Maroc, le triomphe de la forfaiture
Publié le dimanche 13 octobre 2013 13:07
A l'heure où le Maroc postule pour un siège au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, il est bon de rappeler qu'en matière de forfaiture, notre pays n'a plus rien à prouver.
Le 17 septembre, au petit matin, la Brigade de police judiciaire arrêtait Ali Anouzla, Directeur de publication du journal électronique Lakome, pour avoir publié un article faisant état d'une vidéo d'AQMI menaçant le Maroc. En appui de cette information, le journal mentionnait un lien renvoyant vers le journal espagnol « El Païs » qui publiait le film en question, intitulé « Maroc, le royaume de la corruption et du despotisme ». Le journaliste est jeté en prison après une garde-à-vue de huit jours, avec les charges surréalistes, d'apologie du terrorisme et d'aide et assistance à une entreprise terroriste.
Quelques jours plus tard, le 30 septembre, lorsque l'ex-ministre marocain des affaires étrangères et de la coopération, Saad Eddine El Othmani, défend devant la soixante-huitième (68) session des Nations unies, à New York, la candidature du Maroc au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, pour la période 2014-2016, il n'ignore pas que son pays vient d'envoyer un innocent en prison. Pas plus qu'il n'ignore que le pays se fourvoie, à nouveau, dans une campagne de répression qui ne dit pas son nom et qui démontre à quel point le régime qui a échappé de peu au séisme du Printemps arabe, refuse obstinément de tirer les leçons du passé.
La forfaiture en système de gouvernance, l'exception marocaine
Rien n'est plus insupportable que dénoncer son pays, mais rien n'est plus intolérable que de se taire, lorsque ce dernier commet l'irréparable. Cette maxime est le fondement même de toute démocratie. La liberté, la justice et la dignité sont à ce prix. Une maxime à graver, un jour, aux frontons de nos institutions, en souvenir de tous ceux qui sacrifièrent leur vie, leur liberté, leur carrière, ou simplement leur droit à la parole, pour avoir accompli leur devoir citoyen de dénoncer un crime, une injustice ou une forfaiture.
A l'heure où le Maroc postule pour un siège au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, il est bon de rappeler qu'en matière de forfaiture, notre pays n'a plus rien à prouver. Il a tout inventé. En économie, Hassan II avait tout confisqué, après avoir fait semblant de «marocaniser». Il se comportait avec la courtisanerie comme un dieu qui pouvait vous attribuer aujourd'hui, ce qu'il vous confisquera le lendemain, si vous deviez, ne serait-ce que lui déplaire. Pour les autres, les opposants, il avait ses chambres de tortures, ses bagnes mouroirs, ses exécutions sommaires et ses fosses communes, dans un black-out total. Les parodies de procès n'avaient pour seul but que celui de lustrer la façade internationale du régime. Au semblant de légalité dispensée par les jugements des tribunaux, succédait alors la grâce du tyran. Généreuse, royale, divine même, elle était principalement destinée à séduire le petit peuple et entretenir dans l'imaginaire collectif, l'image du bon roi. Clément et miséricordieux.
Des forfaitures économiques par brassées
Mohammed VI ne se comporte guère différemment. Même si toutefois, lui et les siens, doivent nourrir une bien sévère nostalgie pour ces temps bénis où les dictateurs pouvaient encore jeter une chape de plomb étanche sur leurs exactions. Les tyrans s'éprouvent malchanceux de vivre à une époque où l'information voyage à la vitesse de l'éclair. Tant et si bien que leurs forfaitures et leurs basses besognes à peines accomplies, se retrouvent dans les pipe-lines des rédactions et des réseaux sociaux.
C'est ainsi que l'on sut que le roi qui se trouve officiellement, à la tête d'une fortune personnelle estimée à plus de deux milliards cinq cents millions (2.500.000.000) de dollars, estimation largement minorée, n'en continue pas moins de ponctionner annuellement, au trésor public marocain trois cent seize millions sept cent mille (316.700.000) dollars (vingt quatre fois le budget de la monarchie espagnole), dans un pays où la misère est une pandémie.
C'est ainsi également, que l'on apprit comment Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi et son âme damnée, à qui l'on doit la pollution visuelle de nos villes, à coups de panneaux publicitaires géants de sa société FC-Com avait, en 2005, mis la main, sur un terrain « Habous », (biens de main morte gérés par l'Etat) avec la connivence du ministre en charge du département. Quatre hectares et demi (4,5), en zone touristique à Taroudant au prix ridicule de cinquante (50) dirhams le mètre carré, dans une zone où le commun des mortels doit débourser dix (10) à quinze (15) fois plus. Quelques mois plus tard, en 2008, l'homme, bombardé Président du Fath Union Sport (FUS), récidivait en tentant de mettre la main au dirham symbolique, sur les deux hectares et demi (2.5) de terrain, appartenant à la ville de Rabat et sur lequel évolue le club sportif, contre la promesse d'un nouveau complexe sportif. La péréquation devait permettre à notre homme, de réaliser un projet immobilier et commercial en plein centre de Rabat, au prix de vente du mètre carré construit avoisinant les trente mille (30.000) dirhams.
C'est aussi de cette façon que l'on apprit comment deux hauts fonctionnaires, le ministre de l'économie et des finances, Salaheddine Mezouar et Nourredine Bensouda, trésorier général du Royaume et ancien camarade de classe du roi avaient joué à un ping-pong incestueux, avec l'argent du contribuable en se « téléphonant » des primes exorbitantes. Un échange de bons procédés, dignes d'une mafia.
C'est encore ainsi que l'on apprit comment Moncef Belkhayat, alors ministre de la jeunesse et des sports aimait tant les Audi A8, qu'il en loua une, aux frais du contribuable, pour une durée de trente six mois (36) mois, pour un montant total de trois millions deux cent quarante mille (3.240.000) dirhams, le prix approximatif de trois véhicules du même modèle. Et comment le même homme fit attribuer à Bull Maroc dont un membre de sa famille, Mehdi Kettani est le Président Directeur Général, un contrat de services informatiques, pour son département pour une valeur de plusieurs dizaines de millions de dirhams.
C'est ainsi que l'on sut également comment la holding du roi, la « Société Nationale d'Investissement » (SNI) empoisonne depuis plusieurs décennies, les populations d'Imider, dans l'Atlas marocain, en captant dans un premier temps, les eaux de la nappe phréatique servant à ces derniers d'eau potable, avant de les rejeter chargées des scories du minerai, de cyanure et de mercure provenant de sa mine d'argent.
C'est ainsi que l'on apprit également comment Yasmina Baddou, ancienne ministre de la santé publique et son époux, Ali Fassi-Fihri, Directeur général de l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) et Président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), tous deux proches du Palais, avaient acquis, pour deux millions d'Euros, deux appartements au 48 rue Bassano et au 15 rue Magellan à Paris, au mépris de la législation marocaine des changes et sans que jamais, une enquête n'ait été diligentée par la justice marocaine, à propos de la provenance des fonds.
C'est ainsi que les nouvelles de la grâce royale d'un pédophile espagnol et d'un trafiquant de drogue avant même que ce dernier ne soit jugé, se répandirent comme traînée de poudre et rallumèrent la flamme de la contestation qui somnolait en cet été 2013
(àsuivre)
Publié le dimanche 13 octobre 2013 13:07
A l'heure où le Maroc postule pour un siège au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, il est bon de rappeler qu'en matière de forfaiture, notre pays n'a plus rien à prouver.
Le 17 septembre, au petit matin, la Brigade de police judiciaire arrêtait Ali Anouzla, Directeur de publication du journal électronique Lakome, pour avoir publié un article faisant état d'une vidéo d'AQMI menaçant le Maroc. En appui de cette information, le journal mentionnait un lien renvoyant vers le journal espagnol « El Païs » qui publiait le film en question, intitulé « Maroc, le royaume de la corruption et du despotisme ». Le journaliste est jeté en prison après une garde-à-vue de huit jours, avec les charges surréalistes, d'apologie du terrorisme et d'aide et assistance à une entreprise terroriste.
Quelques jours plus tard, le 30 septembre, lorsque l'ex-ministre marocain des affaires étrangères et de la coopération, Saad Eddine El Othmani, défend devant la soixante-huitième (68) session des Nations unies, à New York, la candidature du Maroc au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, pour la période 2014-2016, il n'ignore pas que son pays vient d'envoyer un innocent en prison. Pas plus qu'il n'ignore que le pays se fourvoie, à nouveau, dans une campagne de répression qui ne dit pas son nom et qui démontre à quel point le régime qui a échappé de peu au séisme du Printemps arabe, refuse obstinément de tirer les leçons du passé.
La forfaiture en système de gouvernance, l'exception marocaine
Rien n'est plus insupportable que dénoncer son pays, mais rien n'est plus intolérable que de se taire, lorsque ce dernier commet l'irréparable. Cette maxime est le fondement même de toute démocratie. La liberté, la justice et la dignité sont à ce prix. Une maxime à graver, un jour, aux frontons de nos institutions, en souvenir de tous ceux qui sacrifièrent leur vie, leur liberté, leur carrière, ou simplement leur droit à la parole, pour avoir accompli leur devoir citoyen de dénoncer un crime, une injustice ou une forfaiture.
A l'heure où le Maroc postule pour un siège au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, il est bon de rappeler qu'en matière de forfaiture, notre pays n'a plus rien à prouver. Il a tout inventé. En économie, Hassan II avait tout confisqué, après avoir fait semblant de «marocaniser». Il se comportait avec la courtisanerie comme un dieu qui pouvait vous attribuer aujourd'hui, ce qu'il vous confisquera le lendemain, si vous deviez, ne serait-ce que lui déplaire. Pour les autres, les opposants, il avait ses chambres de tortures, ses bagnes mouroirs, ses exécutions sommaires et ses fosses communes, dans un black-out total. Les parodies de procès n'avaient pour seul but que celui de lustrer la façade internationale du régime. Au semblant de légalité dispensée par les jugements des tribunaux, succédait alors la grâce du tyran. Généreuse, royale, divine même, elle était principalement destinée à séduire le petit peuple et entretenir dans l'imaginaire collectif, l'image du bon roi. Clément et miséricordieux.
Des forfaitures économiques par brassées
Mohammed VI ne se comporte guère différemment. Même si toutefois, lui et les siens, doivent nourrir une bien sévère nostalgie pour ces temps bénis où les dictateurs pouvaient encore jeter une chape de plomb étanche sur leurs exactions. Les tyrans s'éprouvent malchanceux de vivre à une époque où l'information voyage à la vitesse de l'éclair. Tant et si bien que leurs forfaitures et leurs basses besognes à peines accomplies, se retrouvent dans les pipe-lines des rédactions et des réseaux sociaux.
C'est ainsi que l'on sut que le roi qui se trouve officiellement, à la tête d'une fortune personnelle estimée à plus de deux milliards cinq cents millions (2.500.000.000) de dollars, estimation largement minorée, n'en continue pas moins de ponctionner annuellement, au trésor public marocain trois cent seize millions sept cent mille (316.700.000) dollars (vingt quatre fois le budget de la monarchie espagnole), dans un pays où la misère est une pandémie.
C'est ainsi également, que l'on apprit comment Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi et son âme damnée, à qui l'on doit la pollution visuelle de nos villes, à coups de panneaux publicitaires géants de sa société FC-Com avait, en 2005, mis la main, sur un terrain « Habous », (biens de main morte gérés par l'Etat) avec la connivence du ministre en charge du département. Quatre hectares et demi (4,5), en zone touristique à Taroudant au prix ridicule de cinquante (50) dirhams le mètre carré, dans une zone où le commun des mortels doit débourser dix (10) à quinze (15) fois plus. Quelques mois plus tard, en 2008, l'homme, bombardé Président du Fath Union Sport (FUS), récidivait en tentant de mettre la main au dirham symbolique, sur les deux hectares et demi (2.5) de terrain, appartenant à la ville de Rabat et sur lequel évolue le club sportif, contre la promesse d'un nouveau complexe sportif. La péréquation devait permettre à notre homme, de réaliser un projet immobilier et commercial en plein centre de Rabat, au prix de vente du mètre carré construit avoisinant les trente mille (30.000) dirhams.
C'est aussi de cette façon que l'on apprit comment deux hauts fonctionnaires, le ministre de l'économie et des finances, Salaheddine Mezouar et Nourredine Bensouda, trésorier général du Royaume et ancien camarade de classe du roi avaient joué à un ping-pong incestueux, avec l'argent du contribuable en se « téléphonant » des primes exorbitantes. Un échange de bons procédés, dignes d'une mafia.
C'est encore ainsi que l'on apprit comment Moncef Belkhayat, alors ministre de la jeunesse et des sports aimait tant les Audi A8, qu'il en loua une, aux frais du contribuable, pour une durée de trente six mois (36) mois, pour un montant total de trois millions deux cent quarante mille (3.240.000) dirhams, le prix approximatif de trois véhicules du même modèle. Et comment le même homme fit attribuer à Bull Maroc dont un membre de sa famille, Mehdi Kettani est le Président Directeur Général, un contrat de services informatiques, pour son département pour une valeur de plusieurs dizaines de millions de dirhams.
C'est ainsi que l'on sut également comment la holding du roi, la « Société Nationale d'Investissement » (SNI) empoisonne depuis plusieurs décennies, les populations d'Imider, dans l'Atlas marocain, en captant dans un premier temps, les eaux de la nappe phréatique servant à ces derniers d'eau potable, avant de les rejeter chargées des scories du minerai, de cyanure et de mercure provenant de sa mine d'argent.
C'est ainsi que l'on apprit également comment Yasmina Baddou, ancienne ministre de la santé publique et son époux, Ali Fassi-Fihri, Directeur général de l'Office national de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) et Président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), tous deux proches du Palais, avaient acquis, pour deux millions d'Euros, deux appartements au 48 rue Bassano et au 15 rue Magellan à Paris, au mépris de la législation marocaine des changes et sans que jamais, une enquête n'ait été diligentée par la justice marocaine, à propos de la provenance des fonds.
C'est ainsi que les nouvelles de la grâce royale d'un pédophile espagnol et d'un trafiquant de drogue avant même que ce dernier ne soit jugé, se répandirent comme traînée de poudre et rallumèrent la flamme de la contestation qui somnolait en cet été 2013
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