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A LA VEILLE DE LA TRIPARTITE La guerre des capitalismes algériens

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  • A LA VEILLE DE LA TRIPARTITE La guerre des capitalismes algériens

    A LA VEILLE DE LA TRIPARTITE
    La guerre des capitalismes algériens



    Le soir du 09/10/2013
    Par Badr’Eddine Mili



    Il n’échappe à personne que le débat sur le libéralisme et l’étatisme ouvert ces derniers mois, en Algérie, à partir de certaines tribunes — FCE, Cnes, UGTA, presse nationale et cercle d’économistes — lève, enfin, le voile sur la guerre que se livrent les capitalismes algériens qui font connaître, désormais, ouvertement, leurs options et leurs prétentions, alors que sonne l’heure de la succession avec ses reclassements politiques et économiques prévisibles.

    L’observateur, soucieux de vérité, doit se poser les questions qu’il faut, au sujet de ce débat et chercher en quoi il est, par son brusque surgissement sur la place publique et la véhémence de sa tonalité, significative des affrontements, hier feutrés, aujourd’hui brutaux, qui opposent des forces concurrentes, porteuses de propositions tranchées sur l’avenir de l’Algérie. Et s’il veut saisir les déterminants et le sens de ces affrontements, cet observateur doit en établir la traçabilité et inscrire son investigation dans une perspective qui dépasse les limites étroites du seul aspect économique, en intégrant dans sa réflexion tous les paramètres historiques, politiques, sociaux et culturels susceptibles de l’aider à obtenir une visibilité globale et claire des problèmes de fond qu’ils posent.
    En cette fin de cinquantenaire qui fut, tout au long d’une année, un puissant révélateur sur les réels positionnements et orientations idéologiques et politiques, passés et présents, de bon nombre d’acteurs de la scène nationale, il est plus que temps de mettre un nom et un visage - les vrais - sur toutes ces forces qui veulent, pour les unes, sauvegarder, à tout prix, le pouvoir qu’elles détiennent et pour les autres, s’emparer du rôle politique et économique dirigeant que la Révolution du 1er Novembre 1954 leur avait dénié pour des raisons historiques connues de tous.

    Il n’est point nécessaire d’être Adam Smith, Marx, Schumpeter ou Friedman pour le faire. Le dernier des cambistes de la place Port-Saïd vous dira que ces forces sont au nombre de trois : le capitalisme d’Etat, le capitalisme informel, le capitalisme légal, tous entretenus par la rente pétrolière, quelques fois alliés pour maintenir, en place, le système qui arrange leurs affaires, quelques fois adversaires, se disputant le leadership du pouvoir d’Etat quand les appétits et les aspirations à un meilleur statut se font plus aigus. Tous trois ont une histoire, une «philosophie» et une stratégie qui leur confèrent des caractères et des profils identifiables bien que de nombreuses connexions et connivences rendent confuses la délimitation des frontières qui les séparent.

    I- Le capitalisme d’Etat
    Le capitalisme d’Etat fondé sur la propriété et la gestion publiques des moyens de production et de distribution est né après le 19 juin 1965, lorsque Houari Boumediène porta un net coup d’arrêt à l’expérience socialiste entamée par Ahmed Ben Bella, en application du Programme de Tripoli, parce qu’elle était, selon lui, inspirée d’un modèle étranger, parrainé par «les pieds rouges» conseillers du «Frère militant» et soutenu, «en contradiction avec les valeurs spirituelles et culturelles de la nation», par une coalition de gauche rassemblant l’aile progressiste du FLN et des éléments de l’ancien Parti communiste algérien, interdit en 1962. Le système que le président du Conseil de la Révolution fit succéder au socialisme autogestionnaire n’en fut pas moins calqué sur le modèle soviétique puisqu’il reposa sur l’édification d’une base économique constituée de plusieurs combinats et complexes industriels dirigés par les cadres de la haute administration et de l’armée, les principales souches d’une bourgeoisie, d’un genre inédit, qualifiée, tantôt, d’anti-compradore, tantôt, de bureaucratique. De 1965 à 1978, les effets, encore actifs du contenu social de la Révolution de Novembre, la vivacité des luttes populaires et les rapports de forces internationaux qui penchaient en faveur du camp socialiste, ont imposé à cette bourgeoisie embryonnaire qui avançait masquée, un projet de développement nationaliste et progressiste et des acquis tangibles – emploi, logement, médecine gratuite – tels qu’elle n’avait d’alternative que d’intégrer les rangs d’une large alliance des «forces vives» (travailleurs, paysans, étudiants, jeunes et femmes) consacrée par la Charte nationale de 1976, le secteur privé jugé «exploiteur et antinational» ayant été exclu de ce pacte.

    Rappelant, par certains côtés, le capitalisme d’Etat égyptien, régénéré par Nasser, ce capitalisme, le pouvoir révolutionnaire algérien voulut lui donner comme matrice et ascendance les premières formes de production contrôlées par l’Etat, à l’époque de Kheïreddine puis de l’Emir Abdelkader auxquels les historiens avaient attribué des politiques publiques de développement dans l’industrie navale et l’industrie de l’armement.

    Mais la comparaison s’arrête ici, la réalité étant que le capitalisme d’Etat de Mehemet Ali, avec sa banque Misr et ses grandes manufactures de coton, avait une carrure plus imposante que celle du format algérien, artificiellement greffé à un mode de production féodal dont le coriace atavisme expliqua la brièveté de son existence et son incapacité à survivre à la colonisation. D’autant que l’organisation hanséatique du commerce qui fut à l ’origine de l’ascension de la bourgeoisie en Europe, était, ici, méconnue, la course et le mode de fonctionnement autocratique du pouvoir ottoman interdisaient l’évolution vers un système similaire. Il se trouve, cependant, que malgré ce handicap congénital, le capitalisme d’Etat, version contemporaine entreprit, dès 1965, de rattraper ce retard historique et tenter de tenir le pari d’économiser la phase capitaliste classique et donner naissance à un modèle social équilibré et juste ainsi que ses premiers théoriciens se plaisaient à le promettre.

    Et de fait, ce capitalisme-là réussit «le miracle algérien» avec la mise en place d’un réseau «d’industries industrialisantes» d’une densité et d’un effet d’entraînement qui faillirent rompre avec la fatalité de la dépendance extérieure si une culture industrielle bien ancrée dans le tissu social algérien n’avait pas fait défaut et si le lourd endettement qu’il provoqua n’avait pas obéré et freiné la tentative de décollage, le pétrole algérien ayant été déclaré «rouge» dès sa nationalisation en 1972. A cause, précisément, de ces vices qui entachèrent sa naissance et son expansion, ce capitalisme s’essouffla à la survenue de la première crise mondiale, annonciatrice d’une imminente banqueroute qui obligea les successeurs de Houari Boumediène à «libéraliser» l’économie, sur les injonctions du FMI, pour se protéger de la vague meurtrière qui menaçait leurs intérêts de classe.

    La bourgeoisie d’Etat prit sur elle de rompre, sans état d’âme, le compromis social auquel elle avait été forcée, au départ, et décida de procéder à la «restructuration» de l’économie qui prit la forme de la casse et du bradage d’une industrie financée à coups de privations et de sacrifices, par l’épargne publique. Cette opération fut menée par les chargés de mission de la Banque mondiale recrutés, pour les besoins de la cause, par Chadli Bendjedid et Abdelhamid Brahimi qui en firent payer le prix fort aux classes populaires et aux classes moyennes réduites au chômage et à la paupérisation et jetées à la déchèterie d’une privatisation sauvage, avec l’aval d’une UGTA mise au pas depuis 1967. Forcée de céder aux nouvelles fortunes informelles, nées dans son giron, et au capitalisme légal, son vieil «opposant», une partie du patrimoine national, dans des conditions opaques, elle se retrancha derrière une politique anachronique de «sauvetage», par l’argent du contribuable, d’un secteur devenu ingérable du fait de son vieillissement, de la faiblesse de ses rendements et de la médiocrité de son management encadré par les Fonds de participation et, plus tard, par les holdings et les sociétés de participation de l’Etat, les nouveaux symboles institutionnels de l’incompétence et de la dilapidation.

    Le recul que cette bourgeoisie officielle dut subir, de plein fouet, ouvrit les portes à l’invasion du bazar qui, de là où il était tapi – c’est-à-dire dans les arcanes de l’Etat – fit, immédiatement et sans ménagement, connaître son intention de monter à l’assaut du pouvoir et d’y asseoir son hégémonie, après avoir confisqué, à son profit, les révoltes populaires de 1986 et 1988. C’était en juin 1990.

    ./..
    Othmane BENZAGHOU

  • #2
    II- Le capitalisme informel
    Ainsi que son qualificatif l’indique, ce capitalisme est contrebandier. Sans visage, se dérobant derrière des prête-noms qui faussent les pistes menant à ses véritables commanditaires, il a germé dans les zones de non-droit de la bureaucratie qui lui a délégué le pouvoir occulte d’intervenir, pour son compte et grâce à l’argent public, dans les secteurs névralgiques de l’économie.

    Sa vocation n’est pas de produire pas plus que sa structure n’est familiale comme le sont celles du capitalisme légal. Empruntant certaines de ses techniques à la course de la Régence, il s’organisa en nébuleuse spécialisée dans la seule importation des biens de consommation, un terrain de prédilection dont les espaces sont répartis entre ses différents démembrements, baronnies et cartels, selon les règles, en usage au sein des camorras étrangères.

    Le programme anti-pénurie, imaginé en 1979, par le gouvernement Mohamed Ben Ahmed Abdelghani, dans le but de reconvertir certaines franges de la clientèle de la bourgeoisie d’Etat et accélérer l’accumulation du capital, pro domo, sans passer par l’écueil difficile de la capitainerie d’industrie, fut sa première rampe de lancement.Une partie de la nomenklatura, civile et militaire, put, ainsi, s’investir dans ces activités lucratives, sans débourser un centime de sa poche et sans déployer les trésors d’inventivité requis. Il suffisait de téléphoner à la banque et de tisser des réseaux internationaux d’approvisionnement – français puis chinois, turcs, syriens, malaisiens et vietnamiens — ravis de cette merveilleuse aubaine.

    Secondés par les trafiquants de drogue, de cigarettes, de voitures, d’essence, de cheptel et de produits alimentaires, aux frontières, ces nouveaux «bourgeois» accaparèrent, avec une stupéfiante témérité, de moyens colossaux qui contribuèrent, vite, à la création de puissances d’argent aux ambitions démesurées. Et voilà que le wahhabisme à la recherche d’un espace vital idéologique, leur offre «la chance historique» de partir à la conquête du pouvoir en leur faisant enfiler la toge de l’Islam intégriste dans une Algérie décrétée laboratoire politique.

    Clandestins tolérés avec Bouyali, imprudemment légalisés avec Abassi, Belhadj, Nahnah, Djaballah et encouragés par les réactions timorées d’un Etat assommé par leur victoire à la première consultation électorale de 1990, les bazaris crurent que la République leur était tombée entre les mains, comme un fruit blet, au soir du premier tour d’une parodie de scrutin validée par Chadli Bendjedid et Abdelaziz Belkhadem, maintenus au sommet, dans le cadre d’une cohabitation secrètement négociée. La bourgeoisie d’Etat ébranlée dans sa base économique par le plan d’ajustement structurel du FMI et dans sa super- structure par la tentative de mise à mort de la République ne dut son salut qu’au sursaut de l’Armée nationale populaire et de la société civile qui débouta le bazar de son insolente prétention, après 10 ans d’une guerre sanglante ou le désarroi du peuple le disputa, longuement, aux calculs et à la ruse d’une classe politique divisée entre réconciliateurs et éradicateurs. Le redressement national opéré, avec un appui populaire massif, par le Président Liamine Zeroual était sur le point d’avoir raison, militairement et politiquement, du terrorisme islamiste quand, subitement, à la faveur d’un recul de la ligne de fermeté dû à une indécision inconséquente de certains cercles dirigeants soumis aux pressions étrangères, l’Etat procéda, avec l’arrivée, en 1999, de Abdelaziz Bouteflika à la magistrature suprême, à un brusque revirement par le subterfuge duquel - la loi sur la réconciliation nationale - la société algérienne et les armées islamistes furent renvoyés dos à dos sans que les responsables de «la tragédie nationale» eurent rendu de comptes dans les procès publics réclamés par les familles des centaines de milliers de victimes.

    A l’évidence, le fléau de la balance avait penché du côté de ceux qui, non seulement, se refusèrent à faire rendre la justice demandée, mais s’employèrent, par la force de la politique permissive de «la repentance», à conserver, voire à renforcer le cordon ombilical qui les liait, économiquement et politiquement, à la coalition des conservatismes dont les fortunes, loin d’être inquiétées, furent, au contraire, créditées de bonus et de primes versés à une multitude de chefs cooptés pour faire partie de la nouvelle clientèle, la base élargie d’un Etat qui n’avait plus rien à voir avec celui projeté par la Proclamation du 19 juin 1965. Les affaiblissements ainsi cumulés ouvrirent de grands boulevards aux involutions et retournements contre-nature que l’offensive du néo-libéralisme, lancée en 2009, compta rendre irréversibles, en accentuant le déplacement à droite de l’axe sur lequel l’Etat s’était positionné depuis 1962.

    Pensant lui aussi que son heure était venue pour contrôler les leviers du pouvoir, avec le soutien du capitalisme international, il plaça ses agents dans le cœur même du système, le ministère de l’Energie, Sonatrach et les banques, afin de travailler à livrer le plus clair des ressources du sous-sol algérien aux majors américains par le truchement d’une loi signée par le premier magistrat du pays.

    Cette forfaiture devait achever le processus commencé par le gouvernement Abdelhamid Brahimi et poursuivi par les gouvernements Sid-Ahmed Ghozali et Ahmed Ouyahia qui permirent aux capitalistes étrangers de s’adjuger, en toute quiétude, les fleurons de l’économie nationale et de conquérir, en joint-venture, des parts considérables dans les secteurs de l’industrie, des banques, des télécommunications, de l’hôtellerie et, indirectement, de l’automobile, via le concessionariat, en sus de celles qu’ils détenaient, depuis plusieurs années déjà, dans les hydrocarbures. La riposte ne tarda, heureusement, pas à venir, quoique lentement et avec moins de fracas qu’en 1991, déclenchée, une fois de plus par le segment de l’establishment dit positif. La loi décriée fut rapportée et le fléau de la balance revint, apparemment, à sa place, se parant des couleurs d’un patriotisme économique bien pâles. Le capitalisme légal, qui avait été, contre toute attente, l’un des premiers à parrainer l’idée d’un troisième mandat présidentiel et à avaliser le projet de trituration de la Constitution, choisit ce moment précis pour reprendre à son compte les thèses du néo-libéralisme et tenter de porter l’estocade à la bourgeoisie d’Etat, son ennemi de toujours, de nouveau affaiblie.

    ./..
    Othmane BENZAGHOU

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    • #3
      III- Le capitalisme légal
      De structure familiale, le capitalisme légal possède une tradition ancienne, née dans le sillage de la colonisation qui lui réserva, surtout après le centenaire, quelques espaces d’implantation dans la manufacture et les services comme les limonaderies, les huileries, la torréfaction, le tabac, l’hôtellerie, la bijouterie etc. localisées à Alger, Oran et Constantine.

      Ses enseignes emblématiques étaient les Bentchicou, Massali, Hamoud, Tamzali, Tiar, Bouzar, Mansali qui émérgèrent aux côtés des mandataires des Halles de Belcourt et des féodaux latifundiaires grandis sur les Hauts-Plateaux et au Sahara, à l’ombre de Borgeaud, de Raynaud, des Cent Familles et de l’Administration militaire du Sud.

      Déclaré, dans un premier temps, entre 1962 et 1978, persona non grata, au grand dam d’un certain Tiano, alors, professeur d’économie politique à l’université d’Alger, venu de celle de Rabat, enseigner l’anti- socialisme, ce capitalisme réapparut, à la faveur des réformes du gouvernement Mouloud Hamrouche qui lui reconnut, en 1989, une place à part entière dans le processus du développement national.

      Cantonné dans les secteurs du BTP, du montage électronique, des produits pharmaceutiques, de l’agro-alimentaire, du plastique, des cosmétiques et du textile, il enregistra un boom sans précédent avec l’apparition des groupes Condor, Bya Electronic, Starlight, Cevital, Sim, ETRHB, Biopharm, Tonic… Les success-stories de ce capitalisme-là ne se comptèrent plus et les ménages s’habituèrent à consommer les produits fabriqués par les entreprises de Hamiani, Benamor, Bellat, Othmani, Ramdane, Ezzraïmi, Benhamadi, Rebrab, Haddad, Kerrar, Sahraoui, Chaâbani… A ses vieilles strates d’avant l’indépendance sont venues s’ajouter, à l’époque de Houari Boumediène, celles formées par les anciens moudjahidine et hauts gradés retraités de l’Armée invités à choisir «entre la Révolution et la fortune», suivis par les heureux gagnants à la loterie de la privatisation des «petits copains», durant le mandat de Chadli Bendjedid. D’autres, plus récents, se sont embarqués dans l’aventure de la presse «indépendante», de l’audiovisuel offshore et du football professionnel, les antennes visibles d’un affairisme sous-marin téléguidé.

      Quelle est la capacité de ce capitalisme à fournir au développement le rendement attendu par le pays ? Est-il en mesure de conduire, sur une position prédominante, une politique qui servirait les intérêts de la société en général ? Possède-t-il les capitaux suffisants, des cadres de haut niveau et des infrastructures lourdes pour le faire ? A entendre ses courtiers le réclamer dans les forums et les think-tanks, la réponse est oui, à la condition que l’Etat lui déblaye le terrain, déréglemente les secteurs-clefs de l’économie, déflexibilise le travail, rogne sur les budgets sociaux, freine les dépenses publiques, renonce aux grands travaux keynesiens, tout ce que le capitalisme ultra-libéral mondial exige des rares Etats qui lui tiennent encore, tête en Europe, en Amérique latine et ailleurs.

      Personne n’ignore, cependant, à commencer par les zélateurs de cette ligne que la recette a échoué dans tous les pays où elle a été expérimentée, outre le fait que le fossé est béant entre les affirmations théoriques et l’envergure réelle du capitalisme national légal qui demeure, essentiellement, familial et, de surcroît, sujet aux tentations du trabendisme et de la sous-traitance pour le compte du capitalisme international.

      Les Algériens ne veulent pas de ce capitalisme qui licencie, lamine le pouvoir d’achat, ruine les retraités et les petits épargnants, délocalise pour maintenir les super profits et le train de vie du patronat à leur plus haut niveau.

      Encore moins du capitalisme des dictatures de Franco, de Salazar, de Pinochet, de Park Chung Hee, d’Ismet Inonu et des colonels grecs qui avaient sacrifié, au siècle dernier, trois générations de travailleurs de leur pays sur l’autel de l’empire des Samsung, Kia, Fagor, Indesit, Beko, Seat…

      A la rigueur, si les néo-libéraux nationaux avaient proposé de construire, sous leur direction - une hypothèse peu plausible - un modèle social-démocrate ou patrons et syndicats garantissent, par le biais d’un dialogue permanent, un équilibre satisfaisant entre investissement, répartition et épargne et veillent à ce que les dividendes ne dépassent pas un certain plafond et que les salaires ne descendent pas en dessous d’un seuil négocié, les Algériens leur auraient, peut-être, prêté oreille et demandé à voir.

      Il n’est pas interdit d’en rêver si les préalables d’une telle projection existaient ailleurs que dans leurs fantasmes. Mais voilà, les statistiques publiées par l’ONS, au début de l’année 2013, sont catégoriques et inclinent plutôt au scepticisme, quant aux capacités réelles de ce secteur à concrétiser ces spéculations. La majorité des entreprises privées, plus que petites, à l’exception de quelques-unes, emploient entre 5 et 10 salariés ; elles interviennent dans le créneau des services plus que dans celui de l’industrie ou le montage et la transformation de base se partagent les ratios les plus importants et ne fonctionnent que grâce au puissant soutien bancaire et fiscal de l’Etat. La structure familiale qui est consubstantielle au capitalisme légal n’a pas évolué et n’a, par conséquent, pas permis son ouverture à l’actionnariat, contrairement aux grandes familles bourgeoises étrangères, les Rockefeller, Honda, Berliet, Ricard… qui se sont, depuis longtemps, libérées de ce carcan, après avoir, en plus, soumis plusieurs de leurs générations aux rigueurs de la contre-maîtrise afin de perpétuer le savoir-faire des capitaines d’industrie. A-t-on alors, dans notre cas, affaire, seulement, à un vulgaire capitalisme de la mamelle, auquel on ne connaît aucun parti, incapable de se passer de tuteur, aux appétits disproportionnés, par rapport à sa taille et, déjà, supplanté sur les bancs du Parlement, par les milliardaires représentant le capitalisme informel et les partis conservateurs plus véloces que les organisations patronales dont le nombre avoisine, selon Issad Rebrab, dix-sept, une dispersion des forces qui trahit le manque d’homogénéité de ses expressions structurées ? Oui et non !

      Oui, si on se réfère aux scénarios des tripartites auxquelles il se présente, à chaque fois, avec un cahier de doléances de lobby qui ressort plus de la demande d’assistance que d’une vision et d’un programme étayés par une doctrine réaliste et un solide bargaining power. Non, quand on prend en considération les nouvelles tendances que certains de ses leaders manifestent dans leur approche de la croissance, en particulier à l’international, appuyée sur des bassins performants de l’économie intelligente.

      ./..
      Othmane BENZAGHOU

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      • #4
        IV- La perspective de 2014
        A l’approche de 2014, qui constitue un grand virage que le pays s’apprête à négocier avec beaucoup de circonspection, les trois capitalismes algériens donnent l’impression de tenter de se repositionner en fonction des nouvelles réalités nationales, régionales et internationales, en sachant que cela va entraîner, infailliblement, des mises et des remises en cause, des reclassements et aussi des concessions et des renoncements, déterminés, en principe, par la seule envergure et les seuls atouts de chacun. Les révoltes, qui ont déstabilisé les fondations du libéralisme dans de vieux pays, la Grèce et le Canada et dans de plus jeunes, la Turquie et le Brésil, constituent une mine d’enseignements qui leur a appris que le libéralisme n’est plus, forcément, synonyme de démocratie comme l’autoritarisme n’est plus en mesure de produire du mouvement.

        Que faire, alors, au moment ou la société algérienne se différencie, s’autonomise, veut vivre son temps et casser les tabous qui la gênent dans sa progression ?

        Que faire, alors que la démographie du pays va radicalement changer, à l’horizon 2050, et que le Niger et le Mali frapperont à ses frontières avec plus de 250 millions d’habitants à eux deux ? Les trois capitalismes savent qu’ils vont être obligés de se réviser, structurellement et à s’adapter aux tendances lourdes qui sont en train de dessiner une grande partie de leur évolution future, à défaut de quoi, ils risqueraient de se faire éliminer par plus fort qu’eux. Le capitalisme d’Etat détient les cinq grands nerfs de la politique et de l’économie qui font sa toute puissance : le pétrole, les banques, l’administration, les cadres et les médias qui l’élisent, incontestablement, au rôle de principal acteur du développement du pays, un rôle qu’il pourrait rejouer dans des conditions d’aisance financière autrement plus avantageuses que celles qui prévalaient au cours des années 1970. Aujourd’hui qu’il est sacré pivot régional par les contingences sécuritaires et qu’il constitue le seul point d’équilibre en Afrique du Nord et au Sahel, il dispose d’une marge de manœuvre plus large pour se recentrer sur des tâches macro-économiques qui semblent être à sa portée : réindustrialisation du pays, renationalisation des grandes entreprises qu’il a dû céder dans les années 1990-2000 au capitalisme international, réinsertion de l’armée dans le processus en tant qu’entrepreneur à part entière, installation, en Algérie, de «Chenai» Indiens, modèles exemplaires de partenariat, construction de nouvelles villes, extension vers le Sud, investissement dans l’exploration intensive des gisements de pétrole et de gaz de schiste ainsi que dans l’exploitation, à grande échelle, de l’énergie solaire…

        Ses doctrinaires le voient plus proche du modèle chinois, en référence aux dénominateurs communs historiques, idéologiques et sociologiques des expériences sino-algériennes que des modèles allemand et japonais, recommandés par certains économistes qui semblent oublier que l’Algérie n’a jamais été, dans une autre vie, une Prusse dirigée par Bismarck ou un Empire du Soleil levant sur lequel régnait le Meiji. Cette stratégie dont l’observateur voit poindre quelques-unes des cartes maîtresses pèche, néanmoins, par son caractère hésitant et incomplet, conçue qu’elle est dans l’urgence face au brusque et inquiétant renversement de l’équilibre de la balance commerciale et de paiements et sans dire le sort qu’elle compte réserver au capitalisme informel et aux mafias d’Etat, relais du capitalisme international, le nœud gordien de la question.

        Le capitalisme d’Etat est-il devenu suffisamment autonome pour s’attaquer à cette forteresse et à ses appuis suractifs en son centre, en soumettant les prédateurs, responsables des scandales de Sonatrach, de BRC et du pétrole noir, aux lois de la République ?

        Se résoudra-t-il à dépasser les conflits idéologiques et économiques (voir l’EPAD et Michelin) qui l’opposent au capitalisme légal et à nouer une alliance stratégique avec ses segments qui tirent vers le haut tout en se dégageant des pesanteurs de l’archéo-syndicalisme et en légalisant le pluralisme syndical, plus représentatif ? C’est à l’aune de ces réorientations et à celle de la batterie de bien d’autres – révision des Accords avec l’Union européenne et la Ligue arabe, négociation souveraine de l’entrée de l’Algérie à l’OMC transparence dans la gestion des fonds de garantie, lutte contre l’évasion des capitaux à l’étranger et les paradis fiscaux, ruptures avec les politiques de subvention, remise en selle de l’autonomie des entreprises publiques et de la Banque centrale et contrôle de l’exécution des lois de finances – que l’on évaluera ses capacités à se réformer et à s’engager sur une voie qui le conduirait à évoluer dans un Etat réellement démocratique dont le socle sera formé par les classes moyennes, majoritaires au sein de la société, le projet-phare du président Houari Boumediène. A charge pour le capitalisme légal de s’inscrire dans cette dynamique et d’y occuper une place naturelle en se débarrassant de ses vieux démons qui le firent fustiger sous les mandats d’Ahmed Ben Bella et de Houari Boumediène, la seule alternative qui lui reste pour surclasser le capitalisme informel plus féroce depuis «les révoltes arabes» et sur les effets d'entraînement desquels il parie toute sa mise pour conquérir l’Etat et l’asservir à son idéologie hégémonique.

        Face à ces concurrences et à leurs enjeux, face aux mafias d’Etat et aux convoitises du capitalisme international, qu’est-ce que les classes populaires peuvent-elles faire ? Ce sera l’objet du prochain article intitulé «La faillite de l’archéo-syndicalisme ugtiste».
        Othmane BENZAGHOU

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        • #5
          Article intéressant qui plante le décors. Mis à part certaines contre vérités, notamment concernant le pétrole algérien que Boumedienne déjà avait offert à 49% aux majors américaines, politique qui justement avait été modifiée par Chadli qui nationalisa le pétrole à 100%. L'affaire El Paso, le scandale Sonatrach de l'époque Boumedienne; qui n'en était pas mais a permis à Chadli de jeter en pâture les cadres de l’énergie de l'époque accusés de brader les ressources algériennes, et les décideurs de changer de virage, en était la pierre inaugurale de ces nouveaux arbitrages...

          On aurait aimé qu'il s'appesanti un peu plus sur l'efficacité de ce capitalisme d'état et sa capacité à poursuivre une politique autre qu'une politique keynesienne, celle des années 2000. L'état qui s'est avéré incapable de gérer les grandes entités économiques qu'il a créé, adopte comme le mentionne bien l'auteur le modèle chinois, basé sur une partenariat publique/étranger, chargé de ramener la technologie, transférer les compétences et un managment étranger...

          Cependant, le marché algérien n'est pas le marché chinois, la capacité compétitive algérienne n'est pas encore au niveau de celle de la Chine, et il semble que le modèle basé sur l'exportation est loin de tout débat en Algérie. On en est à peine à parler marché algérien, encore moins marché régional, et certainement pas marché international... Ce modèle permettra réellement le démarrage économique de l'Algérie? personnellement je considère qu'il est inadapté aux réalités économiques algériennes...

          Quand on connait mieux les conditions réelles de travail des chinois, on évite d'affirmer certaines contre vérités...
          Dernière modification par ott, 09 octobre 2013, 21h30.
          Othmane BENZAGHOU

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