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Lorsque les mots sont archivés, la langue est condamnée

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  • Lorsque les mots sont archivés, la langue est condamnée

    Tout statisme, dans tout domaine, est synonyme d’inertie qui dérive lentement vers la fin de vie, à plus forte raison pour ce qui relève des langues.

    Formée de l’héritage, constamment renouvelé et amélioré d’une masse de mots, toute langue se doit d’être dynamique. Une des forces qui donne vie à une langue est la polysémie des mots. Ainsi, faire produire de nouveaux sens à une langue, c’est faire reculer un peu plus les limites de celle-ci.

    La langue berbère dispose d’un éventail assez consistant de mots. Son vocabulaire est riche. Pour qu’une société ait eu une aussi longue existence (et qui continue), avec comme principal agent actif une langue orale d’une part, et non officielle à travers les différents épisodes des divers commandements et loin des innovations modernes d’autre part, quelque chose a bien fonctionné en elle, quelque chose s’est bien imposé par elle, quelque chose a été énergique pour elle.

    Ce quelque chose, qui s’est produit d’une manière intuitive et peut-être même inconsciente pour ses locuteurs, est bel et bien l’éventail explicatif, nominatif et de désinence de chaque mot qui la compose.

    Ce que la science de la linguistique aujourd’hui appelle : la polysémie, c'est-à-dire la pluralité de sens qu’un seul mot peut prendre et rendre, est devenue une stratégie du développement de toute langue. La polysémie semble s’opposer, du moins remet à plus tard l’action artificielle (mais utile) de l’invention de nouveaux mots. Elle s’emploie à épuiser l’étymologie du mot depuis sa plus ancienne signification, à son sens présent et à la projection du plus lointain sens à venir.

    Le génie de la langue berbère est justement de libérer les mots de leurs sens dénotés (celui que le dictionnaire fixe) vers leurs sens connotés. Ce n’est que lorsque la technique de la polysémie vient à s’essouffler pour ainsi dire que la création de nouveaux mots peut s’imposer comme ultime alternative. En cela, le dictionnaire classique, bien que celui de notre langue n’est pas encore totalement élaboré dans toutes les variantes de la langue, ne devrait pas être considéré comme un archivage des mots.

    Autrement dit ne pas en faire un « parking» des mots. Bien mieux, les mots doivent rester libres et libérés des étroitesses des significations. Mais nous possédons encore un lot de mots restés figés dans un seul sens. C’est à leur libération que l’intervention intellectuelle, scientifique et initiatique devait s’intéresser. Nos poètes anciens avaient ont déjà tracé les sillages de la polysémie. Il n’y a qu’à bien observer leurs poèmes non encagés.


    Par Abdennour Abdesselam- la dépêche de Kabylie
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