La décennie obscure, après la noire et la rouge
Visibilité nulle. D'un côté on a un homme malade, âgé, qui a déjà mangé trois fois le pays avec trois mandats de suite, un homme qui est assis, qui parle peu et qui sait que les mandats à vie finissent mal pour les dictateurs et leurs terres. Donc, l'homme ne peut pas se présenter logiquement à un quatrième mandat, doit ouvrir le champs de course à de plus jeunes, doit assurer une transition douce dans un monde de brutes et doit nous pardonner à tous, même si ce n'est pas nous, de ne pas lui avoir donné la présidence en 78 et arrêter de médire auprès de ses visiteurs étrangers. Organiquement un quatrième mandat serait un drame, autant que le troisième a été une erreur. Le bonhomme ne peut pas aller plus loin que son âge d'ailleurs. Sauf que d'un autre côté, le bonhomme vient de placer un fidèle au Conseil constitutionnel, un autre au ministère de l'Intérieur, un autre à celui de la Justice et il a le chef des armées dans une main et les marionnettes dans une autre. Tout indique, même à un gardien de but burkinabé, que le bonhomme va se présenter à sa propre succession.
Et du coup, personne ne sait plus quoi penser. La visibilité sur le cas algérien approche dangereusement du zéro net et précis. Et cela pèse sur les esprits, les cafés et les milieux d'affaires. Personne n'ose décider de son argent ou de l'avenir de ses enfants face à ce cas de mathématique folle. Personne n'a la bonne explication. On n'a même pas un seul candidat à seulement sept mois d'une présidentielle qui va être ausculté par le monde comme un cas de figure unique dans le monde dit « arabe ». A sept mois nous n'avons même pas les amusements habituels de sales guerres, de déclarations fracassantes, de folles intox et des prises de position. Rien. Tous assis sur la chaise qui roule. Pays montgolfière au souffle d'un dormeur qui chuchote une vielle histoire qui le concerne. Est-on vivants ? Ou seulement un seul d'entre nous ? Pour le moment rien. L'Algérie mange bien, ne fait pas la guerre aux autres, collabore avec les puissants et regarde les matchs de son équipe de foot importée. Mais le pays devient monstrueusement inexplicable. Un dangereux vide et une étrange résignation. Le bonhomme a réussi à rendre immobile une partie de ce peuple. L'autre partie est devenue encore plus servile.
Conclusion ? Apres la décennie noire et celle rouge, on a abouti à la décennie obscure. Celle où on ne voit même pas ses propres orteils même en écarquillant les yeux. Pauvre pays aux allumettes.
par Kamel Daoud
Le Quotidien d'Oran
Visibilité nulle. D'un côté on a un homme malade, âgé, qui a déjà mangé trois fois le pays avec trois mandats de suite, un homme qui est assis, qui parle peu et qui sait que les mandats à vie finissent mal pour les dictateurs et leurs terres. Donc, l'homme ne peut pas se présenter logiquement à un quatrième mandat, doit ouvrir le champs de course à de plus jeunes, doit assurer une transition douce dans un monde de brutes et doit nous pardonner à tous, même si ce n'est pas nous, de ne pas lui avoir donné la présidence en 78 et arrêter de médire auprès de ses visiteurs étrangers. Organiquement un quatrième mandat serait un drame, autant que le troisième a été une erreur. Le bonhomme ne peut pas aller plus loin que son âge d'ailleurs. Sauf que d'un autre côté, le bonhomme vient de placer un fidèle au Conseil constitutionnel, un autre au ministère de l'Intérieur, un autre à celui de la Justice et il a le chef des armées dans une main et les marionnettes dans une autre. Tout indique, même à un gardien de but burkinabé, que le bonhomme va se présenter à sa propre succession.
Et du coup, personne ne sait plus quoi penser. La visibilité sur le cas algérien approche dangereusement du zéro net et précis. Et cela pèse sur les esprits, les cafés et les milieux d'affaires. Personne n'ose décider de son argent ou de l'avenir de ses enfants face à ce cas de mathématique folle. Personne n'a la bonne explication. On n'a même pas un seul candidat à seulement sept mois d'une présidentielle qui va être ausculté par le monde comme un cas de figure unique dans le monde dit « arabe ». A sept mois nous n'avons même pas les amusements habituels de sales guerres, de déclarations fracassantes, de folles intox et des prises de position. Rien. Tous assis sur la chaise qui roule. Pays montgolfière au souffle d'un dormeur qui chuchote une vielle histoire qui le concerne. Est-on vivants ? Ou seulement un seul d'entre nous ? Pour le moment rien. L'Algérie mange bien, ne fait pas la guerre aux autres, collabore avec les puissants et regarde les matchs de son équipe de foot importée. Mais le pays devient monstrueusement inexplicable. Un dangereux vide et une étrange résignation. Le bonhomme a réussi à rendre immobile une partie de ce peuple. L'autre partie est devenue encore plus servile.
Conclusion ? Apres la décennie noire et celle rouge, on a abouti à la décennie obscure. Celle où on ne voit même pas ses propres orteils même en écarquillant les yeux. Pauvre pays aux allumettes.
par Kamel Daoud
Le Quotidien d'Oran
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