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LAMPEDUSA:Le désespoir plus fort que la mort

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  • LAMPEDUSA:Le désespoir plus fort que la mort

    Rien, hormis une profonde détresse, ne peut expliquer pourquoi des hommes et des femmes s'entassent par centaines dans des bateaux qui les envoient à la mort. Le journaliste décrit les méthodes inhumaines de la mafia qui contrôle les passages.

    Cette terre, leur terre, doit vraiment leur brûler les pieds pour qu'ils décident de se lancer dans la mer, sans savoir nager et sur le point d'accoucher, dans la cale d'un vieux bateau de pêche aux côtés de centaines de personnes désespérées, tassées les unes sur les autres, qui doivent faire leurs besoins sur elles non seulement parce qu'il n'y a qu'une seule toilette à bord, mais surtout parce que le moindre mouvement peut faire chavirer la barque.
    Le juge d'instruction Alberto Davico écoute avec attention le témoignage de certains des 155 survivants du naufrage du 3 octobre dernier devant l'île de Lampedusa, où 359 personnes ont trouvé la mort (dont 16 enfants).
    Ensuite, devant l'ordinateur, il rédige l'acte l'accusation à l'encontre de Khaled Bensalam, un Tunisien de 34 ans qui, selon les récits des migrants, pilotait l'embarcation pour le compte d'une organisation mafieuse : "On peut dire sans exagérer que ces méthodes de transport sont les mêmes que celles utilisées pour conduire les Juifs vers les camps de concentration."
    "Nous étions entassés"
    Les témoignages recueillis par le magistrat d'Agrigento en Sicile, dans le cadre de son enquête contre le dernier maillon des mafias, sont les mêmes que ceux des derniers migrants arrivés à Lampedusa ou à Malte lors du terrible exode de la fin de l'été. Des histoires des réseaux criminels très bien organisés qui, pour 1 200 euros par personne, organisent depuis un centre de recrutement à Tripoli, en Libye, les voyages des migrants jusqu'à Lampedusa.
    L'un des survivants, un Erythréen de 27 ans, raconte au juge Davico son calvaire : "Nous étions entassés les uns sur les autres, sans pouvoir bouger. Il y avait une seule toilette dans l'embarcation mais il était impossible de l'utiliser parce qu'on ne pouvait pas y arriver. Il fallait faire ses besoins sur soi ou uriner dans une bouteille. Le voyage a duré plus de 24 heures. Nous avions élu quatre représentants pour maintenir l'ordre parce que si nous avions tous bougé pendant le trajet l'embarcation aurait chaviré."
    Le naufrage continue
    Et c'est ce qui a fini par arriver. Le 3 octobre, devant Lampedusa, le bateau a pris feu alors que les migrants tentaient de se faire remarquer. Ils se sont alors massés d'un côté du bateau, et il a chaviré. Le même scénario s'est produit vendredi dernier entre Malte et la Sicile, quand les 250 occupants d'une embarcation ont essayé d'attirer l'attention d'un hélicoptère de sauvetage maltais. 206 migrants ont pu être sauvés, 34 sont morts noyés dont 10 enfants et un nombre encore inconnu de disparus. Selon plusieurs témoignages, il y avait 400 personnes à bord. Ce ne sont malheureusement pas les dernières victimes. Trois autres embarcations remplies de migrants ont dû être secourues hier par les navettes de la Marine italienne et par une patrouille de Malte.
    A Lampedusa, le naufrage continue. Après le départ des hauts dirigeants dans leurs berlines de luxes, emportant avec eux leurs promesses absurdes (comme les funérailles nationales promises par Enrico Letta), la Sicile fait de la nécessité une vertu afin d'offrir un lieu d'accueil aux survivants et un lopin de terre aux défunts. Un navire de guerre s'est chargé des 359 cercueils anonymes. Dont seize cercueils blancs. Et dix femmes enceintes qui ne se sont jamais révéillées du rêve d'une vie meilleure pour leurs enfants.

    El País| Pablo Ordaz 15/10/13
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