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Parenti sur l'après-communisme
Lors de la chute des gouvernements socialistes en Union soviétique et en Europe de l'Est, les cercles dirigeants des États-Unis se sont bien sûr réjouis de ces événements; il en fut également de même de certains secteurs qui se déclaraient pourtant de gauche. Cette chute ouvrait, selon ces gens qui se disaient de gauche, de nouvelles possibilités, un véritable renouveau. Ainsi délivrés pour toujours de l'infamie du "stalinisme", ces gens prétendaient que les forces de gauche pourraient enfin gagner en légitimité et en influence. Emballés par cette idée, ils semblaient ne pas se rendre compte du fait que la destruction du socialisme avait en fait déplacé le centre de gravité politique vers des orientations radicalement réactionnaires. …
Le texte qui suit est une traduction d'un article publié une première fois dans la revue américaine«Covert Action Quarterly» (numéro 72, printemps 02), puis republié une 2e fois dans le journal du Parti communiste du Canada (PCC), People's Voice , dans son édition du 1er octobre 2002.
Cette réflexion qui s’adressait au départ aux milieux progressistes aux États-Unis, vise d’abord et avant tout à remettre en cause certains dogmes qui demeurent encore très forts au sein des forces de gauche, y compris chez nous. C’est un texte qui, conséquemment, a toute sa pertinence dans les débats ici même, dans notre pays.
En plus d’avoir jusqu’ici publié de nombreux articles dans différentes revues de gauche, Michael Parenti a aussi écrit plusieurs livres dont : «The Terrorism Trap» (éditions City Lights), «To kill a Nation: the Attack on Yugoslavia» (éd. Verso) et “History as a Mystery” (ed. City Lights). La traduction du texte ci-dessous est de nous.
_________________________
Nous avons beaucoup entendu parler d'«effondrement» de l’Union soviétique au cours des dernières années alors que la véritable menace aujourd’hui réside dans les nombreux reculs sociaux que nous subissons un peu partout. À travers le monde, sous la conduite de ceux qui ont le pouvoir à Washington, les dirigeants conservateurs visent à éliminer nos conquêtes démocratiques et nos services publics, et à réduire le niveau de vie des gens à l’échelle de toute la planète.
Dans un contexte où l’anti-communisme est encore bien à la mode, il est de bon ton de se démarquer de ce que fut le « démon » soviétique. Pendant des décennies, des intellectuels ont combattu le fantôme de Joseph Staline, multipliant les allusions contre les prétendues hordes de "doctrinaires" marxistes-léninistes, autant chez nous qu’à l’étranger.
Lors de la chute des gouvernements socialistes en Union soviétique et en Europe de l'Est, les cercles dirigeants des États-Unis se sont bien sûr réjouis de ces événements; il en fut également de même de certains secteurs qui se déclaraient pourtant de gauche. Cette chute ouvrait, selon ces gens qui se disaient de gauche, de nouvelles possibilités, un véritable renouveau. Ainsi délivrés pour toujours de l'infamie du "stalinisme", ces gens prétendaient que les forces de gauche pourraient enfin gagner en légitimité et en influence. Emballés par cette idée, ils semblaient ne pas se rendre compte du fait que la destruction du socialisme avait en fait déplacé le centre de gravité politique vers des orientations radicalement réactionnaires.
Plusieurs d'entre nous ont refusé de se joindre à ce mouvement qui regroupaient aussi bien des libéraux, des conservateurs et des réactionnaires de tout acabit, que des libertaires et des gauchistes qui semblaient alors tous et toutes saluer le retour de la "démocratie" du capitalisme monopoliste en Europe de l'Est. À l’époque, nous avions plutôt peur que cette chute devienne en fait une défaite historique pour les peuples du monde. Aujourd’hui, nous pouvons déjà voir que les fléaux que les communistes et leurs alliés avaient jusqu'alors repoussé se développent maintenant plus que jamais et prennent le dessus.
Le vingtième siècle a été, d'une certaine façon, une période de repli du Grand Capital. En 1900, les États-Unis et la plupart des autres pays capitalistes étaient semblables à ce que nous définissons aujourd'hui comme le "tiers monde". Les nations industrialisées se caractérisaient par une pauvreté généralisée, des taux élevés de chômage, de très bas salaires, l’utilisation à large échelle de la main-d'œuvre infantile, des journée de travail de 12 heures et des semaines de travail de six ou de sept jours, et une malnutrition et des maladies dues à la pauvreté et très répandues, telles que la tuberculose et la typhoïde. De plus, il n'y avait pas de services publics, pas de règlements de sécurité au travail, pas de normes de protection du consommateur, pas de mesures de protection de l'environnement. Ce n'est qu'au terme de décennies de luttes, surtout au cours des années 30 puis, de nouveau, après la Deuxième Guerre mondiale, que des progrès radicaux dans les conditions des travailleurs et des travailleuses ont pu être réalisés.
Le danger que constitue un bon exemple
L'un des facteurs qui aida alors les travailleurs et les travailleuses à arracher des concessions, était la « menace communiste ». Les leaders occidentaux, forcés de rivaliser avec les nations socialistes pour obtenir l'appui du peuple dans leur propre pays, n’avaient pas le choix sinon que de réduire les mauvais traitements qu'ils avaient jusqu'alors imposé aux masses laborieuses. Cela entraîna alors la mise en place de contrats sociaux. Malgré des luttes souvent très dures et certaines défaites, les travailleurs et les travailleuses purent ainsi obtenir des gains majeurs en matière de salaires, d'avantages sociaux et de services publics.
Aux États-Unis, vers la fin des années 40 et au cours des années 50, la classe dirigeante des États-Unis mit vraiment les bouchées doubles pour prouver aux travailleurs et aux travailleuses vivant sous le capitalisme que leur niveau de vie était plus élevé que celui de leurs confrères et consœurs vivant sous "le joug communiste". La bourgeoisie brandissait des statistiques visant à prouver que les prolétaires soviétiques devaient travailler beaucoup plus d'heures que nos travailleurs pour acheter les différents biens de consommation. Leurs comparaisons ne mentionnaient pas, cependant, les soins de santé, le logement, l'éducation, les transports et les autres services relativement coûteux dans les pays capitalistes mais considérablement subventionnés dans les pays socialistes. En fait, les gains réalisés par les travailleurs et les travailleuses de l'Occident découlaient pour une bonne part de la compétition mondiale qui existait alors entre le capitalisme et le communisme.
Cette compétition a également contribué à la lutte pour les droits civils. Au cours des années 50 et 60, alors que les leaders US rivalisaient avec Moscou pour gagner les cœurs et les esprits des non-blancs d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, l'idée comme quoi il était crucial de se débarrasser de la discrimination raciale et de permettre l'égalité aux personnes de couleur aux États-Unis était aussi dans bien des esprits. Nombre d'arguments opposés à la ségrégation raciale étaient basés sur la rhétorique opportuniste suivante : l'égalité raciale est nécessaire, pas pour promouvoir la justice mais pour améliorer l'image des États-Unis pendant la Guerre froide.
(voir suite ci-dessous)
Parenti sur l'après-communisme
Lors de la chute des gouvernements socialistes en Union soviétique et en Europe de l'Est, les cercles dirigeants des États-Unis se sont bien sûr réjouis de ces événements; il en fut également de même de certains secteurs qui se déclaraient pourtant de gauche. Cette chute ouvrait, selon ces gens qui se disaient de gauche, de nouvelles possibilités, un véritable renouveau. Ainsi délivrés pour toujours de l'infamie du "stalinisme", ces gens prétendaient que les forces de gauche pourraient enfin gagner en légitimité et en influence. Emballés par cette idée, ils semblaient ne pas se rendre compte du fait que la destruction du socialisme avait en fait déplacé le centre de gravité politique vers des orientations radicalement réactionnaires. …
Le texte qui suit est une traduction d'un article publié une première fois dans la revue américaine«Covert Action Quarterly» (numéro 72, printemps 02), puis republié une 2e fois dans le journal du Parti communiste du Canada (PCC), People's Voice , dans son édition du 1er octobre 2002.
Cette réflexion qui s’adressait au départ aux milieux progressistes aux États-Unis, vise d’abord et avant tout à remettre en cause certains dogmes qui demeurent encore très forts au sein des forces de gauche, y compris chez nous. C’est un texte qui, conséquemment, a toute sa pertinence dans les débats ici même, dans notre pays.
En plus d’avoir jusqu’ici publié de nombreux articles dans différentes revues de gauche, Michael Parenti a aussi écrit plusieurs livres dont : «The Terrorism Trap» (éditions City Lights), «To kill a Nation: the Attack on Yugoslavia» (éd. Verso) et “History as a Mystery” (ed. City Lights). La traduction du texte ci-dessous est de nous.
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Nous avons beaucoup entendu parler d'«effondrement» de l’Union soviétique au cours des dernières années alors que la véritable menace aujourd’hui réside dans les nombreux reculs sociaux que nous subissons un peu partout. À travers le monde, sous la conduite de ceux qui ont le pouvoir à Washington, les dirigeants conservateurs visent à éliminer nos conquêtes démocratiques et nos services publics, et à réduire le niveau de vie des gens à l’échelle de toute la planète.
Dans un contexte où l’anti-communisme est encore bien à la mode, il est de bon ton de se démarquer de ce que fut le « démon » soviétique. Pendant des décennies, des intellectuels ont combattu le fantôme de Joseph Staline, multipliant les allusions contre les prétendues hordes de "doctrinaires" marxistes-léninistes, autant chez nous qu’à l’étranger.
Lors de la chute des gouvernements socialistes en Union soviétique et en Europe de l'Est, les cercles dirigeants des États-Unis se sont bien sûr réjouis de ces événements; il en fut également de même de certains secteurs qui se déclaraient pourtant de gauche. Cette chute ouvrait, selon ces gens qui se disaient de gauche, de nouvelles possibilités, un véritable renouveau. Ainsi délivrés pour toujours de l'infamie du "stalinisme", ces gens prétendaient que les forces de gauche pourraient enfin gagner en légitimité et en influence. Emballés par cette idée, ils semblaient ne pas se rendre compte du fait que la destruction du socialisme avait en fait déplacé le centre de gravité politique vers des orientations radicalement réactionnaires.
Plusieurs d'entre nous ont refusé de se joindre à ce mouvement qui regroupaient aussi bien des libéraux, des conservateurs et des réactionnaires de tout acabit, que des libertaires et des gauchistes qui semblaient alors tous et toutes saluer le retour de la "démocratie" du capitalisme monopoliste en Europe de l'Est. À l’époque, nous avions plutôt peur que cette chute devienne en fait une défaite historique pour les peuples du monde. Aujourd’hui, nous pouvons déjà voir que les fléaux que les communistes et leurs alliés avaient jusqu'alors repoussé se développent maintenant plus que jamais et prennent le dessus.
Le vingtième siècle a été, d'une certaine façon, une période de repli du Grand Capital. En 1900, les États-Unis et la plupart des autres pays capitalistes étaient semblables à ce que nous définissons aujourd'hui comme le "tiers monde". Les nations industrialisées se caractérisaient par une pauvreté généralisée, des taux élevés de chômage, de très bas salaires, l’utilisation à large échelle de la main-d'œuvre infantile, des journée de travail de 12 heures et des semaines de travail de six ou de sept jours, et une malnutrition et des maladies dues à la pauvreté et très répandues, telles que la tuberculose et la typhoïde. De plus, il n'y avait pas de services publics, pas de règlements de sécurité au travail, pas de normes de protection du consommateur, pas de mesures de protection de l'environnement. Ce n'est qu'au terme de décennies de luttes, surtout au cours des années 30 puis, de nouveau, après la Deuxième Guerre mondiale, que des progrès radicaux dans les conditions des travailleurs et des travailleuses ont pu être réalisés.
Le danger que constitue un bon exemple
L'un des facteurs qui aida alors les travailleurs et les travailleuses à arracher des concessions, était la « menace communiste ». Les leaders occidentaux, forcés de rivaliser avec les nations socialistes pour obtenir l'appui du peuple dans leur propre pays, n’avaient pas le choix sinon que de réduire les mauvais traitements qu'ils avaient jusqu'alors imposé aux masses laborieuses. Cela entraîna alors la mise en place de contrats sociaux. Malgré des luttes souvent très dures et certaines défaites, les travailleurs et les travailleuses purent ainsi obtenir des gains majeurs en matière de salaires, d'avantages sociaux et de services publics.
Aux États-Unis, vers la fin des années 40 et au cours des années 50, la classe dirigeante des États-Unis mit vraiment les bouchées doubles pour prouver aux travailleurs et aux travailleuses vivant sous le capitalisme que leur niveau de vie était plus élevé que celui de leurs confrères et consœurs vivant sous "le joug communiste". La bourgeoisie brandissait des statistiques visant à prouver que les prolétaires soviétiques devaient travailler beaucoup plus d'heures que nos travailleurs pour acheter les différents biens de consommation. Leurs comparaisons ne mentionnaient pas, cependant, les soins de santé, le logement, l'éducation, les transports et les autres services relativement coûteux dans les pays capitalistes mais considérablement subventionnés dans les pays socialistes. En fait, les gains réalisés par les travailleurs et les travailleuses de l'Occident découlaient pour une bonne part de la compétition mondiale qui existait alors entre le capitalisme et le communisme.
Cette compétition a également contribué à la lutte pour les droits civils. Au cours des années 50 et 60, alors que les leaders US rivalisaient avec Moscou pour gagner les cœurs et les esprits des non-blancs d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, l'idée comme quoi il était crucial de se débarrasser de la discrimination raciale et de permettre l'égalité aux personnes de couleur aux États-Unis était aussi dans bien des esprits. Nombre d'arguments opposés à la ségrégation raciale étaient basés sur la rhétorique opportuniste suivante : l'égalité raciale est nécessaire, pas pour promouvoir la justice mais pour améliorer l'image des États-Unis pendant la Guerre froide.
(voir suite ci-dessous)
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