Lors de l'élaboration et de l'adoption de la charte de l'éducation et de formation en 1999, la réforme éducative était guidée par quatre objectifs principaux : la généralisation de l'éducation obligatoire ; la rétention des apprenants dans le système et la réduction des déperditions ; assurer la qualité de l'enseignement et l'ouverture du système éducatif sur la vie active.
Déjà à l'approche de la fin de la décennie, le rapport du Conseil Supérieur de l'Enseignement (CSE, 2008) a présenté une analyse qui débouche sur le constat de la non-réalisation de l'essentiel des objectifs de la charte et des problèmes éducatifs non résolus.
Dans le cadre de ce diagnostic, la situation de la gouvernance du système éducatif a été jugée très préoccupante. Dans ce contexte le Programme d'Urgence (PU) a été préparé à la hâte et présenté comme le nouveau souffle et le moyen de réaliser les objectifs non réalisés de la charte de l'éducation.
Plan d'urgence 2009-2012
Le PU, à son tour, a déclaré placer l'apprenant au cœur du système d'éducation et de formation, recentrer les apprentissages sur les connaissances et les compétences de base... et s'est fixé rendre effective l'obligation de scolarité jusqu'à l'âge de 15 ans et d'assurer pratiquement la réalisation de tous les objectifs de la charte.
Il a été structuré en quatre Espaces déclinés en 27 projets. Chacun regroupe un ensemble de composantes et de mesures qui méritent d'être évalués de manière précise et spécifique.
Fait marquant, le programme d'urgence a nécessité un effort de financement exceptionnel estimé à 43,7 milliards DH sur la période 2009-2012. Simplement cet effort financier considérable justifie largement une évaluation fine du programme et une soumission des responsables à une reddition des comptes.
1. La lutte contre l'analphabétisme : l'illusion des bénéficiaires et la réalité de l'analphabétisme
L'analphabétisme est un problème qui handicape sérieusement le développement humain et l'économie marocaine, ce qui se manifeste clairement dans le classement très peu satisfaisant du pays dans différents indicateurs internationaux et également sur le plan de la productivité globale du pays.
Selon une étude de la Direction de la lutte contre l'alphabétisation, 1% d'analphabétisme engendre un manque à gagner équivalent à 1,3% du PIB soit 10,3 milliards de dhs en 2010.
Des moyens limités et des résultats douteux
Entre 2007 et 2008, le budget de l'alphabétisation était de 110 millions de dhs ; il a augmenté à 150 millions en 2009 et s'est situé à 210 millions en 2012. Son accroissement depuis 2009 est imputable principalement à la contribution substantielle de la coopération internationale.
Selon les données officielles, les effectifs des bénéficiaires des différentes opérations d'alphabétisation ont augmenté de manière substantielle. Les bénéficiaires des programmes d'alphabétisation airaient progressé de 450 000 en 2003 à 702 000 en 2011.
En fait le nombre des bénéficiaires (des inscrits) est peu significatif pour apprécier les personnes effectivement alphabétisées. Sachant que les taux d'abandon sont généralement élevés, en réalité les résultats sont beaucoup plus limités.
Mesurer le progrès réalisé par les bénéficiaires d'alphabétisation est une illusion. Entre 2003 et 2011, on a déclaré environ 5 millions de bénéficiaires de l'alphabétisation.
Même en appliquant le taux de rendement officiel de 70 % (1), les personnes alphabétisées seraient uniquement de 3,5 millions ce qui représente une moyenne de 437 000 personnes par an. Ce qui représente peu par rapport à une population estimée à 11 ou 12 millions d'analphabètes.
2. L'illusion de la généralisation obligatoire
La généralisation du préscolaire annoncée en 2004 ou plutôt la baisse des effectifs !
Les effectifs du préscolaire se situent à un niveau très modeste qui est très loin de s'approcher de sa généralisation envisagée pourtant par la charte de l'éducation en 2004. Ses effectifs ont plutôt baissé toute la période du PU de 2008-2012; ils sont passés de 70 349 en 2008 à 66 041 en 2012.
En plus, si une définition rigoureuse conforme aux requis et standards du préscolaire moderne était retenue, les effectifs du préscolaire ne dépasseraient pas 20 % à 25 % de l'ensemble des effectifs actuellement déclarés.
La Scolarité obligatoire : des effectifs en évolution plate
Sur la période, les effectifs de l'enseignement public ont connu une progression modeste : de 5,59 millions élèves en 2008-9, ils passent à 5,76 en 2012. Dans le primaire public, l'effectif n'a pratiquement pas changé avec 3,49 millions en 2008 à 3,50 millions en 2012.
Il en est de même pour l'effectif collégial avec respectivement 1,37 et 1,38 millions élèves au début et à la fin de la période. L'évolution la plus visible a concerné les lycéens dont l'effectif est passé de 731 000 en 2008 à 879 269 en 2012 (+ 148 000 enfants de plus).
3. Progression de la scolarisation et 378 000 abandons par an dans l'enseignement obligatoire !
En ce qui concerne la lutte contre l'abandon, le plan d'urgence (PU) a repris des objectifs anciens en les inscrivant dans un échéancier de réalisation lointain. Cependant, 13 années après l'adoption de la charte, les taux des déperditions scolaires se sont légèrement améliorés, mais le problème des abandons et redoublement et des sorties prématurées du système demeurent effrayantes même au niveau de l'enseignement obligatoire.
Les abandons du système éducatif sur la période 2008-2012 sont considérables ; ils représentent 1,51 millions d'enfants dont la plus grande partie relève du primaire (498 000, 32,8%) et du collégial (644185, 42,53%) : soit 75% au niveau de l'enseignement obligatoire.
La moyenne annuelle des abandons sur la période est de 378 000 enfants dont 124 000 au primaire et 161 000 au collégial.
Au cours de la période 2008-2012, 2,92 millions enfants ont redoublé dans le système (simplement du primaire au lycée) et la plus grande partie des redoublants se situe au primaire : soit 50,08 % des effectifs. En seconde position se trouve les redoublants du collège (29,63%).
La moyenne annuelle des redoublants sur la période est de 732 000. Elle est de 366 800 au primaire et de 217 000 au collégial. Il s'agit d'un gâchis considérable d'autant plus qu'il se situe dans le cycle obligatoire de l'enseignement et qu'il représente souvent un prélude aux abandons scolaires.
4. De faibles niveaux d'achèvement des cycles d'enseignement :
Conséquences de ce gâchis, sur la période du programme d'urgence les taux de non achèvement de la scolarité sont très élevés à tous les niveaux y compris dans l'enseignement supposé obligatoire.
En 2012, le taux moyen de non achèvement de la scolarité est de 37%, de 13,8% au primaire, de 34,7% au collégial et de 62,5% au lycée. Sur la base de ces chiffres ce sont 1,511 millions d'enfants au primaire, 483 000 au collégial et 479 000 enfants au lycée qui sont privés de finir la scolarité dont 962 000 enfants au stade de la scolarité obligatoire.
Quel est le sens de la généralisation de l'éducation dans ces conditions ?
Ces données sur le non achèvement de la scolarité à des âges précoces viennent confirmer des constats similaires effectués auparavant.
En 2000, parmi la population de 15 à 34 années des sortants du système éducatifs, les sans diplômes ont représenté 67% de l'ensemble et les diplômés de l'enseignement fondamental 24 % : soit 91 % pour l'ensemble.
En 2009, la structure des sortants du système éducatif reste globalement assez semblable à celle du début de la décennie: les sans diplômes représentent 62%, les sortants avec un niveau de l'enseignement fondamental 28%, l'enseignement supérieur 4%.
Ainsi à la fin de la décennie 2000, l'entrée sur le marché du travail au Maroc – autre objectif de la charte - reste fortement dominée par les sans diplômes et ceux qui ont un niveau du fondamental (90%).
On est en droit de se poser la question de la responsabilité de cette situation où une « ...frange de notre jeunesse n'arrive pas à réaliser ses aspirations légitimes aux niveaux professionnel, matériel et social » (discours du roi Aout 2013).
5. La qualité et les acquisitions de l'enseignement : les bases et les fondamentaux non acquis pour la grande majorité des élèves
Le niveau et la qualité des acquisitions sont essentiels pour apprécier les résultats scolaires. Ceci se fait par des études d'évaluations nationales et internationales.
Les études internationales d'évaluation des acquis scolaires
Le TIMSS 2003 et le PIRLS 2006 mettent en évidence la faiblesse des performances des élèves marocains en sciences, en mathématiques et en lecture.
Déjà à l'approche de la fin de la décennie, le rapport du Conseil Supérieur de l'Enseignement (CSE, 2008) a présenté une analyse qui débouche sur le constat de la non-réalisation de l'essentiel des objectifs de la charte et des problèmes éducatifs non résolus.
Dans le cadre de ce diagnostic, la situation de la gouvernance du système éducatif a été jugée très préoccupante. Dans ce contexte le Programme d'Urgence (PU) a été préparé à la hâte et présenté comme le nouveau souffle et le moyen de réaliser les objectifs non réalisés de la charte de l'éducation.
Plan d'urgence 2009-2012
Le PU, à son tour, a déclaré placer l'apprenant au cœur du système d'éducation et de formation, recentrer les apprentissages sur les connaissances et les compétences de base... et s'est fixé rendre effective l'obligation de scolarité jusqu'à l'âge de 15 ans et d'assurer pratiquement la réalisation de tous les objectifs de la charte.
Il a été structuré en quatre Espaces déclinés en 27 projets. Chacun regroupe un ensemble de composantes et de mesures qui méritent d'être évalués de manière précise et spécifique.
Fait marquant, le programme d'urgence a nécessité un effort de financement exceptionnel estimé à 43,7 milliards DH sur la période 2009-2012. Simplement cet effort financier considérable justifie largement une évaluation fine du programme et une soumission des responsables à une reddition des comptes.
1. La lutte contre l'analphabétisme : l'illusion des bénéficiaires et la réalité de l'analphabétisme
L'analphabétisme est un problème qui handicape sérieusement le développement humain et l'économie marocaine, ce qui se manifeste clairement dans le classement très peu satisfaisant du pays dans différents indicateurs internationaux et également sur le plan de la productivité globale du pays.
Selon une étude de la Direction de la lutte contre l'alphabétisation, 1% d'analphabétisme engendre un manque à gagner équivalent à 1,3% du PIB soit 10,3 milliards de dhs en 2010.
Des moyens limités et des résultats douteux
Entre 2007 et 2008, le budget de l'alphabétisation était de 110 millions de dhs ; il a augmenté à 150 millions en 2009 et s'est situé à 210 millions en 2012. Son accroissement depuis 2009 est imputable principalement à la contribution substantielle de la coopération internationale.
Selon les données officielles, les effectifs des bénéficiaires des différentes opérations d'alphabétisation ont augmenté de manière substantielle. Les bénéficiaires des programmes d'alphabétisation airaient progressé de 450 000 en 2003 à 702 000 en 2011.
En fait le nombre des bénéficiaires (des inscrits) est peu significatif pour apprécier les personnes effectivement alphabétisées. Sachant que les taux d'abandon sont généralement élevés, en réalité les résultats sont beaucoup plus limités.
Mesurer le progrès réalisé par les bénéficiaires d'alphabétisation est une illusion. Entre 2003 et 2011, on a déclaré environ 5 millions de bénéficiaires de l'alphabétisation.
Même en appliquant le taux de rendement officiel de 70 % (1), les personnes alphabétisées seraient uniquement de 3,5 millions ce qui représente une moyenne de 437 000 personnes par an. Ce qui représente peu par rapport à une population estimée à 11 ou 12 millions d'analphabètes.
2. L'illusion de la généralisation obligatoire
La généralisation du préscolaire annoncée en 2004 ou plutôt la baisse des effectifs !
Les effectifs du préscolaire se situent à un niveau très modeste qui est très loin de s'approcher de sa généralisation envisagée pourtant par la charte de l'éducation en 2004. Ses effectifs ont plutôt baissé toute la période du PU de 2008-2012; ils sont passés de 70 349 en 2008 à 66 041 en 2012.
En plus, si une définition rigoureuse conforme aux requis et standards du préscolaire moderne était retenue, les effectifs du préscolaire ne dépasseraient pas 20 % à 25 % de l'ensemble des effectifs actuellement déclarés.
La Scolarité obligatoire : des effectifs en évolution plate
Sur la période, les effectifs de l'enseignement public ont connu une progression modeste : de 5,59 millions élèves en 2008-9, ils passent à 5,76 en 2012. Dans le primaire public, l'effectif n'a pratiquement pas changé avec 3,49 millions en 2008 à 3,50 millions en 2012.
Il en est de même pour l'effectif collégial avec respectivement 1,37 et 1,38 millions élèves au début et à la fin de la période. L'évolution la plus visible a concerné les lycéens dont l'effectif est passé de 731 000 en 2008 à 879 269 en 2012 (+ 148 000 enfants de plus).
3. Progression de la scolarisation et 378 000 abandons par an dans l'enseignement obligatoire !
En ce qui concerne la lutte contre l'abandon, le plan d'urgence (PU) a repris des objectifs anciens en les inscrivant dans un échéancier de réalisation lointain. Cependant, 13 années après l'adoption de la charte, les taux des déperditions scolaires se sont légèrement améliorés, mais le problème des abandons et redoublement et des sorties prématurées du système demeurent effrayantes même au niveau de l'enseignement obligatoire.
Les abandons du système éducatif sur la période 2008-2012 sont considérables ; ils représentent 1,51 millions d'enfants dont la plus grande partie relève du primaire (498 000, 32,8%) et du collégial (644185, 42,53%) : soit 75% au niveau de l'enseignement obligatoire.
La moyenne annuelle des abandons sur la période est de 378 000 enfants dont 124 000 au primaire et 161 000 au collégial.
Au cours de la période 2008-2012, 2,92 millions enfants ont redoublé dans le système (simplement du primaire au lycée) et la plus grande partie des redoublants se situe au primaire : soit 50,08 % des effectifs. En seconde position se trouve les redoublants du collège (29,63%).
La moyenne annuelle des redoublants sur la période est de 732 000. Elle est de 366 800 au primaire et de 217 000 au collégial. Il s'agit d'un gâchis considérable d'autant plus qu'il se situe dans le cycle obligatoire de l'enseignement et qu'il représente souvent un prélude aux abandons scolaires.
4. De faibles niveaux d'achèvement des cycles d'enseignement :
Conséquences de ce gâchis, sur la période du programme d'urgence les taux de non achèvement de la scolarité sont très élevés à tous les niveaux y compris dans l'enseignement supposé obligatoire.
En 2012, le taux moyen de non achèvement de la scolarité est de 37%, de 13,8% au primaire, de 34,7% au collégial et de 62,5% au lycée. Sur la base de ces chiffres ce sont 1,511 millions d'enfants au primaire, 483 000 au collégial et 479 000 enfants au lycée qui sont privés de finir la scolarité dont 962 000 enfants au stade de la scolarité obligatoire.
Quel est le sens de la généralisation de l'éducation dans ces conditions ?
Ces données sur le non achèvement de la scolarité à des âges précoces viennent confirmer des constats similaires effectués auparavant.
En 2000, parmi la population de 15 à 34 années des sortants du système éducatifs, les sans diplômes ont représenté 67% de l'ensemble et les diplômés de l'enseignement fondamental 24 % : soit 91 % pour l'ensemble.
En 2009, la structure des sortants du système éducatif reste globalement assez semblable à celle du début de la décennie: les sans diplômes représentent 62%, les sortants avec un niveau de l'enseignement fondamental 28%, l'enseignement supérieur 4%.
Ainsi à la fin de la décennie 2000, l'entrée sur le marché du travail au Maroc – autre objectif de la charte - reste fortement dominée par les sans diplômes et ceux qui ont un niveau du fondamental (90%).
On est en droit de se poser la question de la responsabilité de cette situation où une « ...frange de notre jeunesse n'arrive pas à réaliser ses aspirations légitimes aux niveaux professionnel, matériel et social » (discours du roi Aout 2013).
5. La qualité et les acquisitions de l'enseignement : les bases et les fondamentaux non acquis pour la grande majorité des élèves
Le niveau et la qualité des acquisitions sont essentiels pour apprécier les résultats scolaires. Ceci se fait par des études d'évaluations nationales et internationales.
Les études internationales d'évaluation des acquis scolaires
Le TIMSS 2003 et le PIRLS 2006 mettent en évidence la faiblesse des performances des élèves marocains en sciences, en mathématiques et en lecture.
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