Mahjoub Tobji a intégré au début des années 60 l’armée du royaume qu’il servira dans les écoles comme instructeur, mais aussi au Golan lors de la guerre israélo-arabe et au Sahara occidental. Lors de sa carrière, il a servi aussi comme aide de camp du roi Hassan II et côtoyé les puissants généraux qu’ont été Oufkir et Dlimi ou qu’est toujours Housni Benslimane, le patron de la gendarmerie. Il connaît bien les intrigues de la cour qui lui ont valu d’être emprisonné avant de fuir et de revenir dans son pays après une étonnante rencontre avec le roi en décembre 1985 à Paris. Il a échappé à des tentatives de liquidation.
À son retour au Maroc, il n’aura plus jamais de fonction jusqu’à sa retraite en 2003 avec les galons de commandant. Ses désillusions ont produit les Officiers de Sa Majesté, un livre qui donne un éclairage inédit sur le royaume où le roi n’est finalement qu’une potiche agitée par des généraux incompétents et surtout corrompus. Le défunt Hassan II n’est d’ailleurs pas étranger à cette boulimie. Après avoir survécu à une deuxième tentative de coup d’État, il a conseillé à ses galonnés de ne pas faire de politique mais des affaires. Message entendu. Mais moins futé que le laisse croire sa réputation, le roi s’est en réalité retrouvé piégé. C’est le coup d’État permanent réussi par Dlimi dans les années 1970 et perpétué par Benslimane depuis les années 80.
La liquidation du général Dlimi en 1983 n’était pas destinée à le punir de ses visées putschistes. En fait, il payait pour des raisons sordides. Pour mieux tenir un de ses subordonnés, il l’avait jeté dans les bras d’une femme du palais....
“L’armée est devenue une officine où tout se vend et tout s’achète, même les âmes”. C’est le terrible constat auquel est parvenu le commandant Tobji. Et la guerre du Sahara occidental a donné “un extraordinaire coup de fouet à ce mercantilisme naissant”.
La proximité des îles Canaries a permis aux uns de s’adonner à tous les trafics et d’amasser des fortunes colossales. Et si la guerre perdure, c’est bien pour perpétuer ces trafics. Car, au front, point de bravoure. “De tout temps, le Polisario est resté maître de la manœuvre, choisissant le lieu et l’heure pour attaquer à sa guise, tandis que nous nous contentions de réagir”, écrit l’officier.
Quand le Polisario fait plus de 2 000 prisonniers, il n’en perd que quelques-uns. Au tapis, les soldats marocains se comptent par milliers. Pendant ce temps, “le monarque se trouvait dans le noir le plus complet et ne savait que ce qu’on voulait bien lui dire”. Que faire ? Les hauts gradés ont recours aux “méthodes basse police” consistant à tenter d’acheter les Sahraouis. En retour, que de l’aversion. “Au Sahara, nous avons payé chèrement les dérapages et dérives de la plupart des responsables militaires dont le premier souci était l’appât du gain. Ils ont consacré toute leur ingéniosité, tout leur savoir à amasser des fortunes en trafiquant avec les îles Canaries, en rognant sur tout ce qu’ils pouvaient”.
Sur le terrain de la guerre, ce ne sont que “débandade” et “fuite éperdue”. Même après la construction du “mur de défense” (Jérusalem avant l’heure), le Polisario a pu détruire ou forcer presque aussi souvent qu’il le voulait des portions de cette ligne de défense.
Dire que le Maroc a gagné la guerre est “inexact”, juge le commandant Tobji. Cinquante ans après l’indépendance du Maroc, le constat est terrible : “Une armée en décomposition, plus affairiste que jamais, dont les chefs s’enrichissent de manière outrancière et dont une partie de la troupe se drogue, n’est plus en mesure d’accomplir sa mission première, à savoir assurer la défense de la patrie”.
Comme son père, le jeune roi est l’otage de la hiérarchie militaire. Le limogeage de Basri, puissant ministre de l’Intérieur de Hassan II, n’était qu’un leurre. Basri était l’affidé de Benslimane qui l’avait sacrifié pour soigner la vitrine du jeune roi.
Rachid B
À son retour au Maroc, il n’aura plus jamais de fonction jusqu’à sa retraite en 2003 avec les galons de commandant. Ses désillusions ont produit les Officiers de Sa Majesté, un livre qui donne un éclairage inédit sur le royaume où le roi n’est finalement qu’une potiche agitée par des généraux incompétents et surtout corrompus. Le défunt Hassan II n’est d’ailleurs pas étranger à cette boulimie. Après avoir survécu à une deuxième tentative de coup d’État, il a conseillé à ses galonnés de ne pas faire de politique mais des affaires. Message entendu. Mais moins futé que le laisse croire sa réputation, le roi s’est en réalité retrouvé piégé. C’est le coup d’État permanent réussi par Dlimi dans les années 1970 et perpétué par Benslimane depuis les années 80.
La liquidation du général Dlimi en 1983 n’était pas destinée à le punir de ses visées putschistes. En fait, il payait pour des raisons sordides. Pour mieux tenir un de ses subordonnés, il l’avait jeté dans les bras d’une femme du palais....
“L’armée est devenue une officine où tout se vend et tout s’achète, même les âmes”. C’est le terrible constat auquel est parvenu le commandant Tobji. Et la guerre du Sahara occidental a donné “un extraordinaire coup de fouet à ce mercantilisme naissant”.
La proximité des îles Canaries a permis aux uns de s’adonner à tous les trafics et d’amasser des fortunes colossales. Et si la guerre perdure, c’est bien pour perpétuer ces trafics. Car, au front, point de bravoure. “De tout temps, le Polisario est resté maître de la manœuvre, choisissant le lieu et l’heure pour attaquer à sa guise, tandis que nous nous contentions de réagir”, écrit l’officier.
Quand le Polisario fait plus de 2 000 prisonniers, il n’en perd que quelques-uns. Au tapis, les soldats marocains se comptent par milliers. Pendant ce temps, “le monarque se trouvait dans le noir le plus complet et ne savait que ce qu’on voulait bien lui dire”. Que faire ? Les hauts gradés ont recours aux “méthodes basse police” consistant à tenter d’acheter les Sahraouis. En retour, que de l’aversion. “Au Sahara, nous avons payé chèrement les dérapages et dérives de la plupart des responsables militaires dont le premier souci était l’appât du gain. Ils ont consacré toute leur ingéniosité, tout leur savoir à amasser des fortunes en trafiquant avec les îles Canaries, en rognant sur tout ce qu’ils pouvaient”.
Sur le terrain de la guerre, ce ne sont que “débandade” et “fuite éperdue”. Même après la construction du “mur de défense” (Jérusalem avant l’heure), le Polisario a pu détruire ou forcer presque aussi souvent qu’il le voulait des portions de cette ligne de défense.
Dire que le Maroc a gagné la guerre est “inexact”, juge le commandant Tobji. Cinquante ans après l’indépendance du Maroc, le constat est terrible : “Une armée en décomposition, plus affairiste que jamais, dont les chefs s’enrichissent de manière outrancière et dont une partie de la troupe se drogue, n’est plus en mesure d’accomplir sa mission première, à savoir assurer la défense de la patrie”.
Comme son père, le jeune roi est l’otage de la hiérarchie militaire. Le limogeage de Basri, puissant ministre de l’Intérieur de Hassan II, n’était qu’un leurre. Basri était l’affidé de Benslimane qui l’avait sacrifié pour soigner la vitrine du jeune roi.
Rachid B
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