2 septembre 2013 – Pour le titre de ce commentaire général à partir d’un fait évidemment stupéfiant, nous avons beaucoup hésité avant de nous replier derrière la référence célèbre mais anecdotique du Préfet Pontius Pilatus à propos du sort de Jésus de Nazareth. Cela aurait pu être “Transmission de la patate chaude”, ou bien simplement un “On ferme” qui aurait aussi bien concerné le rôle du président que, plus largement, l’exercice de la puissance faussaire de l’Empire en plein processus de détricotage. Pour le reste, il s’agit, comme cela a été précisé, d’une idée du seul Obama jaillie vendredi et aussitôt concrétisée en décision. (Aucun de ces conseillers ne lui avait présenté cette option, la jugeant sans doute hors de propos, non conforme au comportement du président ou simplement indigne dans l’atmosphère totalement irréelle d’hybris qui continue à régner à la Maison-Blanche. Le National Security Council de l’ultra-faucon-neocon Susan Rice n’avait pas cette possibilité dans ses cartons rafraîchis, selon NBC.) Cette option complètement imprévue, venue à l’esprit d’Obama à partir du spectacle de la déconfiture de Cameron, illumine effectivement, et le caractère d’Obama, et sa position réelle sur la crise syrienne.
• Un caractère tortueux, désinvolte, ennemi des responsabilités et des positions tranchées, préoccupé de protéger la réputation et l’image qu’il croit flatteuses, pour caractériser ses actes de gouvernement. Il se sort peut-être, temporairement, du guêpier qu’il a lui-même confectionné (son absurde obligation de “red line”) et dans lequel il s’est lui-même fourré, mais il n’en sort grandi en rien, et même plutôt diminué à un niveau de politicien washingtonien. Cela, précisons-le, pour la première impression.
• Sur la crise syrienne, notre jugement de toujours est qu’Obama était et reste viscéralement opposé à une intervention, et cette idée de transférer “la pate chaude” au Congrès lui permet d’éviter une décision. Pour autant, elle ne règle rien : si le Congrès (essentiellement la Chambre des Représentants) le soutient, la décision lui revient à nouveau, dans des conditions qui, malgré l’apparence immédiate, n’ont guère de chances d’être meilleures qu’elle n’étaient avant sa décision, simplement du fait que la séquence aura montré sa solitude initiale le poussant à forcer des appuis extérieurs au prix d'une réduction acceptée de ses prérogatives. Si le Congrès censure le projet d’attaque, alors il se trouve considérablement affaibli au niveau intérieur, jusqu’à une crise possible de sa direction, sans parler de la menace de l’effondrement décisif du statut d’“hyperpuissance“ des USA vers une déroute infâme ... Mais peut-être le psychiatre ou un confesseur habile trouverait-il au fond de son âme incertaine et dissimulée le secret désir d’un vote négatif qui le débarrasserait du fardeau à l’avantage de la vertu constitutionnelle, et à l’avantage de sa propre hybris. Il pourrait toujours arguer pour lui-même que sa “stature” d’homme d’État, cette préoccupation dérisoire, est confirmée a contrario par son respect de l’esprit de la Constitution, – cette honorable préoccupation pour cet ex-professeur de loi constitutionnel qui ne cesse de la violer (la Constitution). “C’est la faute à la Constitution, pas à moi”, dirait-il pour justifier cette impuissance voulue, alors qu’il proclame toujours et inconstitutionnellement qu’il n’a pas besoin de l’accord du Congrès pour agir. Quel esprit tortueux, le contraire d’un homme d’État ...
• Un post-scriptum qui n’est pas sans importance concernerait une attaque malgré un vote négatif du Congrès (ce qui est “légalement” possible à la lumière de la “légalité-selon-Obama“ puisque c’est le président qui, en ce moment, semble “faire la loi” selon les besoins de sa politique). La situation serait totalement inédite puisque l’épisode n’aurait fait que confirmer la solitude d’Obama dans l’aventure, sa réticence pour attaquer et, malgré tout, sa volonté d’attaquer pour ne pas voir le statut de sa position diminuée, pour protéger sa “crédibilité”. Il s’agit toujours de l’enchaînement de nécessités imposées par une position arbitraire et risquée de communication (la “red line”), rendu encore plus compliqué par son extension dans le nombre de chaînons impliqués et le temps écoulé.
On donnera ici quelques commentaires de divers experts et autres, qui ne prétendent pas représenter toute la palette de cette riche communauté mais qui rassemblent à peu près l’esprit des diverses réactions qui ont immédiatement suivi la décision d’Obama. L’ensemble de ces réactions a été rassemblé par le bureau de Washington de McClatchy, immédiatement après la déclaration du président US, après le commentaire selon lequel Obama prend un gros risque en consultant le Congrès, dont l’avantage pourrait être pourtant «a broad popular support, giving him a stronger hand in facing Syrian President Bashar Assad and perhaps other dictators later in such regimes as Iran...» Néanmoins, le titre met l’accent sur l’aspect négatif du risque, – «Obama risks embarrassing loss in Congress.» (Voir McClatchy, le 31 août 2013.)
«But there are military and political risks in the process. Militarily, a desperate Assad could use the time while Obama waits for a Congressional debate to launch another chemical weapon attack, either in his own country or elsewhere in the Middle East, turning a civil war into a regional conflict. Politically, Obama could emerge as a weakened leader, finding it even more difficult to push his proposals through Congress, including his top priorities of passing a budget and rewriting the nation’s immigration laws.
»“Ultimately, I think he felt he was going to be a target from both the left and the right if he did it alone, and with few significant allies overseas, I don’t think he wanted to be isolated,” said Lee Miringoff, director of the Marist Institute for Public Opinion at Marist College in New York. “This puts the ball in Congress’s court and they either join and he gets policy and political cover or they oppose.” [...]
»Foreign policy experts questioned the wisdom of waiting at least another week for Congress to return before the U.S. could act. Michael Singh, a former director for Middle East affairs at the National Security Council under President George W. Bush who’s now with the Washington Institute for Near East Policy, a research center, said there could be repercussions. “You risk losing the momentum toward an effective military operation with a decision to go to Congress,” he said, adding it also gives opponents like Russia and Iran more time to protest, and for the Syrians to mount a counter offensive and make certain their air forces are better protected. “Anytime you lose the element of surprise you’re reducing the efficacy of your military strike,” he added. [...]
»If Congress does approve the authorization, Obama could emerge stronger than before. Anthony H. Cordesman, a military analyst with the Center for Strategic and International Studies, said a successful military operation could boost Obama’s domestic agenda. “It will be harder on the budget issues to come up against a president who is strong and successful,” he said. “A president who is strong and failed is a different story, and the president considers that.”»
D’une façon générale, on s’est aussitôt précipité sur plusieurs aspects de la situation concernant les événements à venir, – oubliant souvent de tirer les enseignements de la décision d’Obama ... Si Obama a pris cette décision, c’est qu’il était dramatiquement isolé, ce qui implique une dramatique dégradation de la situation à son désavantage après une semaine de lobbying intense en faveur d’une opération très vite cantonnée à une “punition” du régime Assad sans autre intention stratégique. Si Obama était dramatiquement isolé, c’est justement par son absence complète de stratégie pour poser un acte au potentiel déstabilisant considérable, en application d’une mesure présentée comme universellement évidente et qui n’a pourtant aucun support légal, et dont la cause fondamentale n’est absolument pas prouvée ni avérée. (Pour une analyse détaillée sur les “preuves” de la culpabilité, voir l’excellent texte de Virginia Tilley sur Antiwar.com, le 31 mars 2013.)
Bien entendu, l’événement immédiat, – ou, justement, qui ne l’est pas vraiment, alors que le Congrès aurait pu être convoqué en session extraordinaire dès ce lundi, – est le débat et le vote au Congrès sur la question de l’attaque contre la Syrie. Bien entendu, on trouve des versions prospectives complètement opposées. Ce qui est souvent remarquable, ou bien est-ce conforme au réflexe qui se généralise de parer l’adversaire ou l’adversité de vertus plus grandes dont l’un ou l’autre dispose, c’est de trouver dans les deux camps des prospectives privilégiant l’autre camp... Plus précisément, cela s’explique par ceci que les “optimistes” (vote favorable) sont de vieux adversaires de la politique bushiste recyclée-BHO où l’agression extérieure dominait et provoquait le réflexe à mesure des parlementaires ; tandis que les “pessimistes” (vote indécis ou défavorable) sont des commentateurs-Système qui ont constaté que la politique d’affrontement intérieur, de crise du pouvoir, a (re)pris le dessus.
• Un caractère tortueux, désinvolte, ennemi des responsabilités et des positions tranchées, préoccupé de protéger la réputation et l’image qu’il croit flatteuses, pour caractériser ses actes de gouvernement. Il se sort peut-être, temporairement, du guêpier qu’il a lui-même confectionné (son absurde obligation de “red line”) et dans lequel il s’est lui-même fourré, mais il n’en sort grandi en rien, et même plutôt diminué à un niveau de politicien washingtonien. Cela, précisons-le, pour la première impression.
• Sur la crise syrienne, notre jugement de toujours est qu’Obama était et reste viscéralement opposé à une intervention, et cette idée de transférer “la pate chaude” au Congrès lui permet d’éviter une décision. Pour autant, elle ne règle rien : si le Congrès (essentiellement la Chambre des Représentants) le soutient, la décision lui revient à nouveau, dans des conditions qui, malgré l’apparence immédiate, n’ont guère de chances d’être meilleures qu’elle n’étaient avant sa décision, simplement du fait que la séquence aura montré sa solitude initiale le poussant à forcer des appuis extérieurs au prix d'une réduction acceptée de ses prérogatives. Si le Congrès censure le projet d’attaque, alors il se trouve considérablement affaibli au niveau intérieur, jusqu’à une crise possible de sa direction, sans parler de la menace de l’effondrement décisif du statut d’“hyperpuissance“ des USA vers une déroute infâme ... Mais peut-être le psychiatre ou un confesseur habile trouverait-il au fond de son âme incertaine et dissimulée le secret désir d’un vote négatif qui le débarrasserait du fardeau à l’avantage de la vertu constitutionnelle, et à l’avantage de sa propre hybris. Il pourrait toujours arguer pour lui-même que sa “stature” d’homme d’État, cette préoccupation dérisoire, est confirmée a contrario par son respect de l’esprit de la Constitution, – cette honorable préoccupation pour cet ex-professeur de loi constitutionnel qui ne cesse de la violer (la Constitution). “C’est la faute à la Constitution, pas à moi”, dirait-il pour justifier cette impuissance voulue, alors qu’il proclame toujours et inconstitutionnellement qu’il n’a pas besoin de l’accord du Congrès pour agir. Quel esprit tortueux, le contraire d’un homme d’État ...
• Un post-scriptum qui n’est pas sans importance concernerait une attaque malgré un vote négatif du Congrès (ce qui est “légalement” possible à la lumière de la “légalité-selon-Obama“ puisque c’est le président qui, en ce moment, semble “faire la loi” selon les besoins de sa politique). La situation serait totalement inédite puisque l’épisode n’aurait fait que confirmer la solitude d’Obama dans l’aventure, sa réticence pour attaquer et, malgré tout, sa volonté d’attaquer pour ne pas voir le statut de sa position diminuée, pour protéger sa “crédibilité”. Il s’agit toujours de l’enchaînement de nécessités imposées par une position arbitraire et risquée de communication (la “red line”), rendu encore plus compliqué par son extension dans le nombre de chaînons impliqués et le temps écoulé.
On donnera ici quelques commentaires de divers experts et autres, qui ne prétendent pas représenter toute la palette de cette riche communauté mais qui rassemblent à peu près l’esprit des diverses réactions qui ont immédiatement suivi la décision d’Obama. L’ensemble de ces réactions a été rassemblé par le bureau de Washington de McClatchy, immédiatement après la déclaration du président US, après le commentaire selon lequel Obama prend un gros risque en consultant le Congrès, dont l’avantage pourrait être pourtant «a broad popular support, giving him a stronger hand in facing Syrian President Bashar Assad and perhaps other dictators later in such regimes as Iran...» Néanmoins, le titre met l’accent sur l’aspect négatif du risque, – «Obama risks embarrassing loss in Congress.» (Voir McClatchy, le 31 août 2013.)
«But there are military and political risks in the process. Militarily, a desperate Assad could use the time while Obama waits for a Congressional debate to launch another chemical weapon attack, either in his own country or elsewhere in the Middle East, turning a civil war into a regional conflict. Politically, Obama could emerge as a weakened leader, finding it even more difficult to push his proposals through Congress, including his top priorities of passing a budget and rewriting the nation’s immigration laws.
»“Ultimately, I think he felt he was going to be a target from both the left and the right if he did it alone, and with few significant allies overseas, I don’t think he wanted to be isolated,” said Lee Miringoff, director of the Marist Institute for Public Opinion at Marist College in New York. “This puts the ball in Congress’s court and they either join and he gets policy and political cover or they oppose.” [...]
»Foreign policy experts questioned the wisdom of waiting at least another week for Congress to return before the U.S. could act. Michael Singh, a former director for Middle East affairs at the National Security Council under President George W. Bush who’s now with the Washington Institute for Near East Policy, a research center, said there could be repercussions. “You risk losing the momentum toward an effective military operation with a decision to go to Congress,” he said, adding it also gives opponents like Russia and Iran more time to protest, and for the Syrians to mount a counter offensive and make certain their air forces are better protected. “Anytime you lose the element of surprise you’re reducing the efficacy of your military strike,” he added. [...]
»If Congress does approve the authorization, Obama could emerge stronger than before. Anthony H. Cordesman, a military analyst with the Center for Strategic and International Studies, said a successful military operation could boost Obama’s domestic agenda. “It will be harder on the budget issues to come up against a president who is strong and successful,” he said. “A president who is strong and failed is a different story, and the president considers that.”»
D’une façon générale, on s’est aussitôt précipité sur plusieurs aspects de la situation concernant les événements à venir, – oubliant souvent de tirer les enseignements de la décision d’Obama ... Si Obama a pris cette décision, c’est qu’il était dramatiquement isolé, ce qui implique une dramatique dégradation de la situation à son désavantage après une semaine de lobbying intense en faveur d’une opération très vite cantonnée à une “punition” du régime Assad sans autre intention stratégique. Si Obama était dramatiquement isolé, c’est justement par son absence complète de stratégie pour poser un acte au potentiel déstabilisant considérable, en application d’une mesure présentée comme universellement évidente et qui n’a pourtant aucun support légal, et dont la cause fondamentale n’est absolument pas prouvée ni avérée. (Pour une analyse détaillée sur les “preuves” de la culpabilité, voir l’excellent texte de Virginia Tilley sur Antiwar.com, le 31 mars 2013.)
Bien entendu, l’événement immédiat, – ou, justement, qui ne l’est pas vraiment, alors que le Congrès aurait pu être convoqué en session extraordinaire dès ce lundi, – est le débat et le vote au Congrès sur la question de l’attaque contre la Syrie. Bien entendu, on trouve des versions prospectives complètement opposées. Ce qui est souvent remarquable, ou bien est-ce conforme au réflexe qui se généralise de parer l’adversaire ou l’adversité de vertus plus grandes dont l’un ou l’autre dispose, c’est de trouver dans les deux camps des prospectives privilégiant l’autre camp... Plus précisément, cela s’explique par ceci que les “optimistes” (vote favorable) sont de vieux adversaires de la politique bushiste recyclée-BHO où l’agression extérieure dominait et provoquait le réflexe à mesure des parlementaires ; tandis que les “pessimistes” (vote indécis ou défavorable) sont des commentateurs-Système qui ont constaté que la politique d’affrontement intérieur, de crise du pouvoir, a (re)pris le dessus.
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