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Suis-je ce voyageur venu d’un autre monde ?
Les pavés sont de sable où s’effacent mes pas !
En moi, j’écoute sourdre une plainte profonde :
j’appelle un nom, des lieux et ne me souviens pas !
Je ne reconnais pas la route que j’ai prise …
Le jour va se lever sur la ville qui dort,
un vacillement bleu lèche la dalle grise,
dans le silence, il pleut sur l’oubli d’une mort.
Un songe se déchire aux griffes de la terre
et traîne ses lambeaux à l’horizon mouvant ;
L’arbre strié de pluie égoutte son mystère
par les pieds d’un pendu qui se balance au vent,
ses yeux figés sur le lointain des branches nues …
Dans le square où l’ennui tourne en rond près du jet,
je n’ai croisé qu’un regard glauque des statues …
Nul ne semble en savoir plus long à mon sujet !
Quels sont ces cris, ces pleurs, qui hantent ma mémoire ?
La rue est moite : on voit qu’hier fut jour de deuil…
Plus loin, c’est ma maison : une tenture noire,
de ses franges d’argent en interdit le seuil.
Quel appel vrillera ma tragique amnésie ?
Quel amour me rendra le souffle essentiel ?
Je veux enfin savoir le nom de ce sosie
dont j’imite le chant quand j’implore le ciel,
Le nom de ce pendu sous les murs de la ville !
Il serrait dans ses doigts un livre que j’aimais…
Il avait retrouvé ce sourire tranquille
d’un amour absolu qui finit jamais !...
Jean Fabrezan