L’épisode de la destruction d’une page de la mémoire de Annaba, à savoir la violation de la dernière koubba des «Sept dormants» et le silence qui a suivi le mouvement d’indignation face à ce crime, doivent nous faire faire poser la question du passé et du devenir de la sauvegarde du patrimoine annabi, notamment celui de la madina médiévale, Bûna. D’autant que Buna-Annaba avait connu des occasions de sauvegarde manquées.
Les premiers pas dans la sauvegarde de la madina de Bûna-Annaba ont été l’inscription de quelques-uns des monuments-phares de l’histoire urbaine de notre ville, et ce, jusqu’à la fin des années 1970. Mais la surpopulation de la madina, la vétusté rampante du bâti, le laisser-aller menaçaient ce patrimoine historique de disparaître. D’autant que certains responsables ont eu la velléité d’entreprendre la destruction de monuments historiques (la kubba de Sidi-Brahim allait être rasée sur instruction d’un wali, en 1976 ; l’aqueduc romain fut détruit par les services techniques de l’APC en 1986). Il fallait aller plus loin dans la sauvegarde, autrement dit procéder à son renforcement juridique, d’une part, et à adjoindre le volet restauration et réhabilitation, d’autre part. Une première tentative, menée par le président d’APC, le défunt Chekmam, a été de provoquer un débat avec les habitants de la madina pour susciter prise de conscience et initiative pour la préservation de ce patrimoine. L’initiative est morte avec son départ. C’est une première occasion sérieuse manquée.
En 1984, une nouvelle initiative fut entreprise par la wilaya. Une cellule de réflexion autour des questions relatives à la conservation et à la restauration de le la ville médiévale était installée en juillet 1984. La cellule avait réuni, entre autres, la DUCH, la direction de la planification et de l’aménagement du territoire, de l’APC, du conservateur d’Hippone et d’autres. Au terme de plusieurs mois de débats, la cellule a adopté un document qui précise les orientations et les principes pour la sauvegarde de la madina historique de Bûna-Annaba :
Conclusions de la cellule :
«Orientation et principes pour la sauvegarde de la «madina historique» (Bûna) de Annaba
I-Préambule
Les étapes de l’histoire de Annaba démontrent que le «centre historique» de Annaba est plus que millénaire, en ne prenant compte que la date à partir de laquelle «Bûna Al-Hadîtha» est fondée à la fin du Xe siècle ap. J.-C.. Ainsi le Centre historique a-t-il connu la période Zirido-Hammadite, celle des Muwahhidûn, le sultanat hafside et celle des deys et la période coloniale.
De ce fait, la madina historique est le résultat d’une succession de strates culturelles, spirituelles, politiques et matérielles, nombreuses qui se sont interpénétrées dans un ensemble urbain qui n’a cessé de vivre et de s’adapter chaque fois aux situations et aux évolutions nouvelles.
Néanmoins, une rupture fatale va se produire dans cette continuité : la colonisation. Celle-ci, après avoir adapté momentanément une partie de la madina historique, la marginalise dès la fin du XIXe siècle. Activité administrative, économique, etc., se transplantent dans la ville européenne.
D’autre part, humainement, la madina historique devient un ghetto pour les Algériens en général dans un premier temps, puis avec le départ successif des anciens propriétaires vers la nouvelle ville, la madina devient un ghetto pour les classes sociales humbles ; ce phénomène s’accélère au lendemain de l’indépendance où la madina historique subit l’exode rural qui «gourbifie» relativement l’habitat ancien. Cependant, il faut mentionner que la «madina historique» de Annaba, malgré cette marginalisation, sera durant toute la période de lutte nationaliste avant 1954, et durant la période de la révolution armée de 1954 à 1962, un bastion et le haut lieu d’actions contre le colonisateur. La «madina historique», malgré son double caractère historique, n’en sera pas pour autant réhabilitée après 1962. Si elle reste le lieu où l’aspect spirituel l’emporte, grâce à la présence des mosquées Abû Marwân et El Bey, elle ne devient pas moins «gourbivisée» et marginalisée tant socialement qu’économiquement, à tel point qu’elle est devenue synonyme de «mauvais endroit» et de repaire de drogués, de délinquants et autres maux !
II- La madina historique : zone sauvegardée
Jusqu’ici, le sort de la madina historique a été ballotté entre l’ignorance de son existence et les velléités de réhabilitation, ou bien la simple tendance à sa destruction.
Des procédures ponctuelles ont permis ainsi l’inscription sur la liste du patrimoine historique national :
- les citernes d’Hippone ; - les ruines d’Hippone ; - la citadelle de la Kasaba ;- le fort des Suppliciés ;- les vestiges des remparts ;- le mausolée de Sidi Brahim ; - la mosquée Abû Marwân ;- la mosquée Salah-Bey.
Mais il faut reconnaître qu’une action de protection effective, de réhabilitation et d’insertion dans le développement global reste à faire ; la vision d’ensemble et la liaison entre ces éléments, d’une part, et entre ces éléments et l’urbanisme, d’autre part, font défaut.
Aujourd’hui (1984), inspirée de l’affirmation de la mise en valeur et de la préservation du patrimoine national historique, contenue dans la Charte, dans les textes fondamentaux depuis le 4e congrès du FLN, et confortée par l’adoption du dossier culturel, la mise en place de la présente cellule de réflexion prend en charge et reconnaît à la madina historique son droit de cité. A la lumière de cette volonté politique étayée par l’histoire plusieurs fois millénaire de la commune, et millénaire de la madina de Annaba, la cellule de réflexion déclare la madina historique zone sauvegardée en sa qualité de centre historique et ensemble urbain spécifique. Cette procédure mettra ainsi la madina historique sous la protection de l’ordonnance 67-281 et soumettra toute action d’intervention au niveau de ce centre historique aux servitudes des monuments classés. Le fait de la proclamer «zone sauvegardée» permet d’assouplir le concept de «monument classé», notamment en matière d’intervention, telle que présentée dans le § IV-2 de l’ordonnance (principes d’intervention).
Au sein de cette «zone sauvegardée», l’identification et l’inventaire des monuments ou d’ensembles monumentaux, se fera en fonction de deux aspects : l’aspect historique et l’aspect fonctionnel.
Historiquement, deux grandes périodes se rattachent à la vie de la madina :
1- La période de l’an 1000 à 1832, qui elle-même peut se subdiviser en deux âges :
a- l’âge des dynasties musulmanes indépendantes (des Sanhâdja aux Hafsides) ;
b- l’âge de l’Etat algérien moderne (1540-1832).
2 - La période coloniale : 1832-1962, qui se subdivise en deux étapes :
a- l’étape 1832 à 1860 environ, où la colonisation utilise la madina effectivement et la réaménage en fonction de son utilisation propre ;
b- l’étape 1860 à 1962, où la madina est progressivement marginalisée.
Fonctionnellement, les monuments ou les ensembles monumentaux se répartissent en trois types :
1- Les monuments défensifs :
a- les remparts avant 1832 et après 1832 ; le fort des suppliciés ; b- la citadelle des Caroubiers ; c- les différentes batteries après 1832 ; d- la caserne (transformée en Centre IAP (faculté de droit] ; e- bâtiment du secteur militaire (actuellement du service national) ; f- ex-mess des officiers (place Ben Bakka).
2- Les monuments publics
a- avant 1832 : mosquée Abû Marwân ; mosquée du Bey ; oratoires, tombeaux de personnalités religieuses ; écoles coraniques ; cimetières (Zaghouan, notamment).
b- Après 1832 : hôtel de ville ; Palais consulaire ; Chambre de l’agriculture ; écoles ; place du 19-Août.
3- Habitat et économie :
a- Le noyau central antérieur dans son ensemble à 1832 ;
b- La couronne périphérique, de type colonial et européen.
L’ensemble de ces monuments, faisant partie de cette «zone de sauvegard», faisant donc partie du patrimoine national «sont placés sous la sauvegarde de l’Etat» (Ord. 67-281 ; art. 19).
Les premiers pas dans la sauvegarde de la madina de Bûna-Annaba ont été l’inscription de quelques-uns des monuments-phares de l’histoire urbaine de notre ville, et ce, jusqu’à la fin des années 1970. Mais la surpopulation de la madina, la vétusté rampante du bâti, le laisser-aller menaçaient ce patrimoine historique de disparaître. D’autant que certains responsables ont eu la velléité d’entreprendre la destruction de monuments historiques (la kubba de Sidi-Brahim allait être rasée sur instruction d’un wali, en 1976 ; l’aqueduc romain fut détruit par les services techniques de l’APC en 1986). Il fallait aller plus loin dans la sauvegarde, autrement dit procéder à son renforcement juridique, d’une part, et à adjoindre le volet restauration et réhabilitation, d’autre part. Une première tentative, menée par le président d’APC, le défunt Chekmam, a été de provoquer un débat avec les habitants de la madina pour susciter prise de conscience et initiative pour la préservation de ce patrimoine. L’initiative est morte avec son départ. C’est une première occasion sérieuse manquée.
En 1984, une nouvelle initiative fut entreprise par la wilaya. Une cellule de réflexion autour des questions relatives à la conservation et à la restauration de le la ville médiévale était installée en juillet 1984. La cellule avait réuni, entre autres, la DUCH, la direction de la planification et de l’aménagement du territoire, de l’APC, du conservateur d’Hippone et d’autres. Au terme de plusieurs mois de débats, la cellule a adopté un document qui précise les orientations et les principes pour la sauvegarde de la madina historique de Bûna-Annaba :
Conclusions de la cellule :
«Orientation et principes pour la sauvegarde de la «madina historique» (Bûna) de Annaba
I-Préambule
Les étapes de l’histoire de Annaba démontrent que le «centre historique» de Annaba est plus que millénaire, en ne prenant compte que la date à partir de laquelle «Bûna Al-Hadîtha» est fondée à la fin du Xe siècle ap. J.-C.. Ainsi le Centre historique a-t-il connu la période Zirido-Hammadite, celle des Muwahhidûn, le sultanat hafside et celle des deys et la période coloniale.
De ce fait, la madina historique est le résultat d’une succession de strates culturelles, spirituelles, politiques et matérielles, nombreuses qui se sont interpénétrées dans un ensemble urbain qui n’a cessé de vivre et de s’adapter chaque fois aux situations et aux évolutions nouvelles.
Néanmoins, une rupture fatale va se produire dans cette continuité : la colonisation. Celle-ci, après avoir adapté momentanément une partie de la madina historique, la marginalise dès la fin du XIXe siècle. Activité administrative, économique, etc., se transplantent dans la ville européenne.
D’autre part, humainement, la madina historique devient un ghetto pour les Algériens en général dans un premier temps, puis avec le départ successif des anciens propriétaires vers la nouvelle ville, la madina devient un ghetto pour les classes sociales humbles ; ce phénomène s’accélère au lendemain de l’indépendance où la madina historique subit l’exode rural qui «gourbifie» relativement l’habitat ancien. Cependant, il faut mentionner que la «madina historique» de Annaba, malgré cette marginalisation, sera durant toute la période de lutte nationaliste avant 1954, et durant la période de la révolution armée de 1954 à 1962, un bastion et le haut lieu d’actions contre le colonisateur. La «madina historique», malgré son double caractère historique, n’en sera pas pour autant réhabilitée après 1962. Si elle reste le lieu où l’aspect spirituel l’emporte, grâce à la présence des mosquées Abû Marwân et El Bey, elle ne devient pas moins «gourbivisée» et marginalisée tant socialement qu’économiquement, à tel point qu’elle est devenue synonyme de «mauvais endroit» et de repaire de drogués, de délinquants et autres maux !
II- La madina historique : zone sauvegardée
Jusqu’ici, le sort de la madina historique a été ballotté entre l’ignorance de son existence et les velléités de réhabilitation, ou bien la simple tendance à sa destruction.
Des procédures ponctuelles ont permis ainsi l’inscription sur la liste du patrimoine historique national :
- les citernes d’Hippone ; - les ruines d’Hippone ; - la citadelle de la Kasaba ;- le fort des Suppliciés ;- les vestiges des remparts ;- le mausolée de Sidi Brahim ; - la mosquée Abû Marwân ;- la mosquée Salah-Bey.
Mais il faut reconnaître qu’une action de protection effective, de réhabilitation et d’insertion dans le développement global reste à faire ; la vision d’ensemble et la liaison entre ces éléments, d’une part, et entre ces éléments et l’urbanisme, d’autre part, font défaut.
Aujourd’hui (1984), inspirée de l’affirmation de la mise en valeur et de la préservation du patrimoine national historique, contenue dans la Charte, dans les textes fondamentaux depuis le 4e congrès du FLN, et confortée par l’adoption du dossier culturel, la mise en place de la présente cellule de réflexion prend en charge et reconnaît à la madina historique son droit de cité. A la lumière de cette volonté politique étayée par l’histoire plusieurs fois millénaire de la commune, et millénaire de la madina de Annaba, la cellule de réflexion déclare la madina historique zone sauvegardée en sa qualité de centre historique et ensemble urbain spécifique. Cette procédure mettra ainsi la madina historique sous la protection de l’ordonnance 67-281 et soumettra toute action d’intervention au niveau de ce centre historique aux servitudes des monuments classés. Le fait de la proclamer «zone sauvegardée» permet d’assouplir le concept de «monument classé», notamment en matière d’intervention, telle que présentée dans le § IV-2 de l’ordonnance (principes d’intervention).
Au sein de cette «zone sauvegardée», l’identification et l’inventaire des monuments ou d’ensembles monumentaux, se fera en fonction de deux aspects : l’aspect historique et l’aspect fonctionnel.
Historiquement, deux grandes périodes se rattachent à la vie de la madina :
1- La période de l’an 1000 à 1832, qui elle-même peut se subdiviser en deux âges :
a- l’âge des dynasties musulmanes indépendantes (des Sanhâdja aux Hafsides) ;
b- l’âge de l’Etat algérien moderne (1540-1832).
2 - La période coloniale : 1832-1962, qui se subdivise en deux étapes :
a- l’étape 1832 à 1860 environ, où la colonisation utilise la madina effectivement et la réaménage en fonction de son utilisation propre ;
b- l’étape 1860 à 1962, où la madina est progressivement marginalisée.
Fonctionnellement, les monuments ou les ensembles monumentaux se répartissent en trois types :
1- Les monuments défensifs :
a- les remparts avant 1832 et après 1832 ; le fort des suppliciés ; b- la citadelle des Caroubiers ; c- les différentes batteries après 1832 ; d- la caserne (transformée en Centre IAP (faculté de droit] ; e- bâtiment du secteur militaire (actuellement du service national) ; f- ex-mess des officiers (place Ben Bakka).
2- Les monuments publics
a- avant 1832 : mosquée Abû Marwân ; mosquée du Bey ; oratoires, tombeaux de personnalités religieuses ; écoles coraniques ; cimetières (Zaghouan, notamment).
b- Après 1832 : hôtel de ville ; Palais consulaire ; Chambre de l’agriculture ; écoles ; place du 19-Août.
3- Habitat et économie :
a- Le noyau central antérieur dans son ensemble à 1832 ;
b- La couronne périphérique, de type colonial et européen.
L’ensemble de ces monuments, faisant partie de cette «zone de sauvegard», faisant donc partie du patrimoine national «sont placés sous la sauvegarde de l’Etat» (Ord. 67-281 ; art. 19).
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