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Syrie : coup de maître diplomatique, coup de bluff stratégique ?

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  • Syrie : coup de maître diplomatique, coup de bluff stratégique ?


    Syrie : coup de maître diplomatique, coup de bluff stratégique ?

    Alors que la question de l’opportunité de frappes sur la Syrie était discutée au Congrès avant de passer au Sénat américain, la Russie a démontré une fois de plus son intelligence diplomatique en proposant à la Syrie rien moins que la mise sous tutelle de l’arsenal syrien, suivi de sa destruction et l’adhésion de la Syrie à l’OIAC.

    En fait, la proposition est la « mise au pied du mur » d’une déclaration du secrétaire d’Etat américain qui répondait à une journaliste : « Bien entendu il (Bachar al-Assad NDLR) pourrait restituer l’intégralité de son arsenal chimique à la communauté internationale, dans la semaine à venir, tout rendre, tout sans délai (…) Mais il n’est pas prêt de le faire, et il ne le peut pas ».

    Il y a encore deux semaines, avant que la décision de tir ne soit attribuée à Bachar Al Assad par la synthèse nationale de renseignement, l’hypothèse semblait encore valable : « doublé » par ses propres troupes, Al Assad n’aurait plus eu le contrôle sur son arsenal et cette « mise à l’abri » constituait une mesure de sûreté… convenant à toutes les parties et donc susceptible de faire consensus.

    Mais cette hypothèse se heurtait à une réalité très concrète : comment, dans un pays en guerre et dont les différentes factions (1) se partagent plus ou moins l’ensemble du territoire, rassembler un arsenal pour ensuite l’exfiltrer et le détruire ? Cette problématique est toujours aussi sensible aujourd’hui : la proposition est sensée mais elle se heurte à la question du « comment ».

    1) Le génie diplomatique russe

    Quel est la « mécanique » de la manoeuvre russe qui, c’est évident, est un coup de maître diplomatique ?

    - Moscou a offert une solution apte à soulager l’administration Obama. Le fait qu’elle ait répondu aussi rapidement à la proposition russe en reportant le vote au sénat est en soi indicative du fait que Washington ne voulait pas s’engager en Syrie. La France est dans une posture similaire à celle des Etats-Unis mais souffre de son positionnement ouvertement anti-Al Assad. Aussi, la contre-manoeuvre visant à garantir l’application de la proposition russe par une résolution contraignante à l’ONU (et impliquant donc la Russie) est-elle intelligente mais aussi une manière, pour Paris, de limiter les dégâts…

    - La Russie évite aux forces loyalistes de subir des frappes qui, après la décision américaine de faire passer la question des frappes au Congrès, auraient essentiellement visé des infrastructures conventionnelles et auraient donc contribué à affaiblir un peu plus la position des loyalistes.

    - Au-delà, même si la France et les Etats-Unis décident de lancer une opération sur la Syrie, Damas aura encore gagné un peu de temps pour sa préparation défensive.

    - Bachar Al Assad, au demeurant, peut ainsi faire montre de bonne volonté. De là à ce que la proposition russe ne constitue l’amorce d’une possibilité de dialogue, il y a cependant un pas qu’il serait prudent de ne pas franchir trop vite…

    - Moscou elle-même se positionne comme une partie de la solution alors qu’elle était jusque là considérée comme une partie du problème, en bloquant systématiquement toutes les initiatives lancées à l’ONU.

    2) Un bluff stratégique ?

    Si la proposition diplomatique russe est brillante, la situation sur le terrain pose toutefois la question de ses effets stratégiques, la diplomatie n’étant jamais que l’une des composantes de la stratégie intégrale d’un Etat.

    Personne ne voulant s’engager au sol en Syrie – en deux ans, personne ne semble d’ailleurs avoir eu l’idée de proposer le déploiement d’une force d’interposition à l’ONU – il est douteux qu’un Etat veuille effectivement déployer des forces qui permettraient de collecter, escorter et exfiltrer l’armement chimique syrien (2). Cette exfiltration est la part critique de l’équation : en matière de destruction, des usines existent en Russie ou aux Etats-Unis.

    Certes, les forces syriennes pourraient le faire. Mais c’est ouvrir la porte à la suspicion, Damas pouvant très bien chercher à conserver une dissuasion a minima, ne serait-ce qu’à l’égard d’Israël… Au demeurant, que fait-on si Damas ne s’exécute pas, sachant que les forces syriennes ont, pour l’heure, une guerre civile sur les bras ?

    La question de l’exfiltration de l’armement n’est pas la seule : il s’agit aussi de démanteler laboratoires et centres de recherche aussi bien qu’usines de production. Là aussi, entamer des travaux nécessitant prudence et patience, dans un pays en guerre civile, apparaît complexe.

    In fine, l’acceptation de la proposition pourrait certes éloigner le spectre des frappes mais remettre son application sine die, signifiant concrètement que les loyalistes conserveraient leur armement ; une situation qui n’est dans l’intérêt ni de la France, ni des Etats-Unis.

    3) Les limites de la contre-prolifération chimique

    Au-delà du concret du cas syrien, l’affaire démontre la difficulté du travail de contre-prolifération dans le domaine du chimique – mais le raisonnement est tout aussi valable pour le nucléaire ou le biologique. La destruction physique est délicate, d’autant plus si l’Etat en question bénéficie de temps pour renforcer ses mesures défensives ; le droit international ne vaut que lorsque l’Etat décide volontairement de s’y soumettre ; les initiatives diplomatiques en cours de crise sont soumises à la contingence.

    En cette matière comme dans d’autres, l’avantage va, en fait, à celui qui prend l’initiative, plaçant les Etats respectant les règles devant un fait accompli – une leçon en soi pour les partisans des études de sécurité et les laudateurs de la « solution politique » (qui confondent d’ailleurs « politique » et « diplomatie », la force étant la première des options politiques, au moins par ses conséquences).

    Or, l’affaire syrienne est de mauvais augure : démontrant l’impuissance des Etats, elle constitue une source de leçons pour ceux qui seraient tentés par l’aventure prolifératoire.

    J. Henrotin

    DSI
    "Les petits esprits parlent des gens, les esprits moyens parlent des événements, les grands esprits parlent des idées, et les esprits supérieurs agissent en silence."

  • #2
    « Bien entendu il (Bachar al-Assad NDLR) pourrait restituer l’intégralité de son arsenal chimique à la communauté internationale, dans la semaine à venir, tout rendre, tout sans délai (…) Mais il n’est pas prêt de le faire, et il ne le peut pas ».

    La tendance générale n était pas pour la guerre , et pas facile aussi de perdre la face pour les américains , donc c est venu a point pour que tous trouvent leurs comptes , sauf sans doute les qataris et les saouds .

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    • #3
      « Bien entendu il (Bachar al-Assad NDLR) pourrait restituer l’intégralité de son arsenal chimique à la communauté internationale, dans la semaine à venir, tout rendre, tout sans délai (…) Mais il n’est pas prêt de le faire, et il ne le peut pas ».
      .
      De son droit d évoquer le pays voisin , en l occurrence Israël
      A qui sait comprendre , peu de mots suffisent

      Commentaire

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