Salam âalakoum,
Salut à tous.
Je propose ici, au fur et à mesure, un texte tiré du livre de Claude Hagège , Halte à la mort des langues aux éditions Odile Jacob.
Le livre est disponible également pour quelques euros au format de poche.
Claude Hagège est chercheur en linguistique, professeur au Collège de France et médaille d’or du CNRS en 1995.
Cet auteur explique rationnellement le processus de la mort des langues. Je retrouve dans ce qu’il dit beaucoup d’étapes de ce processus d’extinction que je connais, intuitivement et informelement, dans mon environnement familliale proche.
Cette ouvrage doit être lu par chaque un d’autres nous( mêmes les arabophones) pour comprendre le sort qui attend la langue de nos ancêtres si on se dépêche pas de lui garantir les conditions de sa survie.
Nous avons assez souffert de l'arabisme, et nous en souffrant encore, et nous voulons plus du « francophonisme » , cet autre fossoyeur de la langue de nos aïeuls.
J’entends par arabisme l’idéologie baâthiste et par francophonisme celle ( culturelle) du colonialisme ( et du néo- colonialisme )Français.
« Et parmi Ses signes la création des cieux et de la terre et la variété de vos idiomes et de vos couleurs. Il y a en cela des preuves pour les savants. »Coran Sourate 30 : AR-RUM (LES ROMAINS)-Aya 22
Sadaqa aLlah alAdim
La notion d'extinction, plus métaphorique que celle de disparition, évoque adéquatement, pour l'imagination, ce que peut signifier le phénomène. Il s'agit d'un retrait total de la scène, concomitant, par définition, de celui des dern niers locuteurs, qui s'éteignent sans descendance. L'extinction d'une langue est donc celle des derniers vieillards qui la balbutiaient encore, ou parfois celle de toute la communauté qui la parlait, quels que soient les âges. L'extinction s'achève en substitution lorsque, ainsi qu'il arrive très fréquemment, les générations suivantes abandonnent complètement la langue dont il s'agit, et en adoptent une autre.
On peut donc dire qu'une langue est éteinte quand elle n'a plus de locuteurs de naissance, c'est-à-dire d'utilisateurs qui l'apprennent depuis le début de leur vie dans le milieu familial et social, et auxquels cet apprentissage confère ce qu'on peut appeler une compétence native ; cette dernière est elle-même définie comme une connaissance complète et une capacité d'usage spontané, qui font de la langue considérée un instrument de communication propre à toutes les circonstances de la vie quotidienne. Dans une telle perspective, une langue vivante sera définie comme celle d'une communauté qui renouvelle d'elle-même ses locuteurs de naissance ; et une langue morte, si l'on choisit de conserver ce terme, sera celle d'une communauté où la compétence native a totalement disparu, dans la mesure où les locuteurs de naissance n'ont transmis qu'imparfaitement leur savoir, leurs descendants transmettant à leur
tour une aptitude de plus en plus faible à parler et à comprendre l'idiome du groupe.
Deux conséquences peuvent être tirées de ces définitions. En premier lieu, l'implication individuelle de la notion de mort est ici absente. La mort d'une langue n'est certes pâs celle d'une communauté physique, puisqu'une société humaine qui abandonne une langue pour une autre ne meurt pas elle-même pour autant. Mais la mort d'une langue est un phénomène collectif. C'est le corps social tout entier qui cesse de parler cette langue. Même s'il est vrai que la mort des derniers locuteurs de naissance est un phénomène individuel, on doit considérer que l'extinction d'une langue qui disparaît avec eux est celle d'une communauté linguistique.
En second lieu, les derniers locuteurs de naissance à partir desquels s'amorce le processus d'extinction peuvent se trouver dans deux situations différentes : ils sont soit dans l'espace d'origine, où la langue est parlée comme patrimoine autochtone, soit dans un lieu d'immigration, où une communauté déplacée la conserve encore au sein d'un environnement qui parle une autre ou plusieurs autres langues. Une langue peut donc s'éteindre in situ, mais elle peut aussi s'éteindre en diaspora ; ce dernier cas est illustré par les exemples de communautés d'origine norvégienne ou hongroise vivant aux États-Unis depuis un siècle ou davantage, et chez lesquelles le norvégien ou le hongrois est, selon les individus, soit éteint, soit menacé
d'extinction.
L'EXTINCTION PAR ÉTAPES
Dans ce qui suit, je tenterai de caractériser les étapes d'un processus dont l'aboutissement dernier est la mort d'une langue. Je parlerai de précarisation à propos des étapes initiales, et d'obsolescence à propos des étapes antérieures à l'issue ultime. Pour référer d'une manière plus générale à l'ensemble du processus, j'emploierai d'autres notions, comme celle de délabrement, ou, prises méta riquement à partir de la géologie et du droit, celles d'érosion et de déshérence.
Le défaut de transmission normale
Manque total ou partiel d'éducation dans la langue autochtone
Le fait qu'une langue cesse d'être transmise aux enfants comme elle l'est dans ses conditions naturelles de vie est l'indice d'une précarisation importante. Dans de nombreux cas, les parents, pour des raisons qui seront examinées plus bas, ne sont pas spontanément portés à enseigner à leurs enfants, par un moyen aussi simple que de la parler avec eux à l'exclusion de toute autre, la langue de la communauté. Cela ne signifie pas qu'ils renoncent entièrement à l'utiliser dans le cadre de l'éducation. Certains néanmoins sont bien dans ce cas, et l'on peut parler alors d'un défaut radical de transmission. Dans d'autres familles, le défaut de transmission n'est que partiel. Mais d'une part les éléments qu'enseignent les parents sont insuffisants, d'autre part, en n'assurant pas une transmission commençant dès le plus jeune âge comme il est courant pour toute langue vivante, ils lèguent des connaissances que leurs enfants n'acquièrent pas d'une façon continue.
L'absence de continuité implique, pour certains aspects de la langue, une acquisition trop tardive, c'est-à-dire intervenant à un âge, entre- l'enfance et la préadolescence, où l'avidité d'écoute et d'apprentissage est en train de décroître, et où s'amorce une stabilisation sélective, sinon une sclérose, d'une partie des aptitudes neurologiques d'attention et d'assimilation (cf. Hagège 1996 a, chap. I et II). Par un fâcheux concours, cet âge est aussi celui où, précisément, les enfants s'intéressent de plus en plus à la langue ou aux langues, autres que celle de la communauté, qui sont présentes dans l'environnement, proche ou même
lointain.
L'absence d'enfants parmi les locuteurs d'une langue comme signe annonciateur de sa mort
Une langue que parlent uniquement les adultes d'une communauté, tandis que les enfants n'en connaissent qu'une autre ou d'autres étrangères à cette communauté n'est pas condamnée à mort d'une manière immédiate ni certaine. Entre eux, les adultes les plus jeunes s'en serviront encore, en principe, jusqu'à la fin de leur vie. Et d'autre part, la fondation d'écoles où puissent l'apprendre les enfants à qui elle ri est pas transmise dans leur milieu familial reste toujours possible.' Dans la plupart des cas connus, néanmoins, cette absence de jeunes locuteurs est à considérer comme un pronostic sombre pour la survie de la langue (cf. p. 190, où elle est utilisée comme discriminant).
Salut à tous.
Je propose ici, au fur et à mesure, un texte tiré du livre de Claude Hagège , Halte à la mort des langues aux éditions Odile Jacob.
Le livre est disponible également pour quelques euros au format de poche.
Claude Hagège est chercheur en linguistique, professeur au Collège de France et médaille d’or du CNRS en 1995.
Cet auteur explique rationnellement le processus de la mort des langues. Je retrouve dans ce qu’il dit beaucoup d’étapes de ce processus d’extinction que je connais, intuitivement et informelement, dans mon environnement familliale proche.
Cette ouvrage doit être lu par chaque un d’autres nous( mêmes les arabophones) pour comprendre le sort qui attend la langue de nos ancêtres si on se dépêche pas de lui garantir les conditions de sa survie.
Nous avons assez souffert de l'arabisme, et nous en souffrant encore, et nous voulons plus du « francophonisme » , cet autre fossoyeur de la langue de nos aïeuls.
J’entends par arabisme l’idéologie baâthiste et par francophonisme celle ( culturelle) du colonialisme ( et du néo- colonialisme )Français.
« Et parmi Ses signes la création des cieux et de la terre et la variété de vos idiomes et de vos couleurs. Il y a en cela des preuves pour les savants. »Coran Sourate 30 : AR-RUM (LES ROMAINS)-Aya 22
Sadaqa aLlah alAdim
L'EXTINCTION DES LANGUES
La notion d'extinction, plus métaphorique que celle de disparition, évoque adéquatement, pour l'imagination, ce que peut signifier le phénomène. Il s'agit d'un retrait total de la scène, concomitant, par définition, de celui des dern niers locuteurs, qui s'éteignent sans descendance. L'extinction d'une langue est donc celle des derniers vieillards qui la balbutiaient encore, ou parfois celle de toute la communauté qui la parlait, quels que soient les âges. L'extinction s'achève en substitution lorsque, ainsi qu'il arrive très fréquemment, les générations suivantes abandonnent complètement la langue dont il s'agit, et en adoptent une autre.
On peut donc dire qu'une langue est éteinte quand elle n'a plus de locuteurs de naissance, c'est-à-dire d'utilisateurs qui l'apprennent depuis le début de leur vie dans le milieu familial et social, et auxquels cet apprentissage confère ce qu'on peut appeler une compétence native ; cette dernière est elle-même définie comme une connaissance complète et une capacité d'usage spontané, qui font de la langue considérée un instrument de communication propre à toutes les circonstances de la vie quotidienne. Dans une telle perspective, une langue vivante sera définie comme celle d'une communauté qui renouvelle d'elle-même ses locuteurs de naissance ; et une langue morte, si l'on choisit de conserver ce terme, sera celle d'une communauté où la compétence native a totalement disparu, dans la mesure où les locuteurs de naissance n'ont transmis qu'imparfaitement leur savoir, leurs descendants transmettant à leur
tour une aptitude de plus en plus faible à parler et à comprendre l'idiome du groupe.
Deux conséquences peuvent être tirées de ces définitions. En premier lieu, l'implication individuelle de la notion de mort est ici absente. La mort d'une langue n'est certes pâs celle d'une communauté physique, puisqu'une société humaine qui abandonne une langue pour une autre ne meurt pas elle-même pour autant. Mais la mort d'une langue est un phénomène collectif. C'est le corps social tout entier qui cesse de parler cette langue. Même s'il est vrai que la mort des derniers locuteurs de naissance est un phénomène individuel, on doit considérer que l'extinction d'une langue qui disparaît avec eux est celle d'une communauté linguistique.
En second lieu, les derniers locuteurs de naissance à partir desquels s'amorce le processus d'extinction peuvent se trouver dans deux situations différentes : ils sont soit dans l'espace d'origine, où la langue est parlée comme patrimoine autochtone, soit dans un lieu d'immigration, où une communauté déplacée la conserve encore au sein d'un environnement qui parle une autre ou plusieurs autres langues. Une langue peut donc s'éteindre in situ, mais elle peut aussi s'éteindre en diaspora ; ce dernier cas est illustré par les exemples de communautés d'origine norvégienne ou hongroise vivant aux États-Unis depuis un siècle ou davantage, et chez lesquelles le norvégien ou le hongrois est, selon les individus, soit éteint, soit menacé
d'extinction.
L'EXTINCTION PAR ÉTAPES
Dans ce qui suit, je tenterai de caractériser les étapes d'un processus dont l'aboutissement dernier est la mort d'une langue. Je parlerai de précarisation à propos des étapes initiales, et d'obsolescence à propos des étapes antérieures à l'issue ultime. Pour référer d'une manière plus générale à l'ensemble du processus, j'emploierai d'autres notions, comme celle de délabrement, ou, prises méta riquement à partir de la géologie et du droit, celles d'érosion et de déshérence.
Le défaut de transmission normale
Manque total ou partiel d'éducation dans la langue autochtone
Le fait qu'une langue cesse d'être transmise aux enfants comme elle l'est dans ses conditions naturelles de vie est l'indice d'une précarisation importante. Dans de nombreux cas, les parents, pour des raisons qui seront examinées plus bas, ne sont pas spontanément portés à enseigner à leurs enfants, par un moyen aussi simple que de la parler avec eux à l'exclusion de toute autre, la langue de la communauté. Cela ne signifie pas qu'ils renoncent entièrement à l'utiliser dans le cadre de l'éducation. Certains néanmoins sont bien dans ce cas, et l'on peut parler alors d'un défaut radical de transmission. Dans d'autres familles, le défaut de transmission n'est que partiel. Mais d'une part les éléments qu'enseignent les parents sont insuffisants, d'autre part, en n'assurant pas une transmission commençant dès le plus jeune âge comme il est courant pour toute langue vivante, ils lèguent des connaissances que leurs enfants n'acquièrent pas d'une façon continue.
L'absence de continuité implique, pour certains aspects de la langue, une acquisition trop tardive, c'est-à-dire intervenant à un âge, entre- l'enfance et la préadolescence, où l'avidité d'écoute et d'apprentissage est en train de décroître, et où s'amorce une stabilisation sélective, sinon une sclérose, d'une partie des aptitudes neurologiques d'attention et d'assimilation (cf. Hagège 1996 a, chap. I et II). Par un fâcheux concours, cet âge est aussi celui où, précisément, les enfants s'intéressent de plus en plus à la langue ou aux langues, autres que celle de la communauté, qui sont présentes dans l'environnement, proche ou même
lointain.
L'absence d'enfants parmi les locuteurs d'une langue comme signe annonciateur de sa mort
Une langue que parlent uniquement les adultes d'une communauté, tandis que les enfants n'en connaissent qu'une autre ou d'autres étrangères à cette communauté n'est pas condamnée à mort d'une manière immédiate ni certaine. Entre eux, les adultes les plus jeunes s'en serviront encore, en principe, jusqu'à la fin de leur vie. Et d'autre part, la fondation d'écoles où puissent l'apprendre les enfants à qui elle ri est pas transmise dans leur milieu familial reste toujours possible.' Dans la plupart des cas connus, néanmoins, cette absence de jeunes locuteurs est à considérer comme un pronostic sombre pour la survie de la langue (cf. p. 190, où elle est utilisée comme discriminant).
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