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DÉCÈS DE RONALD COASE, PRIX NOBEL D'ÉCONOMIE (1991):Les grands meurent toujours en silence

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  • DÉCÈS DE RONALD COASE, PRIX NOBEL D'ÉCONOMIE (1991):Les grands meurent toujours en silence

    Coase est parti presque anonyme et pourtant «peu d'auteurs ont eu autant d'influence sur l'économie que lui.
    Finalement, et à y regarder de près, l'année 2013 aura été assez mauvaise pour les prix Nobel. Il y a débord El Baradaï, prix Nobel de la paix 2005, qui, après avoir démissionné de son poste de vice-président en Egypte,a été traité de tous les noms par ses compatriotes au point où il a dû s'en aller reprendre ses vieilles habitudes à Vienne où il vit depuis longtemps.
    Ensuite, il y a Mandela, prix Nobel de la paix en 1993, qui, à un âge avancé (96 ans), a dû être hospitalisé pour complications pulmonaires poussant les Sud-Africains à prier pour son rétablissement pendant de longues journées et de longues nuits. Ce dimanche, il est retourné chez lui certes, mais affaibli à cause de l'âge.
    Ensuite, il y a eu Obama, prix Nobel de la paix 2009, qui attend la permission du Congrès pour pouvoir s'en aller faire une guerre et, ce mardi, on nous a annoncé que Ronald Coase, prix Nobel d'économie en 1991, vient de s'éteindre à un âge assez avancé tout de même puisqu'il est parti à... 102 ans.
    El Baradaï, Mandela et Obama sont connus, bien connus. Ronald Coase, lui par contre, l'est moins. Certes son métier en a décidé ainsi car on ne connaît pas la même célébrité selon qu'on passe sa vie devant un tableau et des étudiants ou qu'on la passe devant les micros des télévisions et les plumes des journalistes.
    Fils d'une famille anglaise modeste, nous disent les biographes, il eut sa licence en économie en 1931 à la London School of Economics avant de bénéficier d'une bourse d'études qui l'emmena aux Etats-Unis. En 1937, il publia son article le plus célèbre sur la nature de l'entreprise et en 1951, après avoir eu son doctorat, il s'en alla pour les Etats-Unis définitivement. Enseignant, il fut mal apprécié par l'Université de Virginie qui le trouva peu intéressant et même quelque part «nuisible pour sa réputation».
    Coase est donc parti presque anonyme et pourtant, comme l'avait dit notre ami Alliouat, qui a eu le privilège de traduire en 2005 ses articles fondamentaux et de les introduire en France, «peu d'auteurs ont eu autant d'influence sur l'économie que Ronald Coase». Sa contribution au savoir dans cette discipline est tout simplement inestimable. Il est à l'origine de la théorie des coûts de tran- saction, il est l'auteur du célèbre théorème qui porte son nom (Théorème de Coase) relatif aux externalités négatives, il a un apport appréciable dans la théorie des droits de propriétés, il a été derrière l'émergence du néo-institutionnalisme, etc. En ce qui suit, nous allons consacrer quelques lignes à la théorie des coûts de transaction qui est considérée comme sa contribution la plus importante.

    Au début il y eut l'école néoclassique
    La théorie économique néoclassique n'a pas accordé d'importance à l'entreprise en tant que telle, mais elle y a vu simplement une fonction de production. Or, comme «les prix sont la clé d'une allocation efficace des ressources», il revient à l'entrepreneur d'ajuster le niveau de cette production suivant la variation des prix. En négligeant les capacités d'innovation de l'entrepreneur, cette théorie fige l'entreprise en dehors du progrès technique et de toute dynamique et en omettant de tenir compte de son caractère complexe, elle passe sous silence ses conflits internes, sa structure, ses relations avec l'environnement ainsi que son évolution.
    Bien qu'elles aient été nombreuses, les réactions à cette théorie ne sont pas arrivées, en leur temps, à aboutir à sa révision ni, encore moins, à son dépassement. Les autorités et, de manière générale, les décideurs avaient alors tendance à être acquis aux thèses de l'économie traditionnelle dominante, confortés en cela par deux éléments d'importance majeure:
    1°) Tout d'abord, et si l'on exclut la crise de 1929, la période allant de la fin du XIXe siècle aux années d'avant la Seconde Guerre mondiale, était une période caractérisée par la supériorité de l'offre par rapport à la demande et la préoccupation essentielle des entreprises portait alors sur l'augmentation du volume de production. Les entreprises, dont la dimension grandissait, n'étaient pas encore confrontées (ou très peu) aux problèmes d'écoulement de leurs produits, et la compétition se limitait au seul niveau des ateliers et autres lieux de travail. L'OST de Taylor et les méthodes d'administration préconisées par Fayol apportaient des solutions satisfaisantes aux préoccupations des entrepreneurs.
    2°) Ensuite, et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la croissance remarquable enregistrée, tout au long des Trente Glorieuses, avait amené beaucoup d'économies à la société de consommation, ce qui constitua une période très faste pour les entreprises. L'apparition, entre-temps, de la réflexion stratégique et des modèles de gestion stratégique avait fait glisser l'intérêt des entrepreneurs de l'atelier vers leur secteur d'activité (c'est-à-dire leur marché, au sens managérial du terme). Les entreprises, des plus petites aux plus grandes, commençaient à s'intéresser à leur secteur d'activité, mais le lien théorique entre l'entreprise et l'économie nationale était, sinon rompu, du moins très ténu.
    La crise des années 1970, avec la chute de la croissance, le rétrécissement de la demande et les restructurations économiques qui en découlaient ont fait prendre conscience aux managers de leur insuffisante prise en considération des données extérieures. Le recours massif aux licenciements qui, de fait, allait obliger les entreprises à gérer, non pas le flux d'entrées du personnel, mais celui de sa sortie, révélait un manque flagrant d'informations sur l'état du marché du travail, alors que la rigidité des structures et des systèmes de production, ainsi que le manque de flexibilité des ateliers, découlait de l'ignorance du rythme des évolutions de la technologie et des méthodes.
    Les conséquences désastreuses du choc pétrolier et la fin des Trente Glorieuses ont secoué les entreprises et leur ont fait prendre conscience d'une réalité oubliée: l'entreprise ne peut évoluer en dehors de son environnement. Poser le problème de l'environnement de l'entreprise revient à poser celui de ses capacités réactives, ce qui mène nécessairement à traiter des structures internes de l'entreprise et de ses frontières. Par ailleurs, les restructurations menées à la suite de la crise des années 1970 ont laissé émerger presque les mêmes questions que celles posées au lendemain de la crise de 1929. En fonction de quoi doit-on déterminer la taille de l'entreprise? Et où s'arrêtent les frontières de cette entreprise? Pour répondre correctement à ces interrogations, simples mais fondamentales, il est entendu que l'on doit d'abord savoir ce qu'est une entreprise. Mais la théorie microéconomique néoclassique n'a pas de réponse à ces questions. On s'est alors rendu compte que, au moment où l'on sait comment naissent et meurent les étoiles dans les galaxies lointaines, on ne sait pas ce qu'est une entreprise, ni comment elle naît, ni pourquoi elle existe et encore moins comment elle grandit et pourquoi elle meurt.
    Ces questions seront à la base de ce qui allait profondément secouer la conception de l'entreprise et ce, à partir de 1975, avec la publication de Market and Hierarchies par Oliver E. Williamson, un autre prix Nobel d'économie (2009) qui a repris et développé les travaux de R. H. Coase (1937) dans lesquels ce dernier tentait une réponse à la célèbre question de D.H Robertson (1928).
    dz(0000/1111)dz

  • #2
    La théorie des coûts de transaction
    La question relative à l'existence de l'entreprise a été posée en 1928 par D.H Robertson, dans la célèbre formulation «pourquoi émergent donc dans l'océan de la coopération inconsciente, des îlots de pouvoir conscients», autrement dit, pourquoi les entreprises existent-elles à côté du marché, en tant que mode alternatif de coordination, du moment que la coordination de l'activité des agents économiques est censée être entièrement effectuée par ce dernier?
    En tentant d'y répondre dans son article de 1937, The Nature of the Firm, Coase, qui introduit le concept de coûts de transaction, explique que si l'entreprise existe, c'est parce qu'elle est un palliatif aux défaillances du marché qui apparaissent sous forme de coûts, ce sont les coûts de transactions.
    Coase considère, en effet, que le recours au système des prix, c'est-à-dire au marché, impose la connaissance des prix adéquats, ce qui engendre certains coûts. En plus, et une fois les prix connus, il faut engager des négociations avec les propriétaires de facteurs de productions ce qui, à son tour, entraîne d'autres coûts. Et c'est parce qu'elle réduit justement ces coûts et simplifie grandement l'activité que l'entreprise est une réponse à cette faille du marché. Dans l'entreprise, on ne retourne pas chaque jour chercher des offreurs de facteurs de production, on n'engage pas chaque jour, avec eux, des négociations et l'on ne conclut pas non plus, chaque jour des contrats, les ressources étant engagées par l'entreprise pour un terme plus long et les contrats négociés et conclus pour une période non moins longue. Ainsi, d'après Coase, l'économie des coûts de transactions qui sont constitués par les coûts de découverte des prix, les coûts de négociation et les coûts de conclusion des contrats, donne, non seulement une justification à l'existence de l'entreprise, mais elle rend légitime cette existence. Toutefois, dans ce cas, et dès lors que l'entreprise est capable d'économiser ces coûts, pourquoi le marché continue-t-il à exister alors qu'il suffirait d'avoir une très grande entreprise? Pour répondre à cette question, un peu embarrassante il faut l'avouer, Coase puise dans l'argumentaire néoclassique. Il a recours au principe des rendements décroissants pour expliquer que plus l'entreprise grandit, plus les coûts de son organisation augmentent et que, à la marge, il devient moins coûteux de recourir au marché qu'à l'entreprise.
    La taille de l'entreprise est donc déterminée par les coûts marginaux des transactions. Autrement dit par «la confrontation du coût d'une transaction supplémentaire par le marché et du coût d'organisation interne de la même transaction». Ainsi, tant qu'il est plus économique de produire au niveau de l'entreprise, on ne fait pas appel au marché, mais dès que les coûts de production et de transaction par l'entreprise égalisent ceux engendrés par le recours au marché, il est préférable de se tourner vers ce dernier. Coase avait souligné, à ce propos, que l'entreprise «tendra à croître jusqu'à ce que les coûts d'organisation d'une transaction supplémentaire à l'intérieur de la firme deviennent égaux aux coûts de réalisation de cette même transaction par le biais d'un échange sur le marché ou aux coûts d'organisation dans une autre entreprise». Le domaine le plus à même de renseigner sur cette dichotomie entreprise-marché est celui de l'intégration verticale. Une entreprise aura, à un moment ou à un autre, à se poser la question de savoir si elle doit «faire faire» une activité quelconque par le marché ou la réaliser elle-même. S'il s'avère pour elle plus économique d'intégrer cette activité, elle n'ira certainement pas à solliciter le marché. Mais s'il est plus intéressant pour elle, par contre, de la faire faire par le marché, elle ne procèdera pas à son intégration.
    De ce fait, le marché, qui constitue un palliatif aux coûts excessifs d'organisation auxquels devrait faire face l'entreprise à partir d'une certaine taille, continue à exister en même temps que l'entreprise. Ils représentent donc deux modes alternatifs de coordination.

    Le paradoxe de Coase
    En limitant la croissance d'une entreprise à l'intersection de la courbe du coût marginal de ses transactions avec le coût de la même transaction sur le marché, Coase a justifié la coexistence du marché et de l'entreprise (qu'il appelle hiérarchie au regard du pouvoir centralisateur qui y existe), mais en la limitant aussi à l'intersection de la même courbe avec le coût de la même transaction dans une autre entreprise, il admet l'existence de transactions autres que par le marché ou l'entreprise (en interne). Ce paradoxe, appelé aussi paradoxe de la coopération, est résolu par le recours à la notion de relations interentreprises.
    Les travaux de Ronald Coase ont été repris par Oliver E. Williamson qui structurera et formalisera la théorie des coûts de transaction. Ceci lui vaudra de recevoir le prix Nobel d'économie en 2009, une récompense un peu à part, car jamais un prix Nobel n'a été octroyé plus d'une fois pour le même travail, sauf dans ce cas.
    Williamson, tout comme Coase, légitime l'existence de l'entreprise par les coûts de transaction. Toutefois, il ne considère pas que la taille de l'entreprise soit déterminée par la «confrontation» entreprise-marché, mais plutôt pas les capacités de l'entreprise à minimiser ses coûts de transaction et de production.
    La théorie des coûts de transaction découlant des travaux de Coase (1937) et ceux de Williamson (1975, 1985) a sans doute servi de base à une relance de l'intérêt pour la théorie de l'entreprise. C'est ainsi que «des progrès considérables ont été réalisés dans l'analyse des frontières de la firme et des relations interfirmes». Néanmoins, cette théorie s'est vu reprocher certaines faiblesses et a fait l'objet de certaines critiques que nous n'allons pas reprendre ici.
    A 102 ans, Coase enseignait toujours l'économie à l'Université de Chicago. Et après une brillante carrière, Il est parti. Presque sur le bout des pieds comme on dit. On le disait d'une grande humilité et d'une modestie exemplaire. Eh, oui, les grands hommes meurent toujours en silence.

    Par Aissa Hirèche - Jeudi 05 Septembre 2013
    l expression dz
    dz(0000/1111)dz

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