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Etats-Unis–Russie : «Remise à zéro» et échec d'Obama

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  • Etats-Unis–Russie : «Remise à zéro» et échec d'Obama

    Écrit par Sergei Karaganov




    Lorsqu’il a annulé sa rencontre au sommet de Moscou avec le président russe Vladimir Poutine, le président des États-Unis Barack Obama a, en fait, mis fin à ses efforts de « remise à zéro » des relations entre les deux pays. La rencontre des deux présidents au dernier Sommet du G20 à St-Petersburg était cordiale, mais n’a pas encore changé l’état des choses. Les échanges rhétoriques acérés ont continué, malgré la nouvelle initiative de la Russie sur les armes chimiques de la Syrie.

    L’échec de la « remise à zéro » ne devrait surprendre personne, vu ses fondations minées. En fait, même si la cause immédiate de la décision d’Obama d’annuler le sommet de Moscou était l’asile temporaire accordé par Poutine à Edward Snowden, un contractuel américain du renseignement, les relations entre ces deux pays sont tendues depuis longtemps. Ainsi en 2011, les États-Unis et ses alliés ont lancé une série de bombardements aériens à grande échelle sur la Libye après avoir réussi à convaincre l’ancien président de la Russie, Dmitri Medvedev de ne pas s’opposer à une résolution des Nations unies visant à imposer une zone d’interdiction de survol au-dessus de la Libye, ce qui a contribué à abattre le régime. Une manœuvre diplomatique que les dirigeants russes n’ont pas manqué par la suite de qualifier de « trompeuse ».
    Depuis le retour de Poutine à la présidence l’an dernier, les relations se sont détériorées davantage, en raison de différends portant sur la réduction des armements, les systèmes de défense antimissiles et les droits de la personne. Par exemple, à la fin de l’année dernière, le Congrès américain a imposé des sanctions aux responsables russes impliqués dans des violations des droits de la personne, incitant la Russie à instaurer une interdiction sur les adoptions par les familles américaines.
    De plus, même si Obama et Poutine pourraient en arriver à un accord sur le retrait des armes chimiques de la Syrie, la politique américaine est encore en faveur de l’expulsion du président Bashar al-Assad, alors que la Russie continue de soutenir le régime, en raison de sa peur d’un effondrement qui aboutirait dans un gouvernement radical dirigé par les sunnites, ou au chaos. Plus à l’est, les États-Unis et la Russie avaient convenu de coopérer pour la transition d’après-guerre en Afghanistan, mais ce n’est pas ce qui est en train de se passer.
    Pourtant, les différends portant sur des questions ont immanquablement affaibli les liens entre la Russie et les États-Unis, les vraies raisons de l’effritement des relations des deux pays étant plus fondamentales. Au lieu de reconnaître l’évolution géopolitique, et d’ajuster leurs relations en conséquence, les responsables américains et russes se sont cantonnés dans une dynamique périmée digne de la guerre froide. Alors que la Russie et les États-Unis ont encore les moyens de se détruire mutuellement plus qu’une fois, pendant longtemps, aucun des deux pays n’avait l’intention de le faire. L’admission qu’il n’y avait plus aucune menace d’attaque directe aurait cependant été politiquement impossible dans le sillage de la guerre froide, alors que l’équilibre international semblait encore reposer sur la pierre d’achoppement de l’impasse bilatérale.
    L’éventualité d’un déclenchement d’une attaque nucléaire par un pays contre l’autre paraît aujourd’hui presque ridicule. Compte tenu de tout cela, l’héritage de la guerre froide devrait laisser la place à des questions plus pressantes. Comme celles de s’assurer que la Chine reste pacifique, d’empêcher le chaos actuel dans le monde arabe de se répandre dans d’autres régions, de limiter l’étendue de la prolifération des armes nucléaires et de contribuer aux initiatives internationales qui s’attaquent aux problèmes de changements climatiques, de pénuries d’eau, de sécurité alimentaire et de cybercriminalité. Mais, au lieu de poursuivre des initiatives conjointes visant à avancer les intérêts des deux pays dans ces domaines, les États-Unis ont proposé des réductions des armements nucléaires comme premier mécanisme de la remise à zéro diplomatique. Les diplomates russes, dont les perspectives demeurent largement influencées par la guerre froide, ont accepté avec empressement la proposition. Et, en un tour de main, l’ancienne dynamique du désarmement est réapparue, comme l’amitié nostalgique de vieux complices. Les négociations qui ont suivi ont produit le nouveau traité de réduction des armes nucléaires (le traité New START) que l’on a tant vanté et qui, même s’il a peu fait pour avancer le désarmement, a donné un élan politique aux deux parties, et a renforcé les relations bilatérales. Mais ces progrès ont vite atteint le point mort, la Russie rejetant les propositions américaines d’autres réductions, particulièrement pour les armes nucléaires tactiques – une filière d’armement où la Russie est en avance. La Russie, dont l’arsenal nucléaire représente l’un des derniers piliers de son statut de « grande puissance », a déclaré qu’elle ne consentirait à d’autres réductions qu’après une offre d’accord juridiquement contraignante des États-Unis que son bouclier antimissile en Europe ne serait pas dirigé vers la Russie. Du point de vue de la Russie, qui est, probablement du domaine de la conjoncture, un tel bouclier pourrait intercepter ses missiles balistiques intercontinentaux, représentant donc une menace stratégique. Dans l’espoir de sortir de l’impasse, Obama a signalé sa volonté d’en arriver à un compromis. Mais Poutine était peu enclin à rendre la pareille, ne fût-ce qu’en raison que cela aurait ouvert la voie à de nouvelles réductions d’armes nucléaires. Qui plus est, les membres de l’élite militaire et politique de la Russie espéraient utiliser une partie des revenus pétroliers du pays pour déployer une nouvelle génération de missiles balistiques intercontinentaux. Et il semble que certains Russes se sont mis à croire à leur propre propagande à propos du danger que représente le bouclier antimissile européen.
    En focalisant sur le désarmement nucléaire et le traité New START, la stratégie de remise à zéro d’Obama a remilitarisé les relations entre la Russie et les États-Unis, tout en marginalisant les questions qui auraient pu réorienter les liens bilatéraux vers l’avenir. En ce sens, l’initiative était vouée à l’échec dès le début, et c’est le monde entier qui en pâtit.
    Les dirigeants des deux pays devraient reconnaître ce qui devrait maintenant être évident: la réduction des armes nucléaires ne peut plus servir d’assise fiable pour des relations bilatérales.
    Les États-Unis et la Russie ont le choix de se couper l’herbe sous le pied à la moindre occasion et partout où ils le peuvent. Ou ils peuvent tirer parti du refroidissement de leurs relations pour concevoir un nouveau programme de coopération tourné vers l’avenir qui vise les problèmes planétaires, comme l’instabilité permanente au Moyen-Orient. La Russie comme les États-Unis ne peuvent à eux seuls résoudre les problèmes mondiaux. Mais, ensemble, et avec la Chine, ils pourraient mener le monde vers un avenir plus stable et plus prospère.

    * Sergei Karaganov, président d’honneur du Présidium du Conseil sur la politique étrangère et de défense, est doyen de l’Ecole d’économies internationales et des affaires étrangères à l’Université des écoles supérieures de recherche en économie.

    reporters.dz
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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