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L'indécision en Syrie : le prix politique du fiasco irakien

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  • L'indécision en Syrie : le prix politique du fiasco irakien

    Edito du "Monde". Il y a trente-deux ans, John Kerry, de retour du Vietnam, où il avait servi comme lieutenant, prononçait un vibrant plaidoyer contre la guerre devant les sénateurs américains et haranguait les manifestants dans les meetings pacifistes. Aujourd'hui, John Kerry, chef de la diplomatie dans l'équipe du président Obama, est le défenseur le plus ardent d'une intervention militaire en Syrie pour sanctionner le recours aux armes chimiques.

    Toute l'éloquence et la conviction dont le secrétaire d'Etat américain est capable ne peuvent pourtant masquer un fait majeur de cette affaire syrienne : l'opinion publique américaine et l'ensemble des opinions européennes sont massivement hostiles à une action militaire de leurs pays contre le régime de Bachar Al-Assad. Ce retournement des opinions, par comparaison avec de précédentes interventions alliées, est une donnée essentielle de l'équation syrienne et complique considérablement la tâche des quelques dirigeants favorables à l'usage de la force internationale.
    Les chiffres sont spectaculaires. L'institut de recherche sur les relations transatlantiques German Marshall Fund relève, dans onze pays étudiés (les Etats-Unis et dix pays européens), une augmentation unanime de l'opposition à une intervention armée en Syrie par rapport à 2012. Cette opposition est passée de 63 % à 75 % en Allemagne, de 59 % à 70 % en Grande-Bretagne, de 50 % à 65 % en France, de 55 % à 62 % aux Etats-Unis. En Turquie, dont le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, appelle même au renversement du régime syrien – ce qu'évitent soigneusement les responsables américains et ceux de l'UE –, l'opinion publique est contre une intervention à une majorité de 72 %.

    En France, comme le montre un sondage IFOP publié samedi 7 septembre par Le Figaro, le décrochage du soutien à une éventuelle intervention a connu une très forte accélération au cours des derniers jours : si, en août, 55 % des Français se disaient favorables à une action militaire internationale, ils ne sont plus à présent que 36 %.

    Cette évolution de l'opinion est à l'exact opposé de ce que l'on a connu au moment des interventions au Kosovo, en Serbie, et au début de la guerre en Afghanistan, lorsque l'action des coalitions alliées était comprise et appuyée par le public. L'intervention en Bosnie s'est faite sur fond de "diplomatie d'opinion". Plus récemment, l'engagement militaire français en Libye puis au Mali a été approuvé par plus des deux tiers des Français – près des trois quarts, même, pour le Mali.

    Que s'est-il passé ? Il y a, bien sûr, un phénomène de lassitude des pays occidentaux, qui voient depuis 2001 leurs forces engagées dans des conflits sans issue claire ni satisfaisante. Il y a la nature des rebelles syriens, leurs divisions, la présence de djihadistes parmi eux, leurs méthodes et leurs bavures sur vidéo. Il y a le désarroi face à l'évolution de ce qui avait commencé en 2011 comme un "printemps arabe". Il y a aussi, et surtout, le fiasco irakien, dont le prix politique, dix ans après, explose à la face de l'administration américaine. David Cameron l'a payé chèrement aux Communes le 29 août. François Hollande le paie aussi, même si la France s'était tenue à l'écart de l'aventure irakienne.

    S'ils veulent réussir, les exécutifs favorables à des frappes militaires doivent donc redoubler d'efforts pour convaincre leur représentation nationale, mais aussi leurs concitoyens.


    LE MONDE
    07.09.2013
    كلّ إناءٍ بما فيه يَنضَح
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