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La Pologne, seul pays qui n’a pas connu de récession avec la crise européenne

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  • La Pologne, seul pays qui n’a pas connu de récession avec la crise européenne

    Avec la crise économique qui frappe le vieux continent, les touristes se font rares. Alors on redouble d’efforts pour accueillir les quelques visiteurs qui s’aventurent dans ce paysage dépeuplé. Des plaines vertes, des étendues désertes où la grande Pologne marque la limite orientale de l’Europe en crise.

    La fin du monde. C’est le nom donné à cette taverne tatare de Kruszyniany, un village au nord de la Pologne, tout près de la frontière avec la Biélorussie, à près de 200 km de Varsovie. Un gîte en bois comme planté au milieu de nulle part. Dans ce décor rustique, on vous accueille chaleureusement, on vous offre à boire et on vous conjure d’en parler autour de vous. Avec la crise économique qui frappe le vieux continent, les touristes se font rares. Alors on redouble d’efforts pour accueillir les quelques visiteurs qui s’aventurent dans ce paysage dépeuplé. Des plaines vertes, des étendues désertes où la grande Pologne marque la limite orientale de l’Europe en crise.

    Une île verte dans un océan de récession.


    Malgré une croissance qui ralentit, la Pologne, surnommée «l’île verte de l’Europe» depuis le début de la crise économique, tient le cap. Seul Etat de l’Union européenne (membre depuis 2004) à ne pas avoir connu de récession depuis 2009, ce pays d’Europe centrale, qui a réussi une transition démocratique et économique remarquable dans les années 1990 fait une nouvelle fois parler de lui. Le miracle polonais intrigue. Seulement, ces dernières semaines le nuage du déficit budgétaire assombrit le ciel polonais. La croissance a fléchi de 0,4% au premier trimestre de l’année, atteignant son niveau le plus bas depuis quatre ans. La peur de la contagion grandit et éloigne la perspective d’une entrée prochaine dans la zone euro.

    Ala chancellerie de la présidence de la République, l’heure est à l’inquiétude. Un complexe architectural, installé sur la berge de la Vistule, rue Wiejka, rassemble les bureaux de la chancellerie, du Sénat et du Parlement (Diet) polonais. Jan Litynski, septuagénaire au discours tempéré, est l’un des trois conseillers du président polonais, Bronislaw Komorowski. Sur un ton austère, il avoue que «la crainte est grande». «La Pologne connaît depuis quelques semaines un déficit budgétaire, la croissance est moins élevée que prévu... Une inquiétude qui remet d’ailleurs en question l’entrée en zone euro. Le Président y est favorable. Moi, je suis personnellement moins enthousiaste depuis la crise», ajoute-t-il. Le ton est donné. La Pologne doute.


    « Vive le Zloty !»


    La Pologne a peur, d’autant plus depuis le crash meurtrier de l’avion présidentiel à Smonlok (Russie), en avril 2010. Le président polonais de l’époque, Lech Kaczynski, accompagné de son épouse et de plusieurs membres du gouvernement, 96 personnes au total, y ont tous péri. Cet événement tragique a «jeté beaucoup de flou dans la vie politique polonaise», explique le conseiller. Depuis, les relations avec le voisin russe sont tendues et la vie politique intérieure est rythmée par les divisions malgré l’embellie économique qu’elle doit notamment au fonds européen. L’entrée dans la zone euro est une des polémiques du moment. Prévue initialement pour 2015, après avoir été reportée à plusieurs reprises, l’entrée dans la zone euro est encore une fois retardée. Et pour cause, les critères de convergence (critères de Maastricht) n’ont pas été remplis jusque-là : la maîtrise de l’inflation, la résorption du déficit budgétaire et le contrôle de la politique monétaire, entre autres. Le fait que la monnaie locale, le zloty, ait également été un frein à la crise n’est pas étranger à cette hésitation grandissante. Les Polonais tiennent de plus en plus à leur zloty, considérant l’euro comme une menace pour leur pouvoir d’achat. Selon l’Institut de sondage polonais Homo Homini, une étude réalisée en mars 2013 révèle que 62% des Polonais sont contre l’entrée dans la zone euro. Seuls 32% souhaitent l’adoption de la monnaie européenne et 6% n’ont pas d’opinion. La classe politique est tout autant divisée.

    L’heure des eurosceptiques


    Il y a les «pour» et les «contre». Ils s’affrontent depuis des mois. En Pologne, un adage dit qu’«il faut s’attabler si on ne veut pas faire office de plat de résistance».
    Bogdan Borusexicz, président du Sénat polonais depuis 2005, a le verbe facile et son sourire met tout de suite à l’aise, malgré l’austérité des lieux. Cet ancien membre de Solidarnosc (fédération des syndicats qui ont fait opposition au régime communiste dans les années 1980) fait partie des «pour». «En adhérant à l’Union européenne, la Pologne s’est engagée de fait à entrer dans la zone euro», explique-t-il. Et d’ajouter : «L’Union européenne se consolide autour de la zone euro. Autrement dit, sans l’euro, la Pologne n’aura pas son mot à dire politiquement et cela se répercutera dans quelques années sur l’économie du pays.» Mais la Pologne n’est pas pressée. D’autant que l’entrée dans la zone euro dépend d’une modification de la Constitution.

    Une modification qui risque de tarder, selon le Premier ministre libéral, Donald Tusk, qui déclarait à la presse locale en juillet dernier que «les pour ne disposent pas de la majorité requise pour cette modification de la Constitution». «Ni actuellement, ni, selon mon intuition, dans le futur Parlement», expliquait-il. En attendant, les Polonais hésitent entre fierté et inquiétude face à ce statu quo. «Nous avons réussi une admirable transition économique, maintenant l’heure est à la prudence pour préserver nos acquis», confie une des rares personnes parlant français rencontrée à Varsovie. Les Polonais aiment parler de leur «thérapie de choc». Celle qui leur a permis de sortir de près d’un demi-siècle de communisme en passant presque sans transition d’une économie planifiée à une économie de marché dans les années 1990. Vingt ans plus tard, la Pologne, forte de ses 38 millions d’habitants, a de quoi s’enorgueillir. Son PIB est plus élevé que celui de tous les nouveaux pays entrés dans l’Union européenne. Et ses marges de manœuvre sont plus importantes hors de la zone euro. D’où cet attachement sans faille pour leur zloty.


    Une revanche sur l’Histoire


    «De toute manière, cela ne dépend pas vraiment de nous», confie une jeune Polonaise, polyglotte, rencontrée rue Kozia, une étroite ruelle du centre-ville où a été installé tout récemment l’un des 15 bancs de Chopin qui forme un itinéraire initiatique pour traverser la ville à travers l’histoire personnelle du musicien. Varsovie, une ville à l’architecture impressionnante, détruite à 80% lors de la seconde Guerre mondiale et dont il ne subsiste aucune trace de chaos. Assise justement sur le banc musical multimédia diffusant du Chopin à souhait, la jeune femme, interprète de formation, explique qu’elle nourrit un scepticisme sans égal quant à l’avenir de son pays. «L’entrée dans la zone euro est devenue un enjeu. Ceux qui disent que la Pologne va mal font de la manipulation politique en vue de notre entrée dans la zone euro. Notre politique intérieure est faible, notre politique extérieure l’est encore plus. On fait tout ce que l’Allemagne veut», tranche-t-elle, la voix entrecoupée par une des compositions du virtuose polonais qui envahit à présent toute la ruelle, au grand plaisir des passants. Pour Leszek Balcerowicz, économiste, président du Forum de développement civil, les enjeux sont ailleurs.

    «Ce n’est pas la crise qui m’inquiète, ni l’entrée dans la zone euro, mais plutôt le problème démographique», explique-t-il. En Pologne, le vieillissement de la population se poursuit. L’indice de fécondité est de 1,28 par femme alors qu’il était de 2,4 en 1985.
    «Bientôt, il n’y aura que très peu de Polonais en âge de travailler», s’inquiète l’économiste. Un autre défi pour ce pays quatre fois disparu de la carte, devenu aujourd’hui la sixième force économique du continent, et qui a bien d’autres revanches à prendre.


    Le printemps polonais en Algérie :


    Le printemps arabe a modifié la donne des échanges commerciaux de la Pologne. Nouvelle ère, nouvelles stratégies. Les compagnies polonaises cherchent de nouveaux marchés, l’Algérie les intéresse de plus en plus même si la règle 49/51 freine les investissements. Pour Justine Porazinska, chargée du Moyen-Orient et de l’Afrique au ministère polonais des Affaires étrangères, «la politique étrangère de la Pologne a beaucoup changé depuis la transition», ce qui a freiné la coopération algéro-polonaise qui était plus forte à l’époque socialiste, «avec le printemps arabe, les échanges s’intensifient», explique-t-elle.

    L’Algérie est concernée par deux principaux programmes de partenariat économique avec la Pologne. Le premier a été annoncé en 2012 avec l’adoption, par le ministère de l’Economie polonais d’une liste de cinq pays avec lesquels la Pologne vise à établir une coopération économique stratégique. Ce programme concerne l’Algérie, le Brésil, le Canada, le Kazakhstan et la Turquie. L’ancien vice-Premier ministre, ministre de l’Economie, Waldemar Pawlak, devait se rendre cette année en Algérie dans le cadre de ce programme.

    Cette échéance qui avait pour objet principal «d’examiner les moyens de mettre en œuvre cette perspective de coopération a été reportée en raison de la démission du ministre Pawlak de son poste». «L’Algérie représente un marché prometteur pour la Pologne», explique pour sa part Krzysztof Dabrowski, cadre au ministère polonais de l’Economie.

    Il en veut pour preuve les échanges commerciaux qui se seraient multipliés de cinq fois ces dernières années. «On envisage même des productions sur le terrain pour éviter les coûts décourageants des douanes», ajoute-t-il. Des perspectives d’ouverture d’usines seraient d’ailleurs en négociation. 

    Varsovie (Pologne).
    De notre envoyée spéciale-Fella Bouredji- El Watan
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