Propos recueillis par Sonia Lyes
Ancien ministre, Abdelaziz Rahabi revient dans cet entretien sur le dernier remaniement ministériel opéré par le président Abdelaziz Bouteflika et l’enjeu de la présidentielle de 2014.
Comment interprétez-vous les derniers changements opérés par Bouteflika au sein de l'armée et le récent remaniement ministériel ?
Ils sont le prolongement direct de ce qui s’est passé au sein du FLN quelques semaines plus tôt et renseignent sur la volonté du clan présidentiel de peser dans la prochaine échéance électorale. Il est regrettable que l’armée soit citée dans ces conditions car cela ne renforce pas le consensus national autour de ses missions et la rend perméable aux influences externes. Il est encore plus regrettable que le chef suprême des forces armées se prête à ce jeu de chaises au lieu de veiller à la mettre à l’abri de ce débat public.
Elle devrait, à mon sens, mettre toute son énergie dans un processus sérieux de professionnalisation et de rajeunissement de son commandement et promouvoir une industrie de défense en mesure d’assurer notre autonomie stratégique pour garantir dans la durée la sécurité de l’Algérie. La nature des menaces extérieures a changé et les défis à relever sont bien plus importants pour l’Algérie que les luttes de pouvoir qui peuvent miner la cohésion de son commandement. Elle devrait tirer les enseignements de 2004, s’éloigner de la tentation politique et se conformer à ses missions constitutionnelles.
D'aucuns lient ces changements à l'enjeu de la présidentielle. Comment percevez-vous ce rendez-vous ?
Ce changement n’est pas technique car il a placé les fidèles du Président aux postes clés et fermé toute perspective de transition démocratique. J’exclus personnellement l’organisation d’un quelconque scrutin. Le clan présidentiel n’a pas d’autres candidats que Bouteflika. Or celui-ci ne peut pas se présenter dans les conditions de santé actuelles, alors il ne lui reste que l’option d’un prolongement de deux années de son mandat actuel. C’est largement suffisant pour classer les grosses affaires de corruption qui touchent quelques fidèles et peser dans le choix de son successeur pour leur garantir une certaine immunité.
Et comment peut-on interpréter l'absence de candidats à six mois seulement de ce rendez-vous électoral ?
C’est le propre des systèmes fermés dans lesquels la présidence à vie rend l’exercice politique aléatoire, c’est pour cela que l’on compte en Algérie plus de courtisans que d’hommes politiques porteurs de projets alternatifs. Le jeu politique est fermé et on considère que si le Président se représente, toute élection devient superflue. Je n’exclus pas cependant que cette fois-ci, en raison de l’état de santé du Président, que des candidats s’engagent en tenant beaucoup plus compte des dernières expériences dans le monde arabe que de l’évolution interne de notre propre système.
Dans ce contexte, l’évolution de la situation ne prête guère à l’optimisme…
Le gouvernement est en train de mettre en place les conditions d’une instabilité prochaine parce qu’il mise sur le court terme. Il a ainsi adopté une politique clientéliste en accordant des crédits sur des fonds publics sans garanties de remboursement, de même qu’il a effacé les dettes des fellahs, parce qu’ils constituent un réservoir électoral, et gonflé les effectifs de la fonction publique au moment où il fallait la réformer. Il fait des promesses de logements avec des programmes qui pourront au mieux être réalisés après 2030. À force de vouloir acheter les consciences et la paix sociale et de créer des attentes sociales, il hypothèque les finances publiques et engage l’Algérie dans une démarche populiste dont elle paiera les conséquences un jour.
TSA
Ancien ministre, Abdelaziz Rahabi revient dans cet entretien sur le dernier remaniement ministériel opéré par le président Abdelaziz Bouteflika et l’enjeu de la présidentielle de 2014.
Comment interprétez-vous les derniers changements opérés par Bouteflika au sein de l'armée et le récent remaniement ministériel ?
Ils sont le prolongement direct de ce qui s’est passé au sein du FLN quelques semaines plus tôt et renseignent sur la volonté du clan présidentiel de peser dans la prochaine échéance électorale. Il est regrettable que l’armée soit citée dans ces conditions car cela ne renforce pas le consensus national autour de ses missions et la rend perméable aux influences externes. Il est encore plus regrettable que le chef suprême des forces armées se prête à ce jeu de chaises au lieu de veiller à la mettre à l’abri de ce débat public.
Elle devrait, à mon sens, mettre toute son énergie dans un processus sérieux de professionnalisation et de rajeunissement de son commandement et promouvoir une industrie de défense en mesure d’assurer notre autonomie stratégique pour garantir dans la durée la sécurité de l’Algérie. La nature des menaces extérieures a changé et les défis à relever sont bien plus importants pour l’Algérie que les luttes de pouvoir qui peuvent miner la cohésion de son commandement. Elle devrait tirer les enseignements de 2004, s’éloigner de la tentation politique et se conformer à ses missions constitutionnelles.
D'aucuns lient ces changements à l'enjeu de la présidentielle. Comment percevez-vous ce rendez-vous ?
Ce changement n’est pas technique car il a placé les fidèles du Président aux postes clés et fermé toute perspective de transition démocratique. J’exclus personnellement l’organisation d’un quelconque scrutin. Le clan présidentiel n’a pas d’autres candidats que Bouteflika. Or celui-ci ne peut pas se présenter dans les conditions de santé actuelles, alors il ne lui reste que l’option d’un prolongement de deux années de son mandat actuel. C’est largement suffisant pour classer les grosses affaires de corruption qui touchent quelques fidèles et peser dans le choix de son successeur pour leur garantir une certaine immunité.
Et comment peut-on interpréter l'absence de candidats à six mois seulement de ce rendez-vous électoral ?
C’est le propre des systèmes fermés dans lesquels la présidence à vie rend l’exercice politique aléatoire, c’est pour cela que l’on compte en Algérie plus de courtisans que d’hommes politiques porteurs de projets alternatifs. Le jeu politique est fermé et on considère que si le Président se représente, toute élection devient superflue. Je n’exclus pas cependant que cette fois-ci, en raison de l’état de santé du Président, que des candidats s’engagent en tenant beaucoup plus compte des dernières expériences dans le monde arabe que de l’évolution interne de notre propre système.
Dans ce contexte, l’évolution de la situation ne prête guère à l’optimisme…
Le gouvernement est en train de mettre en place les conditions d’une instabilité prochaine parce qu’il mise sur le court terme. Il a ainsi adopté une politique clientéliste en accordant des crédits sur des fonds publics sans garanties de remboursement, de même qu’il a effacé les dettes des fellahs, parce qu’ils constituent un réservoir électoral, et gonflé les effectifs de la fonction publique au moment où il fallait la réformer. Il fait des promesses de logements avec des programmes qui pourront au mieux être réalisés après 2030. À force de vouloir acheter les consciences et la paix sociale et de créer des attentes sociales, il hypothèque les finances publiques et engage l’Algérie dans une démarche populiste dont elle paiera les conséquences un jour.
TSA
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