Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Les soldes en Algérie : Entre séduction et infractions

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Les soldes en Algérie : Entre séduction et infractions

    A l’approche de la rentrée, les étiquettes «Soldes» fleurissent sur les vitrines des commerces de prêt-à-porter. Mais fait-on vraiment de bonnes affaires ? Une brigade de contrôle de la direction du commerce y veille. El Watan Week-end a suivi ces inspecteurs qui passent leur journée dans les magasins.

    Dans l’enceinte de la section administrative de la circonscription de Sidi M’hamed, près de la place du 1er Mai, une brigade d’inspection se prépare à une nouvelle mission de contrôle en période des soldes, sous les ordres formulés, le jour même, de Mohamed Hadjal, chef du service des contrôles de la direction du commerce de la wilaya d’Alger. L’agent principal de contrôle fait une mise au point matinale : «L’arrêté du wali a fixé les deux périodes des soldes hivernale et estivale de cette année du 18 janvier au 28 février et du 21 juillet au 31 août. Ces périodes sont fixées de manière aléatoire et en fonction des wilayas.» Les représentants des syndicats des commerçants sont convoqués entre septembre et novembre chaque année, pour fixer ces dates avec le directeur du commerce de la wilaya pour une période de six semaines maximum.

    Pour obtenir l’autorisation, les commerçants doivent fournir un dossier complet qui doit prouver que les pièces qui seront soldées ont bien été acquises trois mois avant le début de la période des soldes. L’autorisation est remise par chaque circonscription dans un délai d’environ quatre jours. Elle doit être affichée en vitrine à la vue des inspecteurs. «Si la réglementation n’est pas respectée, nous convoquons le commerçant et nous le verbalisons. Nous donnons un délai d’un mois à quarante jours pour payer le procès-verbal de constat et d’audition. Au-delà de cette limite, le service du contentieux de la Direction des prix et de la concurrence (DCP) transmettra l’amende du commerçant au parquet pour faire l’objet d’une poursuite judiciaire», affirme l’agent de contrôle.La DCP de chaque wilaya doit annoncer les périodes des soldes sur les panneaux d’affichage des APC et des wilayas. L’Union générale des commerçants et des artisans algériens (UGCAA) doit, quant à elle, organiser de son côté des journées de sensibilisation.

    100% UK

    Il est 11h, les quatre membres de l’équipe de contrôle prennent la direction du quartier Meissonnier (Alger-Centre). A l’entrée d'un mini-bazar, un commerçant affiche en lettres rouges «Soldes 40% - 100% UK». L’inspecteur présente sa carte professionnelle et constate de suite une première infraction. Le vendeur, gêné, affirme qu’il tente d’écouler son stock en urgence, car son magasin devait fermer dans moins de 48 heures, sur ordre des autorités : «J’ai réduit le prix presque de moitié. Parfois les clients négocient, alors je baisse le prix davantage.» Le vendeur a le droit de fixer librement ses prix et ses remises. Cependant, si ses affiches signalent une réduction de 30%, il n’a pas le droit de faire des réductions inférieures. L’inspecteur et l’une de ses collègues font le tour des rayons. Nouvelle infraction : les étiquettes n’indiquent pas le prix avant promotion et le prix soldé. «Je ne savais pas que c’était une infraction», se justifie le commerçant. «Convoquez-le», demande l’agent à l’inspectrice. Rendez-vous fixé au lendemain. D’ici là, l’inspecteur exige que les affiches soient retirées. En face, une boutique de vêtements pour adolescents propose 15% de réduction offerts aux lauréats des examens de 6e, du BEM et du bac. «Ce ne sont pas des soldes, c’est une promotion», explique un jeune vendeur présent sur place. «Vous devez donc avoir une autorisation», rétorque l’agent.

    Négligence

    Les ventes promotionnelles peuvent être effectuées toute l’année, mais le commerçant doit choisir une période et obtenir une autorisation. Seules 14 autorisations ont été données au 13 aoû 2013 par la DCP dans la wilaya d’Alger, selon un membre des services de contrôle. Plus loin, sur un étalage, des vêtements pour femmes sont étiquetés avec deux prix différents. Sur le portant, un panneau indique «tout à 1400 DA». «On m’a déjà verbalisée trois fois pour défaut d’affichage de prix», avoue la vendeuse qui retire les étiquettes superflues. Elle ne sera pas verbalisée. Après trois heures d’inspection et moins d’une dizaine de magasins contrôlés, trois propriétaires de magasins ont été convoqués. Les commerçants en règle n'ont pas eu néanmoins à présenter la liste des articles soldés pour un contrôle complet. «Si le commerçant a une autorisation, cela signifie que nous avons les documents nécessaires. On voit bien que ces gens sont en règle, nous sommes assez expérimentés pour le constater», affirme l’inspecteur. Mais certains estiment que les contrôles doivent être renforcés. «Il faut que les autorités exigent que les commerçants affichent la liste des prix. C’est un gage d’honnêteté et un document essentiel.

    Autrement, toutes les arnaques sont possibles : les prix peuvent être gonflés et réduits à nouveau», affirme Mahfoud Harzelli, président de l’Union nationale de la protection du consommateur en Algérie. L’association effectue ses propres contrôles et signale une dizaine d’infractions par an. «La situation s’est améliorée mais il y a encore des vendeurs qui font des soldes en dehors des périodes réglementaires», ajoute-t-il. La réglementation des soldes a été mise en œuvre à l’initiative de l’Etat pour réguler une pratique qui, jusque-là, relevait du secteur de l’informel. Pourtant, les commerçants ne l’utilisent que rarement. «Ce sont souvent les grandes firmes internationales du prêt-à-porter qui soldent leurs produits. Les petits commerces que vous avez observés rue Didouche ont un capital important», affirme Mohamed Djahal.

    6 conseils pour de bonnes affaires :

    - Vérifiez le bon affichage des prix (prix initial, prix en solde)
    - Vérifiez si le commerçant applique bien la promotion minimale affichée en vitrine de magasin (en dessous de ce pourcentage aucune remise ne peut être effectuée).
    - Vérifiez le bon état du produit
    - Exigez une facture comme la loi du 23 juin 2004 le prescrit. Ce document, encore absent chez les commerçants, permet d’avoir une traçabilité de la vente en cas d’échange, de remboursement et de plainte.
    - Le commerçant ne peut pas exiger le non-remboursement ou le refus d’échanger un produit acheté, l’échange et le remboursement sont un droit du consommateur à condition que le produit rendu soit en bon état.
    - Assurez-vous que si le produit est importé, il est accompagné d’un étiquetage spécifique (en arabe) mentionnant les informations sur l’importateur et la provenance du produit.

    Mustapha Zebdi. Président de l’Association algérienne de protection et d’orientation du consommateur : Les soldes en Algérie, c’est avant tout une histoire de crédibilité

    - La réglementation des soldes n’est pas encore bien respectée en Algérie, les commerçants sont-ils bien informés ?


    On assimile souvent les soldes à une opération de réduction de prix et non à une saison réglementée. Les consommateurs poursuivent leurs achats dans le marché de l’informel, et du côté des commerçants, on ignore encore que les soldes sont régies par un décret. Certains d’entre eux font même des soldes en dehors des périodes prescrites et prévoient seulement une petite marge bénéficiaire afin d’évacuer les invendus. Face à ce problème, il incombe à l’UGCAA de transmettre des informations claires et rapides aux commerçants et de les sensibiliser chaque année sur le sujet. Il y a certes une réglementation, mais il faut que les institutions concernées par le problème cessent de se contenter d’un verre à moitié vide.

    - Après sept années de réglementation, quel constat faites-vous sur les soldes en Algérie ?


    En Algérie, on manque de cette culture des soldes pour plusieurs raisons. Dans les agglomérations éloignées des grandes villes et à l’intérieur du pays, là où vit une bonne partie de la population algérienne, la culture des soldes est quasiment absente. En général, les commerçants gardent leur stock initial pour l’écouler l’année suivante. Dans les grandes villes, seul un secteur restreint, principalement celui du prêt-à-porter, fait des soldes et une minorité de commerçants sont concernés. Ces derniers usent par ailleurs de la mention «Soldes» à coups de pourcentage pour attirer la clientèle, alors que les consommateurs, de leur côté, ne constatent pas une réelle diminution des prix. Et s’il y a une diminution, les articles ne sont plus à la mode ou quelques produits seulement font l’objet de remises.

    - Quelles sont les réactions des consommateurs face à ce constat ?

    Les soldes, c’est avant tout une histoire de crédibilité, et pour l’instant, de nombreux acheteurs trouvent l’histoire des soldes en Algérie peu crédible. De vraies soldes, c’est trouver des prix moins chers que la saison précédente sur des articles qui restent dans la tendance du moment. Pour que cette transaction soit convaincante, il faut qu’elle se fasse dans les règles de l’art, sinon les consommateurs assimileront cette période à une vague de publicités mensongères et non à une pratique basée sur un intérêt mutuel entre le commerçant et le consommateur.

    Feriel Kolli - El watan
Chargement...
X