À cinq jours de la rentrée scolaire en Algérie, où en sont les réformes de l’école ?
Non encore complètement remis du scandale de la fraude collective du copiage à l'examen du baccalauréat, le gouvernement fait entamer la rentrée scolaire sur les ''chapeaux de roue'', autrement dit par une conférence nationale des directeurs de l'Éducation, présidée par le Premier ministre, et par un certain nombre de décisions et de ''recommandations'' censées, d'après Sellal, assurer une bonne année scolaire, sans grèves ni de dommageables anicroches.
À l'occasion, Abdelmalek Sellal, par-delà la réalisation des infrastructures scolaires, dont il est habituel d'entendre l'inventaire et les panégyriques, s'est fendu de quelques vérités sur l'école algérienne qui ont été outrageusement exploitées par tous les aigris et les nostalgiques d'une école formatées à leur desiderata idéologiques.
Il n'y a qu'à lire la presse arabophone de dimanche dernier pour se rendre compte des résistances qui s'apposent à l'affranchissement de l'école algérienne. Il est vrai que Abdelmalek Sellal, en mêlant de l'humour à un discours qu'il veut de conviction, en arrive parfois intriguer l'opinion. Et certains articles malveillants ne gardent que cet humour écorché pour descendre en flamme le Premier ministre. Il en a été ainsi samedi dernier lorsque Sellal a voulu situer l'école algérienne dans la perspective de la nouvelle Algérie, celle qui se veut moderne, industrieuse, émancipée et assumant complètement son algérianité en s'ouvrant sur l'universel.
Car, toutes les dérives qu'a connues l'Algérie sur les plans idéologique, culturel, religieux, social et économique ont l'école comme point de départ ou comme plate-forme d'articulation.
Le Premier ministre vient de rouvrir un dossier lourd et complexe; une sorte de boite de Pandore, tant se sont accumulés en son sein tous les déchirements de la société algérienne, tous les conflits d'intérêts et toutes les tendances idéologiques qui ont tenté, et malheureusement réussi, à faire de l'école une bombe à retardement, une fabrique de médiocrité et d'extrémisme religieux, une pourvoyeuse de chômeurs.
En faisant appel à une école ouverte sur les sciences techniques, la technologie, les langues étrangères et la modernité, le Premier ministre la situe résolument dans le combat de la société algérienne à sortir du sous-développement. Car, avec toute l'embellie financière par laquelle la rente pétrolière a installé une fausse prospérité dans le pays, ce dernier demeure, sur le plan culturel, politique, environnemental et de l'économie durable, un pays en état de sous-développement. Ce dernier concept ne s'applique pas nécessairement à des pays qui manquent de ressources financières, mais aux pays frappés par le désordre, l'anomie sociale, le déficit de réflexes et de réflexion, le manque d'imagination. Ce sont des pays qui, même en recevant une aide financière, ne sauraient pas la transformer en projets. Le constat fait par des experts et des intellectuels algériens, de la trempe de Mostefa Lacheraf, est sans appel: l'école algérienne est à refaire.
Mohamed Boudiaf a eu un mot pour qualifier l'école algérienne: elle est sinistrée! Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a fait sienne ce constat.
Pour mettre en relief l'importance de ce secteur sur le plan de la dépense publique, il s'est contenté d'un chiffre, celui du nombre de fonctionnaires qui y exercent (entre personnel administratif et personnel pédagogique), soit 500 000 personnes. Une ''véritable armée!'', dira Sellal.
La revalorisation des salaires, entamée depuis janvier 2008 sur la base du statut particulier, a nettement sorti l'enseignant de l'état de ''misère'' des années précédentes. Demeure le dossier du corps commun qui, nécessairement, trouvera des solutions, à l'image de certaines autres catégories des corps communs de la fonction publique.
De même, les plans quinquennaux ont puissamment boosté les infrastructures éducatives au point où le territoire national se trouve complètement maillé d'écoles primaires, de collèges d'enseignement moyen et de lycées. Certaines écoles, situées dans des zones rurales, ont même été fermées par manque d'élèves. Cependant, comme l’habit ne fait pas le moine, les infrastructures et les salaires, non plus, ne font pas l’école. Les parents d'élèves sont bien placés pour le savoir, eux qui, depuis 1962, ont mis tous leurs espoirs dans cette institution, autrefois sacrée, pour améliorer leur statut social hérité de la colonisation et pour accéder aux fruits de l'éducation et de la culture. Sur le plan de la pédagogie, l'école algérienne a hérité d'une tradition et d'un background précieux laissés par la colonisation.
Comme Kateb Yacine déclara la langue française comme ''butin de guerre'' pour les Algériens, l'école coloniale, une fois délestée de sa part d'idéologie et de l'enseignement perverti d'une partie de l'histoire (qui donnait aux Algériens des "ancêtres'' Gaulois), constituait une bonne base pour une pédagogie tendue vers la maîtrise des sciences et des techniques, de façon à inscrire l'école algérienne dans les impératifs du développement sociale et économique. D'ailleurs, jusqu'au milieu des années soixante-dix, elle a réussi à former une élite qui s'est prolongée au sein de l'Université. Les résultats ont été constatés sur le terrain, lorsque les nouveaux cadres algériens ont pu assurer la relève dans l'administration et les entreprises après le départ des cadres européens. Ils se sont aussi matérialisés sur les chantiers pétroliers du Sud algérien lorsque les autorités politiques avaient décidé de nationaliser les hydrocarbures.
Le drame des sciences humaines
La domestication/soumission de l'école a commencé avec une arabisation intempestive et anarchique, touchant en premier lieu les matières jugées symboliquement porteuses d'idéologie: droit, histoire-géographie, philosophie.
Le constat que fait aujourd'hui Sellal sur la place peu glorieuse qui revient aux sciences humaines dans notre pays renvoie immanquablement à ce "massacre" programmé des matières qui font le soubassement des sciences humaines.
L'on se souvient également que, en 2008, le Président Bouteflika, à partir de l'Université de Tlemcen, a eu également à déplorer que les sciences humaines soient ravalées dans notre pays à du bavardage et qu'elles ne peuvent constituer pour les étudiants un débouché valable.
En relançant le débat sur la place des sciences sociales et humaines dans l'enseignement, le Premier ministre fait certainement œuvre utile, à condition cependant que le débat, à peine effleuré la semaine passée, passe entre les mains des spécialistes et experts en pédagogie et dans les matières considérées, pour lui donner un prolongement efficace et pragmatique.
Car, partout dans le monde, les sciences humaines, lorsqu'elles sont soumises aux canons de la science et de la pédagogie, et qu'elles ne subissent pas des interférences idéologiques et politiques, sont les formatrices de l'esprit citoyen. Les élites techniques et les capitaines d'industrie ne peuvent pas s'en passer sans créer une dommageable césure dans le background général que doit s'assurer l'homme et le citoyen d'aujourd'hui. Les Algériens, parents d'élèves, associations, partis, et même des patrons d'entreprises, ont réclamé des réformes pour l'école algérienne en particulier, et pour tous les domaines de la formation en général. Le long règne de Benbouzid a été fait de promesses de réformes et de crises interminables. Les assises sur l'éducation prévues par Baba Ahmed pour le mois de juillet dernier n'ont pas eu lieu.
Le ministère de l'Éducation compte introduire quelques ''changements'' issus des propositions faites par le corps enseignant au cours du mois de février 2013. Mais, est-ce suffisant pour aller dans le sens des nobles ambitions que la société assigne à l'école algérienne?
Par Amar Naït Messaoud- La Dépêche de kabylie
Non encore complètement remis du scandale de la fraude collective du copiage à l'examen du baccalauréat, le gouvernement fait entamer la rentrée scolaire sur les ''chapeaux de roue'', autrement dit par une conférence nationale des directeurs de l'Éducation, présidée par le Premier ministre, et par un certain nombre de décisions et de ''recommandations'' censées, d'après Sellal, assurer une bonne année scolaire, sans grèves ni de dommageables anicroches.
À l'occasion, Abdelmalek Sellal, par-delà la réalisation des infrastructures scolaires, dont il est habituel d'entendre l'inventaire et les panégyriques, s'est fendu de quelques vérités sur l'école algérienne qui ont été outrageusement exploitées par tous les aigris et les nostalgiques d'une école formatées à leur desiderata idéologiques.
Il n'y a qu'à lire la presse arabophone de dimanche dernier pour se rendre compte des résistances qui s'apposent à l'affranchissement de l'école algérienne. Il est vrai que Abdelmalek Sellal, en mêlant de l'humour à un discours qu'il veut de conviction, en arrive parfois intriguer l'opinion. Et certains articles malveillants ne gardent que cet humour écorché pour descendre en flamme le Premier ministre. Il en a été ainsi samedi dernier lorsque Sellal a voulu situer l'école algérienne dans la perspective de la nouvelle Algérie, celle qui se veut moderne, industrieuse, émancipée et assumant complètement son algérianité en s'ouvrant sur l'universel.
Car, toutes les dérives qu'a connues l'Algérie sur les plans idéologique, culturel, religieux, social et économique ont l'école comme point de départ ou comme plate-forme d'articulation.
Le Premier ministre vient de rouvrir un dossier lourd et complexe; une sorte de boite de Pandore, tant se sont accumulés en son sein tous les déchirements de la société algérienne, tous les conflits d'intérêts et toutes les tendances idéologiques qui ont tenté, et malheureusement réussi, à faire de l'école une bombe à retardement, une fabrique de médiocrité et d'extrémisme religieux, une pourvoyeuse de chômeurs.
En faisant appel à une école ouverte sur les sciences techniques, la technologie, les langues étrangères et la modernité, le Premier ministre la situe résolument dans le combat de la société algérienne à sortir du sous-développement. Car, avec toute l'embellie financière par laquelle la rente pétrolière a installé une fausse prospérité dans le pays, ce dernier demeure, sur le plan culturel, politique, environnemental et de l'économie durable, un pays en état de sous-développement. Ce dernier concept ne s'applique pas nécessairement à des pays qui manquent de ressources financières, mais aux pays frappés par le désordre, l'anomie sociale, le déficit de réflexes et de réflexion, le manque d'imagination. Ce sont des pays qui, même en recevant une aide financière, ne sauraient pas la transformer en projets. Le constat fait par des experts et des intellectuels algériens, de la trempe de Mostefa Lacheraf, est sans appel: l'école algérienne est à refaire.
Mohamed Boudiaf a eu un mot pour qualifier l'école algérienne: elle est sinistrée! Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a fait sienne ce constat.
Pour mettre en relief l'importance de ce secteur sur le plan de la dépense publique, il s'est contenté d'un chiffre, celui du nombre de fonctionnaires qui y exercent (entre personnel administratif et personnel pédagogique), soit 500 000 personnes. Une ''véritable armée!'', dira Sellal.
La revalorisation des salaires, entamée depuis janvier 2008 sur la base du statut particulier, a nettement sorti l'enseignant de l'état de ''misère'' des années précédentes. Demeure le dossier du corps commun qui, nécessairement, trouvera des solutions, à l'image de certaines autres catégories des corps communs de la fonction publique.
De même, les plans quinquennaux ont puissamment boosté les infrastructures éducatives au point où le territoire national se trouve complètement maillé d'écoles primaires, de collèges d'enseignement moyen et de lycées. Certaines écoles, situées dans des zones rurales, ont même été fermées par manque d'élèves. Cependant, comme l’habit ne fait pas le moine, les infrastructures et les salaires, non plus, ne font pas l’école. Les parents d'élèves sont bien placés pour le savoir, eux qui, depuis 1962, ont mis tous leurs espoirs dans cette institution, autrefois sacrée, pour améliorer leur statut social hérité de la colonisation et pour accéder aux fruits de l'éducation et de la culture. Sur le plan de la pédagogie, l'école algérienne a hérité d'une tradition et d'un background précieux laissés par la colonisation.
Comme Kateb Yacine déclara la langue française comme ''butin de guerre'' pour les Algériens, l'école coloniale, une fois délestée de sa part d'idéologie et de l'enseignement perverti d'une partie de l'histoire (qui donnait aux Algériens des "ancêtres'' Gaulois), constituait une bonne base pour une pédagogie tendue vers la maîtrise des sciences et des techniques, de façon à inscrire l'école algérienne dans les impératifs du développement sociale et économique. D'ailleurs, jusqu'au milieu des années soixante-dix, elle a réussi à former une élite qui s'est prolongée au sein de l'Université. Les résultats ont été constatés sur le terrain, lorsque les nouveaux cadres algériens ont pu assurer la relève dans l'administration et les entreprises après le départ des cadres européens. Ils se sont aussi matérialisés sur les chantiers pétroliers du Sud algérien lorsque les autorités politiques avaient décidé de nationaliser les hydrocarbures.
Le drame des sciences humaines
La domestication/soumission de l'école a commencé avec une arabisation intempestive et anarchique, touchant en premier lieu les matières jugées symboliquement porteuses d'idéologie: droit, histoire-géographie, philosophie.
Le constat que fait aujourd'hui Sellal sur la place peu glorieuse qui revient aux sciences humaines dans notre pays renvoie immanquablement à ce "massacre" programmé des matières qui font le soubassement des sciences humaines.
L'on se souvient également que, en 2008, le Président Bouteflika, à partir de l'Université de Tlemcen, a eu également à déplorer que les sciences humaines soient ravalées dans notre pays à du bavardage et qu'elles ne peuvent constituer pour les étudiants un débouché valable.
En relançant le débat sur la place des sciences sociales et humaines dans l'enseignement, le Premier ministre fait certainement œuvre utile, à condition cependant que le débat, à peine effleuré la semaine passée, passe entre les mains des spécialistes et experts en pédagogie et dans les matières considérées, pour lui donner un prolongement efficace et pragmatique.
Car, partout dans le monde, les sciences humaines, lorsqu'elles sont soumises aux canons de la science et de la pédagogie, et qu'elles ne subissent pas des interférences idéologiques et politiques, sont les formatrices de l'esprit citoyen. Les élites techniques et les capitaines d'industrie ne peuvent pas s'en passer sans créer une dommageable césure dans le background général que doit s'assurer l'homme et le citoyen d'aujourd'hui. Les Algériens, parents d'élèves, associations, partis, et même des patrons d'entreprises, ont réclamé des réformes pour l'école algérienne en particulier, et pour tous les domaines de la formation en général. Le long règne de Benbouzid a été fait de promesses de réformes et de crises interminables. Les assises sur l'éducation prévues par Baba Ahmed pour le mois de juillet dernier n'ont pas eu lieu.
Le ministère de l'Éducation compte introduire quelques ''changements'' issus des propositions faites par le corps enseignant au cours du mois de février 2013. Mais, est-ce suffisant pour aller dans le sens des nobles ambitions que la société assigne à l'école algérienne?
Par Amar Naït Messaoud- La Dépêche de kabylie
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