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Pétrole : "La guerre du Kippour a été un tournant"

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  • Pétrole : "La guerre du Kippour a été un tournant"

    La guerre du Kippour a eu lieu il y a 40 ans. Elle a bouleversé le marché pétrolier et mené à l'émergence de l'Opep. Interview.


    PROPOS RECUEILLIS À MUNICH PAR FRÉDÉRIC THERIN

    Philippe Chalmin est le directeur de Cyclope, une société d'études spécialisée dans l'analyse des marchés mondiaux des matières premières. Cet expert reconnu juge que la guerre du Kippour, qui a eu lieu il y a tout juste 40 ans, a fait prendre conscience aux pays producteurs que c'était eux et non pas les compagnies qui pouvaient contrôler la planète pétrolière...

    Le Point.fr : Quelles ont été les conséquences de la guerre du Kippour sur le marché pétrolier ?

    Philippe Chalmin : La guerre du Kippour a été un tournant, car l'embargo pétrolier qui a été imposé pour des raisons purement politico-militaires a fait prendre conscience aux pays producteurs de leur puissance économique. Jusqu'alors, le prix du pétrole était contrôlé par les compagnies et la guerre a éclaté au beau milieu d'un bras de fer entre ces dernières et les pays producteurs qui souhaitaient obtenir de meilleures royalties. Avec l'embargo, les pays ont compris que c'étaient eux qui avaient le pouvoir et un sous-produit de ce conflit a été l'émergence de l'Opep [Organisation des pays exportateurs de pétrole, NDLR] qui est devenue un cartel de producteurs capable d'imposer ses prix au reste du monde. Le pouvoir a changé de mains avec la guerre et cela a duré un bon moment...

    La première décision de l'Opep a été de provoquer une flambée des prix du baril, ce qui a déclenché la première crise pétrolière.

    Les prix du baril ont plus que triplé lors de la crise de 1973 pour passer de 4 à 13 dollars. Mais c'est le second choc pétrolier de 1979-1980 qui a été la crise de trop. L'Opep a en réalité mal géré la rente qu'elle percevait, car, en encourageant une flambée des prix, elle a permis à certaines ressources, qui étaient jusqu'alors trop coûteuses à exploiter, de devenir rentables. Les parts de marché des pays membres de l'Opep ont alors commencé à décliner pour atteindre aujourd'hui à peine un tiers de la production mondiale de pétrole. L'Arabie saoudite a été le premier pays de l'Opep à sentir le danger venir quand il a décidé en 1985 de vendre sa production à des prix inférieurs à ceux imposés par l'organisation basée à Vienne. Mais ce choix a déclenché une chute brutale du pétrole qui est passé de 40 à moins de 10 dollars le baril.

    L'or noir est alors devenu une matière première "comme les autres" ?

    Exactement. Le pétrole, qui était contrôlé par un cartel, est devenu une simple "commodity" répondant aux lois du marché. Et cette situation n'a pas changé depuis. Pour résumer, c'est la loi de l'offre et de la demande qui définit les prix du baril. Il est clair que l'Opep a gardé un certain pouvoir par le biais des quotas de production qu'elle définit pour chacun de ses membres, mais cette influence sur la demande est limitée, car de nombreux autres pays produisent de l'or noir. Et puis aujourd'hui, les gens savent qu'il reste du pétrole dans le sous-sol. La peur de voir les gisements se tarir à tout jamais a disparu.

    Cela n'a pourtant pas empêché le cours du baril de dépasser les 100 dollars...

    C'est vrai, mais les pays producteurs sont aujourd'hui devenus totalement dépendants de leur pétrole et la plupart de ces États doivent vendre leur baril au moins 70 ou 80 dollars pour équilibrer leurs budgets. La majorité de ces nations souffrent aussi d'une certaine instabilité politique et de corruption. Ces incertitudes gonflent les prix du baril. C'est pour cela que je parle de "malédiction du pétrole". Regardez la crise syrienne par exemple. Ce pays ne produit pas de pétrole, mais il suffit que les États-Unis menacent de le bombarder pour que le prix du baril s'envole de 10 dollars, car les investisseurs craignent que de telles attaques déclenchent une crise régionale impliquant de nombreuses nations productrices de pétrole.

    Nous ne sommes donc pas près de voir un baril retomber sous la barre des 40 dollars comme à la fin de l'année 2008 ?

    Je ne le crois pas. Le prix du baril, qui varie entre 100 et 120 dollars, a trouvé un certain équilibre qui satisfait à peu près tout le monde. Je ne pense donc pas à d'importantes baisses. Par contre, un problème dans un pays producteur pourrait avoir des conséquences considérables à la hausse.
    LE POINT
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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