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Guedila, oasis de montagne (Biskra) Une histoire d’eau

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  • Guedila, oasis de montagne (Biskra) Une histoire d’eau

    Cette partie de la wilaya de Biskra est riche en ressources hydrauliques et en mines à ciel ouvert de terre argileuse. Mais elle recèle aussi un potentiel encore inexploité : le tourisme qui en est encore à ses premiers balbutiements.


    Si vous n’êtes jamais venu à Guedila, alors elle est sûrement venue à vous à travers son eau minérale. Disposant d’une nappe souterraine «intarissable», selon des hydrauliciens, cette localité rattachée à la commune de Djemorah, située à 30 km au nord de Biskra, recèle en effet un immense réservoir souterrain de la plus pure des eaux. Celle-ci est exploitée par un opérateur privé qui en inonde le marché. Les camions de transport des grossistes et revendeurs affluent par dizaines par la RN87 pour approvisionner toutes les wilayas du pays.

    A l’ouest de Guedila, près de Taref, à une dizaine de kilomètres à vol d’oiseau, une noria de camions de gros tonnage vont et viennent pour charger leur benne de terre rouge et alimenter les briqueteries de la région. Cette partie de la wilaya de Biskra est riche en ressources hydrauliques et en mines à ciel ouvert de terre argileuse. Mais elle recèle aussi un potentiel encore inexploité : le tourisme qui en est encore à ses premiers balbutiements. Pour Belgacem Bessem, président de l’Association de promotion et de développement du tourisme, cette oasis de montagne à l’ineffable beauté est encore en friche.

    Il se démène depuis des années pour attirer des visiteurs nationaux et étrangers et faire de Guedila, Beni Souik, Maourou et Djamorah, des destinations touristiques de premier choix. Même l’absence d’infrastructures hôtelières ne lui fait pas peur. L’authenticité des lieux, les paysages bucoliques et l’amabilité des habitants de cette région et leur sens inné de l’hospitalité suppléent, selon lui, cette déficience. Chaque famille est en effet heureuse et fière de recevoir des visiteurs. Malheureusement, la période estivale est synonyme de torpeur et de vie au ralenti. Personne n’y vient et tous ceux qui peuvent partir le font, se désole-t-il. Une situation déplorable pour notre interlocuteur.

    Bien que l’intérieur du pays compte une multitude de sites et de lieux présentant un indéniable intérêt touristique, historique et archéologique, les Algériens associent invariablement les vacances estivales à la mer et à un séjour sur le littoral. Pour une fois, laissons donc le Nord aux amateurs de baignades méditerranéennes et allons visiter Guedila, un hameau ancestral de quelque 4000 âmes, qui est situé en contrebas de la légendaire chaîne des Aurès», proposera-t-il.

    Tout en déambulant à travers les ruelles désertes du village envahies par les odeurs succulentes de galettes cuites sur des tawa traditionnelles et dans les jardins luxuriants d’où se dégage une impression de sérénité et de paix, aptes à revigorer le plus dépressif des citadins, notre guide, érudit et consciencieux, donne un cours magistral sur la sociologie, l’histoire de la région et les espérances de ses habitants, effleurant le rêve que leur village soit promu au rang de commune à part entière.


    Des rites, des bendirs et des flûtes



    Occupée par les vaillants hommes de la tribu des Ouled Ziane, qui serait arrivée de Tlemcen pour s’implanter dans cette région il y a des siècles, et des Touaba, branche des fiers chaouis aurésiens, cette contrée a payé un lourd tribut non seulement durant la guerre de Libération nationale mais aussi pendant la décennie noire. La saga historique des Ouled Ziane et des Touaba est inscrite dans la mémoire collective. Les plus anciens se souviennent des affres du colonialisme, les plus jeunes évoquent les années 1990 de la terreur. N’ayant d’autre alternative que de s’unir contre l’occupation française et ensuite contre les hordes fanatiques. Ces deux tribus ont forgé de remarquables liens de solidarité et d’entraide qu’il est bon de rappeler en ces temps où les accointances claniques et les schismes entre les communautés se font de plus en plus menaçants pour la cohésion sociale.

    Ici, la touiza (activité collective pour bâtir une maison, semer un champ ou récolter des abricots) est encore pratiquée. Même si l’esprit tribal et l’instinct grégaire se sont lentement désagrégés sous l’effet de l’apparition de la multitude de partis politiques créés depuis les années 1990 et de nouveaux référents idéologiques véhiculés par les médias satellitaires, le sentiment d’appartenance à une communauté ayant ses propres codes de fonctionnement et ses rites ancestraux, demeure vivace au sein des habitants de ce village. Les chefs coutumiers se réunissent pour régler telle ou telle affaire, discuter des préoccupations de la communauté et transmettre celles-ci aux autorités compétentes. Faisant preuve de mansuétude, de compréhension et de longanimité envers les «contrevenants» aux règles de bonne conduite morale et après de longues palabres, on arrive toujours à trouver un terrain d’entente.

    La famille d’un voleur sera mise à l’amende, celle d’un chauffard ayant causé des blessures ou la mort d’une personne devra s’acquitter auprès de la famille de la victime d’une somme d’argent évaluée en fonction de la gravité des blessures. Un couple illégitime ayant fugué pour clandestinement convoler en noces sera lui sommé de régulariser au plus vite sa situation, tandis qu’un individu poursuivi par la justice aura toute l’aide pour s’acquitter des frais d’avocat. Ainsi, sont réglés les litiges et conflits sociaux. Le recours aux tribunaux, aux assurances et autres médiateurs étatiques restent l’exception sous ces latitudes. Seule attraction venant briser le déroulement monotone des jours, les fêtes de mariage qui s’étalent sur plusieurs jours et auxquelles toute la tribu est conviée de facto, sans avoir besoin d’y être invitée.

    Bombance !

    Les familles des futurs époux égorgent des chèvres, des moutons et un nombre incalculable de poulets pour satisfaire l’appétit des convives affluant de Biskra, Branis, Bordj Rose (Fontaine des Gazelles), de Tazoult dans la wilaya de Batna, villes où les membres du clan se sont établis. «L’aire d’influence des Ouled Ziane chevauche sur tout le nord de la wilaya de Biskra jusqu’au sud de Batna en passant pas Oued Taga et Menâa», précise fièrement notre guide.


    Le soir, après avoir fait bombance, les invités assistent à des représentations de rahaba, groupes traditionnels de musique qui enflamment l’assistance avec leurs mélopées lancinantes, sirupeuses ou entraînantes de bendirs et de flûtes traditionnelles (jawak) exécutées avec brio par des musiciens en habits traditionnels. En sarabandes endiablées, ils glorifient, de leur voix aiguë, la geste du Prophète, l’amour, le courage, la résistance et le patriotisme. Une matière immatérielle dénotant du génie musical de cette tribu que Belgacem Bessem veut préserver de la disparition en procédant à des enregistrements numériques pour montrer que Guedila, ce n’est pas seulement de l’eau minérale, fera-t-il
    remarquer. 

    Hafedh Moussaoui-El Watan
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