres ! Place alors à tous les «Abd» ! Tout ce qui se dit et s’entend en tamazight se transforme par la volonté du système comme une atteinte aux constantes nationales, constantes décidées à l’intérieur d’un parti unique.

    Tout ce qui sort de ce cadre (leur cadre) est contre-révolutionnaire. L’Algérien se rappelle de tous ceux qui ont été excommuniés. De la conférence de Mouloud Mammeri jusqu’à l’interdiction du prénom berbère, le déni identitaire agit et interagit comme une pieuvre tentaculaire. Ainsi donc, les prénoms de Gaïa et Micipsa sont interdits dans une commune du pays chaoui ; mais Ayatollah Khomeiny a été admis, accepté et porté sur les registres de cette mairie. C’est dire que l’idéologie pousse à une complaisance qui peut générer tous les excès. Acculés, les pouvoirs publics rafistolent, rabibochent et tentent de colmater les brèches, au lieu d’aller dans le sens de la solution républicaine : mettre en avant l’algérianité et arrêter de prendre le dernier wagon d’une prétendue nation qui n’a de réalité que le nom. L’Algérie, avant tout, Messieurs. Cette nomenclature, qui revient à la charge, lestée de trois cents prénoms amazighs, pourquoi trois cents ? Peut-elle suffire à induire le souffle identitaire voulu par des millions d’Algériens ? Cela peut être une étape. Sans plus ! Car il a autre chose qui est attendue, l’officialisation de l’identité amazighe. Pour que l’Algérie respire pleinement sa berbérité, il ne suffit plus qu’elle le proclame ici et là, à diverses circonstances électoralistes ou que tel officiel entame son discours par «azul» du bout des lèvres. Je peux désormais prénommer mon fils Massinissa, mais si ce citoyen de demain endosse une peau (une identité) qui n’est pas la sienne, il ne sera alors qu’un ersatz d’Algérien dans une société culturellement décérébrée. Je propose que l’Algérie se recentre et qu’elle évite tous les mythes préfabriqués (les mites ?). Qu’elle oppose son algérianité face à la globalité qui s’installe ! Au moins cela. Que l’on ne chipote pas sur un prénom aussi ancien que ce pays ! Laissons les parents à leur naissance et au prénom de leur choix, aussi amazigh soit-il !

    Par Youcef Merahi- Le Soir

  • #2
    Ce sont pourtant de très jolis prénoms, de plus chacun choisi le prénom qu'il veut pour ses enfants.
    Toutes les fleurs de l'avenir sont dans les semences d'aujourd'hui.

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    • #3
      des «forts» en thème, du système et du pouvoir, ont imaginé, concocté, mis en place et tenté d’appliquer «l’arabisation de l’environnement » (taârrib el mouhit !).
      Le résultat est affligeant!...
      "La chose la plus importante qu'on doit emporter au combat, c'est la raison d'y aller."

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