Marginaux et méconnaissant l'islam, ces jeunes isolés et autoradicalisés reviennent avec l'aura du combattant.
Censée financer un djihad idéalisé, l'opération de Pieds Nickelés a tourné au calamiteux fiasco. L'affaire des cinq islamistes écroués pour avoir braqué, le 4 septembre dernier, le restaurant Quick de Coignières (Yvelines) afin de payer leur départ pour la Syrie est symptomatique du profil des apprentis terroristes poussant en germe sur notre territoire. Ceux que Manuel Valls appelle «les ennemis de l'intérieur».
Munis d'armes factices, âgés de 23 à 34 ans, ils avaient raflé à peine 2500 euros en espèces avant de fuir. Sans imaginer une seconde qu'ils étaient surveillés depuis des mois par le contre-espionnage et la Direction du renseignement de la Préfecture de police de Paris (DRPP). Les policiers les avaient détectés le 16 septembre 2012, lors d'un rassemblement de protestation organisé place de la Concorde contre le film L'Innocence des musulmans, qui avait ulcéré la galaxie islamique.
Jusqu'alors inconnus de la justice - hormis l'un d'eux, condamné en 2005 pour vol aggravé, convertis pour certains, tous actifs dans les manifestations contre l'islamophobie, ces marginaux ont tour à tour été cueillis en région parisienne et à Châteauroux (Indre). Mis en examen pour «vol avec arme et complicité de vol en relation avec une entreprise terroriste», ces Français ont reconnu vouloir prendre le chemin de Damas pour rejoindre la rébellion hostile au régime de Bachar al-Assad. Un de leurs acolytes, originaire de Trappes (Yvelines), aurait déjà fait le voyage.
<b /> Selon Manuel Valls, il y a actuellement «120 Français ou résidents en France» qui combattent en Syrie, sans qu'il soit toujours possible d'établir s'ils se battent avec l'Armée syrienne libre (ASL) ou au sein du foisonnant maquis des groupes islamistes radicaux. À eux seuls, ils représenteraient environ 60 % de la totalité de nos compatriotes engagés dans les rangs d'al-Qaida à l'étranger. «Romantisme de l'action extérieure»
Pour nombre d'experts, tenter d'esquisser leur profil revient à faire de la psychiatrie tant ces candidats sont désocialisés et en quête de repères. «Ces convertis font preuve d'une ignorance pyramidale de l'islam, ne parlent pas l'arabe et n'ont jamais lu le Coran, observe Alain Chouet, ancien chef du renseignement à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Autoradicalisés et embrigadés par des imams wahhabites prêchant le retour à l'âge d'or du Prophète, ils sont bercés dans une sorte de romantisme de l'action extérieure et de la résistance à l'oppression.» La propagande d'Internet achève de vriller les esprits. Plusieurs vidéos, visionnées des milliers de fois sur YouTube, appellent les Français à la «guerre sainte» contre la «tyrannie de Bachar».
Les vocations se cristallisent devant l'ordinateur et forment ce que l'antiterrorisme nomme désormais le «nomadisme individuel». «Les candidats au djihad partent seuls et assez facilement vers la Syrie, note Alain Chouet. Aucune filière organisée n'est nécessaire. Il suffit de prendre un autocar pour Istanbul, où la plupart des résidents européens peuvent se rendre sans passeport ni visa, puis de traverser la Turquie jusqu'à la frontière syrienne où les aspirants djihadistes sont pris en charge. Au total, le voyage aura coûté entre 300 et 500 euros…»
Une fois en Syrie, ces apprentis français connaissent des lendemains qui déchantent. «Considérés sur place avec mépris parce qu'ils ne savent pas se battre et ne connaissent rien à la géographie ni à la réalité de cette guerre, les petits volontaires français sont souvent relégués à faire la cuisine, à porter l'eau et les gamelles», assure un spécialiste. En d'autres termes, rares sont finalement ceux qui ont l'occasion de se battre d'emblée les armes à la main, à l'image du chef rebelle franco-syrien Abdel Rahman Ayachi, alias Abou Hajar, mort en «martyr» le 19 juin dernier. Mais les Européens auraient la réputation d'apprendre vite sur le tas.
Faute de pouvoir disposer de sources humaines fiables dans les zones de conflits, les services peinent à déterminer si les djihadistes vont juste au contact des groupes armés, s'ils offrent un appui logistique, fût-il, modeste ou s'ils sont éjectés vers les camps de réfugiés. «Pour donner le change, ils se mettent un joli keffieh sur la tête et une kalachnikov en bandoulière pour parader sur Facebook», à l'image de Nicolas et de son défunt frère Jean-Daniel, djihadistes toulousains.
Appelés à revenir en France avec l'aura du combattant pour recruter d'autres radicaux et susceptibles d'avoir appris le maniement des explosifs, ces bataillons d'apprentis djihadistes constituent une bombe à retardement. Car la justice ne saurait les punir sans preuve. Surveiller chacun d'eux sera donc le défi, pour ne pas dire la gageure, que devra relever la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) sachant qu'une dizaine de fonctionnaires sont parfois nécessaires pour contrôler un seul suspect. Or, l'affaire Merah a montré que le moindre relâchement peut virer à la tragédie.
Source: Le Figaro
Censée financer un djihad idéalisé, l'opération de Pieds Nickelés a tourné au calamiteux fiasco. L'affaire des cinq islamistes écroués pour avoir braqué, le 4 septembre dernier, le restaurant Quick de Coignières (Yvelines) afin de payer leur départ pour la Syrie est symptomatique du profil des apprentis terroristes poussant en germe sur notre territoire. Ceux que Manuel Valls appelle «les ennemis de l'intérieur».
Munis d'armes factices, âgés de 23 à 34 ans, ils avaient raflé à peine 2500 euros en espèces avant de fuir. Sans imaginer une seconde qu'ils étaient surveillés depuis des mois par le contre-espionnage et la Direction du renseignement de la Préfecture de police de Paris (DRPP). Les policiers les avaient détectés le 16 septembre 2012, lors d'un rassemblement de protestation organisé place de la Concorde contre le film L'Innocence des musulmans, qui avait ulcéré la galaxie islamique.
Jusqu'alors inconnus de la justice - hormis l'un d'eux, condamné en 2005 pour vol aggravé, convertis pour certains, tous actifs dans les manifestations contre l'islamophobie, ces marginaux ont tour à tour été cueillis en région parisienne et à Châteauroux (Indre). Mis en examen pour «vol avec arme et complicité de vol en relation avec une entreprise terroriste», ces Français ont reconnu vouloir prendre le chemin de Damas pour rejoindre la rébellion hostile au régime de Bachar al-Assad. Un de leurs acolytes, originaire de Trappes (Yvelines), aurait déjà fait le voyage.
<b /> Selon Manuel Valls, il y a actuellement «120 Français ou résidents en France» qui combattent en Syrie, sans qu'il soit toujours possible d'établir s'ils se battent avec l'Armée syrienne libre (ASL) ou au sein du foisonnant maquis des groupes islamistes radicaux. À eux seuls, ils représenteraient environ 60 % de la totalité de nos compatriotes engagés dans les rangs d'al-Qaida à l'étranger. «Romantisme de l'action extérieure»
Pour nombre d'experts, tenter d'esquisser leur profil revient à faire de la psychiatrie tant ces candidats sont désocialisés et en quête de repères. «Ces convertis font preuve d'une ignorance pyramidale de l'islam, ne parlent pas l'arabe et n'ont jamais lu le Coran, observe Alain Chouet, ancien chef du renseignement à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE). Autoradicalisés et embrigadés par des imams wahhabites prêchant le retour à l'âge d'or du Prophète, ils sont bercés dans une sorte de romantisme de l'action extérieure et de la résistance à l'oppression.» La propagande d'Internet achève de vriller les esprits. Plusieurs vidéos, visionnées des milliers de fois sur YouTube, appellent les Français à la «guerre sainte» contre la «tyrannie de Bachar».
Les vocations se cristallisent devant l'ordinateur et forment ce que l'antiterrorisme nomme désormais le «nomadisme individuel». «Les candidats au djihad partent seuls et assez facilement vers la Syrie, note Alain Chouet. Aucune filière organisée n'est nécessaire. Il suffit de prendre un autocar pour Istanbul, où la plupart des résidents européens peuvent se rendre sans passeport ni visa, puis de traverser la Turquie jusqu'à la frontière syrienne où les aspirants djihadistes sont pris en charge. Au total, le voyage aura coûté entre 300 et 500 euros…»
Une fois en Syrie, ces apprentis français connaissent des lendemains qui déchantent. «Considérés sur place avec mépris parce qu'ils ne savent pas se battre et ne connaissent rien à la géographie ni à la réalité de cette guerre, les petits volontaires français sont souvent relégués à faire la cuisine, à porter l'eau et les gamelles», assure un spécialiste. En d'autres termes, rares sont finalement ceux qui ont l'occasion de se battre d'emblée les armes à la main, à l'image du chef rebelle franco-syrien Abdel Rahman Ayachi, alias Abou Hajar, mort en «martyr» le 19 juin dernier. Mais les Européens auraient la réputation d'apprendre vite sur le tas.
Faute de pouvoir disposer de sources humaines fiables dans les zones de conflits, les services peinent à déterminer si les djihadistes vont juste au contact des groupes armés, s'ils offrent un appui logistique, fût-il, modeste ou s'ils sont éjectés vers les camps de réfugiés. «Pour donner le change, ils se mettent un joli keffieh sur la tête et une kalachnikov en bandoulière pour parader sur Facebook», à l'image de Nicolas et de son défunt frère Jean-Daniel, djihadistes toulousains.
Appelés à revenir en France avec l'aura du combattant pour recruter d'autres radicaux et susceptibles d'avoir appris le maniement des explosifs, ces bataillons d'apprentis djihadistes constituent une bombe à retardement. Car la justice ne saurait les punir sans preuve. Surveiller chacun d'eux sera donc le défi, pour ne pas dire la gageure, que devra relever la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) sachant qu'une dizaine de fonctionnaires sont parfois nécessaires pour contrôler un seul suspect. Or, l'affaire Merah a montré que le moindre relâchement peut virer à la tragédie.
Source: Le Figaro
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