La transition politique tunisienne est plus que chaotique et une crise sur le projet de nouvelle constitution paralyse le processus de démocratisation.
Près de deux ans et demi après la chute du régime de Zine El-Abidine Ben Ali, la transition politique reste tumultueuse en Tunisie. Une crise qui paralyse le processus démocratique du berceau des "printemps arabes".
En désaccord sur le projet de nouvelle constitution, ni l'opposition ni Ennahda, le parti islamiste au pouvoir, ne cèdent sur leurs revendications.
Ennahda soutient l'idée d'un "dialogue national", sous le parrainage du puissant syndicat UGTT, et se dit favorable à la formation d'un gouvernement apolitique dès lors qu'un consensus aura été trouvé sur la Constitution et les élections. La coalition d'opposition, qui organise toujours des manifestations quotidiennes à Tunis, réclame, de son côté, la démission du cabinet actuel et la mise en place d'un gouvernement de technocrates avant toute négociation sur la Constitution et les élections.
Le réalisme politique d'Ennahda
Pourtant, souligne Pierre Vermeren, historien du Maghreb contemporain à l'université Paris 1, la Tunisie reste le "laboratoire de la démocratisation dans le monde arabe". "C'est là que cela a commencé et que les choses peuvent encore aboutir", estime-t-il. A condition que les responsables politiques soient à la hauteur.
Rached Ghannouchi n'entend pas subir le même sort que ses "frères" en Egypte. "On sent un grand sens politique chez lui, analyse Pierre Vermeren. Il connait très bien l'histoire de la Tunisie, ses valeurs et son aversion dans la violence."
Depuis que le parti est au pouvoir, Ennahda a toujours fait des concessions majeures. Que cela soit sur la place de la Charia (loi islamique) dans la Constitution, le statut des femmes, la mise en place éventuelle d'un gouvernement apolitique, aucun sujet n'a été évité. Le premier ministre Ali Larayaredh a même jugé le mouvement salafiste Ansar Al Charia, responsable des assassinats non-revendiquées des opposants de gauche Chokri Belaid (6 février) et Mohamed Brahmi (25 juillet).
Le devoir de réussir la révolution
La Tunisie peut s'appuyer sur une société civile déterminée et dynamique pour mener à bien les projets de la "évolution de Jasmin". "Il existe une élite intellectuelle en Tunisie beaucoup plus libre et affranchie qu'au Maroc ou en Algérie", rappelle Pierre Vermeren. Un volontarisme incarné par le syndicat UGTT, institution la plus solide et légitime du pays. "L'UGTT, qui a porté la révolution, a un pouvoir de contrainte sur le gouvernement", ajoute l'historien.
Les handicaps apparents sont peut-être sa chance: le plus petit du Maghreb ne dispose pas de pétrole ni d'économie de rente, et ne possède surtout pas de poids géopolitique: "La Tunisie n'a pas reçu le soutien des pays du Maghreb. Ceux des pays du Golfe, surtout le Qatar, ou de l'Union Européenne a été très timide, explique Pierre Vermeren. Elle doit se débrouiller seule. Cette autonomie est une chance."
Ansar Al-Charia, le péril de la révolution
Radicalement hostile au processus politique actuel, le mouvement Ansar Al Charia a été interdit depuis mai 2013 pour avoir proféré des menaces de "guerre" contre le gouvernement lors de son Congrès. Torturés et traqués sous Ben Ali, les membres du mouvement salafiste ont été libérés grâce à une amnistie générale post-révolutionnaire.
Le mouvement est soupçonné d'être proche des groupes djihadistes actifs dans le mont Chaambi, à la frontière algérienne, à l'origine d'actes terroristes qui se sont soldés par une quinzaine de morts au sein de l'armée depuis décembre. "Aujourd'hui isolé, marginalisé, décrédibilisé, Ansar Al charia n'a rien à perdre et peut entretenir la violence pour saboter le processus démocratique", conclut Pierre Vermeren
Par Yassine Khiri
lexpress.fr
Près de deux ans et demi après la chute du régime de Zine El-Abidine Ben Ali, la transition politique reste tumultueuse en Tunisie. Une crise qui paralyse le processus démocratique du berceau des "printemps arabes".
En désaccord sur le projet de nouvelle constitution, ni l'opposition ni Ennahda, le parti islamiste au pouvoir, ne cèdent sur leurs revendications.
Ennahda soutient l'idée d'un "dialogue national", sous le parrainage du puissant syndicat UGTT, et se dit favorable à la formation d'un gouvernement apolitique dès lors qu'un consensus aura été trouvé sur la Constitution et les élections. La coalition d'opposition, qui organise toujours des manifestations quotidiennes à Tunis, réclame, de son côté, la démission du cabinet actuel et la mise en place d'un gouvernement de technocrates avant toute négociation sur la Constitution et les élections.
Le réalisme politique d'Ennahda
Pourtant, souligne Pierre Vermeren, historien du Maghreb contemporain à l'université Paris 1, la Tunisie reste le "laboratoire de la démocratisation dans le monde arabe". "C'est là que cela a commencé et que les choses peuvent encore aboutir", estime-t-il. A condition que les responsables politiques soient à la hauteur.
Rached Ghannouchi n'entend pas subir le même sort que ses "frères" en Egypte. "On sent un grand sens politique chez lui, analyse Pierre Vermeren. Il connait très bien l'histoire de la Tunisie, ses valeurs et son aversion dans la violence."
Depuis que le parti est au pouvoir, Ennahda a toujours fait des concessions majeures. Que cela soit sur la place de la Charia (loi islamique) dans la Constitution, le statut des femmes, la mise en place éventuelle d'un gouvernement apolitique, aucun sujet n'a été évité. Le premier ministre Ali Larayaredh a même jugé le mouvement salafiste Ansar Al Charia, responsable des assassinats non-revendiquées des opposants de gauche Chokri Belaid (6 février) et Mohamed Brahmi (25 juillet).
Le devoir de réussir la révolution
La Tunisie peut s'appuyer sur une société civile déterminée et dynamique pour mener à bien les projets de la "évolution de Jasmin". "Il existe une élite intellectuelle en Tunisie beaucoup plus libre et affranchie qu'au Maroc ou en Algérie", rappelle Pierre Vermeren. Un volontarisme incarné par le syndicat UGTT, institution la plus solide et légitime du pays. "L'UGTT, qui a porté la révolution, a un pouvoir de contrainte sur le gouvernement", ajoute l'historien.
Les handicaps apparents sont peut-être sa chance: le plus petit du Maghreb ne dispose pas de pétrole ni d'économie de rente, et ne possède surtout pas de poids géopolitique: "La Tunisie n'a pas reçu le soutien des pays du Maghreb. Ceux des pays du Golfe, surtout le Qatar, ou de l'Union Européenne a été très timide, explique Pierre Vermeren. Elle doit se débrouiller seule. Cette autonomie est une chance."
Ansar Al-Charia, le péril de la révolution
Radicalement hostile au processus politique actuel, le mouvement Ansar Al Charia a été interdit depuis mai 2013 pour avoir proféré des menaces de "guerre" contre le gouvernement lors de son Congrès. Torturés et traqués sous Ben Ali, les membres du mouvement salafiste ont été libérés grâce à une amnistie générale post-révolutionnaire.
Le mouvement est soupçonné d'être proche des groupes djihadistes actifs dans le mont Chaambi, à la frontière algérienne, à l'origine d'actes terroristes qui se sont soldés par une quinzaine de morts au sein de l'armée depuis décembre. "Aujourd'hui isolé, marginalisé, décrédibilisé, Ansar Al charia n'a rien à perdre et peut entretenir la violence pour saboter le processus démocratique", conclut Pierre Vermeren
Par Yassine Khiri
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