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Il y a vingt-cinq ans, Octobre 88 : La résolution violente d’une crise du régime

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  • Il y a vingt-cinq ans, Octobre 88 : La résolution violente d’une crise du régime

    Écrit par Chaffik Benhacène


    Les évènements d’Octobre 1988 devraient relever de l’histoire et, de fait, s’y inscrivent dans le registre imposé de l’opacité caractéristique de la gestion du passé par le régime autoritaire en place depuis 1962.


    Vingt-cinq ans après, la littérature, les travaux ou les témoignage qui auraient fait des comptes rendus, éclairés, de ces journées, où le destin de l’Algérie, relativement à toutes choses égales par ailleurs, a basculé dans un tourbillon aussi imprévisible que violent et dans lequel le cynisme le disputait aux leurres et aux illusions, demeurent rares.
    Le discours du 19 septembre 1988 du président Chadli Bendjedid, d’autant plus remarquable par sa virulence et sa critique de la marche des affaires publiques qu’il était prononcé dans un climat de tension perceptible à Alger et notamment de mise en cause de proches du chef de l’Etat dans des affaires de corruption, a-t-il été l’embrayeur de l’accélération des journées d’Octobre ?
    Il confirme à tout le moins que le régime en place sous l’autorité formelle du FLN était confronté à une crise profonde, dont la sortie présidentielle n’esquissait pas clairement l’issue.
    S’agissait-il seulement de l’un de ces « étés chauds » dont la capitale algérienne était réputée avoir le secret ?

    Une crise du centre et au centre
    Aujourd’hui encore, il est particulièrement difficile d’établir le cours des évènements, d’en identifier avec une précision acceptable les acteurs, et les seules certitudes portent sur le recours aux violences dirigées contre des commissariats de police et des locaux du FLN qui accréditèrent l’émeute d’une dimension politique.
    Aucune topographie des émeutes d’Octobre n’existe qui aurait sans doute permis d’en circonscrire le champ réel et d’en mesurer la faible diffusion sur l’ensemble du territoire national, leur impact indiscutable sur l’opinion provenant d’abord de la violence des images d’Alger largement diffusées par les télévisions à travers le monde.
    Le fait politique majeur de ces jours de confusion, de violences fut l’appel à l’armée pour « rétablir l’ordre », et au-delà de toute considération, Octobre 1988 s’inscrit dans l’histoire algérienne en chiffres dramatiques d’une répression sans précédent avec son cortège implacable d’atteintes aux droits humains et aux libertés. A ce jour, le bilan des victimes des journées d’Octobre demeure encore objet de controverses.
    Si la violence de la crise et sa nature clairement politique étaient relevées dans l’appel signé par dix-huit personnalités nationales – dont l’actuel chef de l’Etat – au président Bendjedid, c’était bien ce dernier qui était à la manœuvre qui sortait de son chapeau un inattendu acteur islamiste dont les porte-paroles encore largement inconnus étaient spectaculairement reçus à la Présidence.
    Dans un discours radiotélévisé au ton dramatique, le président Bendjedid signifiait avoir tiré les enseignements de la crise et annonçait l’organisation, le 3 novembre, d’un référendum portant sur l’amendement de l’article 3 de la Constitution de 1976.
    Un amendement qui allait marquer l’entrée de l’Algérie politique dans une nouvelle ère, moins celle de la pluralité que celle de la fin de l’unicité partisane.
    Ainsi donc, tout semblait se passer comme si le pouvoir répondait quasi directement à des revendications explicitement politiques portées par les émeutiers d’Alger.

    Un printemps à Alger
    Beaucoup a été écrit et continue de s’écrire sur Octobre 88 à Alger dans une confusion objectivement maintenue entre les journées d’émeute et sur celles qui ont suivi.
    Anticipant sur l’esprit de l’amendement projeté, un climat d’exceptionnelle effervescence dominait Alger avec notamment, dans le sillage de la violence de la répression, l’émergence du Comité national contre la torture, les nouvelles exigences de respect de l’information portées par des journalises, la réactivation spectaculaire de la problématique des droits de l’Homme, tout cela sous le regard un peu surpris d’envoyés spéciaux de la presse internationale réinventant à Alger le Printemps de Prague.
    Il est d’ailleurs notable que ce problématique printemps algérois d’hier soit aujourd’hui opposé, par le régime algérien, sous la pression des bouleversements actuels dans le monde arabe, au non moins problématique « printemps arabe » d’aujourd’hui.
    Il est encore plus remarquable qu’une large partie de ce qui est identifié comme « pôle démocratique » en Algérie ait constitué ces jours d’Octobre 88 comme socle de la construction démocratique et il suffit de rappeler que, pour l’essentiel, les acteurs clandestins et/ou en exil de l’opposition au régime – PAGS, FFS, organisations trotskystes – ont peu ou pas pesé du tout sur des évènements qu’ils ne pouvaient intégrer dans leurs agendas.
    L’irruption remarquable de segments d’une société civile algérienne – principalement à Alger et en confrontation avec les institutions du pouvoir – balisait aussi objectivement les desseins de réforme du régime dont l’amendement de la Constitution en novembre et la reconduction du président Bendjedid à la tête de l’Etat en décembre étaient des séquences importantes.

    Le coût sanglant de la réforme
    Au lendemain du référendum du 3 novembre, le paysage politique national était appelé à un aggiornamento sans précédent. Non seulement des « associations à caractère politique » étaient agréées qui mettaient fin au monopole partisan du FLN, mais en plus, celui-ci, ainsi que la hiérarchie des services de sécurité devaient connaître un sévère toilettage.
    Il ne fait pas de doute que les clés des sanglantes journées d’Octobre 88 se trouvent, au moins en large partie, dans ces changements opérés par le chef de l’Etat, qui consacrent moins un changement de têtes qu’un changement de cap.
    Faudra-t-il de ce point de vue revenir sur les conditions de l’accession du président
    Bendjedid à la direction de l’Etat et du FLN et remettre en discussion la thèse récurrente du choix de « l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé ». De n’avoir pas été, alors, le candidat le plus visible à la succession n’en faisait pas pour autant un président de transition ou encore plus malléable que d’autres.
    L’examen des seuls faits indique non seulement la précocité, mais la cohérence d’une démarche de rupture avec les legs du président Boumediene d’abord soumis à une forme spectaculaire d’audit, puis à une stratégie tranchée de recomposition dont la politique dite de restructuration sera l’enseigne dans tous les secteurs d’activité, y compris les médias et la presse.
    Si d’autres indicateurs de la volonté de libéraliser le régime étaient nécessaires, la levée relative des interdits sur la guerre d’indépendance – dont l’institution du 19 mars 1962 comme fête légale en 1984 et surtout la réinhumation solennelle des cendres de Krim Belkacem au Carré des martyrs d’El Alia à la date symbolique du 1er Novembre – suffirait à l’établir.
    Ce sont ces changements progressifs, mais tout à fait décisifs dans la conduite des affaires publiques qui allaient être au principe de l’opération d’enrichissement de la « charte nationale » en mai 1986 qui focalisera, pour la première fois dans l’espace public national, des expressions politiques contradictoires et un inédit débat dans la presse algérienne entre défenseurs de la réforme – dans les titres gouvernementaux – et ceux de « l’orthodoxie socialiste » dans les organes du parti. Les résultats du référendum auront laissé des frustrations au sein du cercle présidentiel et une fracture sans précédent dans le système de pouvoir en place.
    5 Octobre, alors que Révolution africaine, dans un éditorial au vitriol rappelait le Président, secrétaire général du parti, au respect des statuts du FLN et la primauté du comité central, Algérie Actualité stigmatisait, pour sa part, sur fond de grève à la SNVI de Rouiba, les menées d’une gauche improbable.
    Ce même jour se répandait à travers le pays la nouvelle d’arrestation de militants du PAGS ou classés à gauche. Exactement comme si Alger répétait le scénario de Constantine de novembre 1986.
    Le 23 février 1989, la nouvelle constitution scellait le nouveau rapport de force au sein du régime.

    REPORTERS.DZ
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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