Olaf-de-paris4a Olaf de Paris consacre cette chronique au dernier livre d'Hamid Zanaz.
Traducteur et journaliste indépendant, Hamid Zanaz collabore à différentes publications arabes et françaises. Contributeur permanent à la revue de la ligue des rationalistes arabes, Al Awan, il donne aussi des conférences sur l'islam.
Il est l'auteur de nombreux essais, tant en arabe qu'en français, sur différents problèmes sociétaux touchant à la religion, à la sexualité, à la politique ou à la science dans le monde islamique, et intervient régulièrement dans des media divers, dont Riposte Laïque.
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Hamid Zanaz vient de publier aux Editions de Paris-Max Chaleil un court essai (79 pages), « L’islamisme, vrai visage de l’islam ».
Zanaz-integrismeIl s’y interroge dans un style clair et incisif, comme d’autres avant lui, sur la nature réelle du lien entre islam et islamisme, avec force argumentation et références. Il nous appelle à une très grande vigilance : l’islamisme n’est pas ce que le grand public en croit … Il n’est pas une déviation de l’islam, il ne relève pas d’une mauvaise compréhension de l’islam tel qu’il existe aujourd’hui, comme on nous le rabâche à longueur de temps. Il ne s’oppose pas au gentil islam de paix, censé être le vrai islam, que de vilains islamistes viendraient pervertir. Bien au contraire, l’islamisme participe de l’islam tel qu’il existe aujourd’hui, il lui est consubstantiel, et, sans cette dimension, l’islam n’aurait certainement pas pu se développer et ne saurait perdurer. Et même, il en constitue le vrai visage, pour reprendre le titre de son livre, ce qui doit nous appeler à la plus grande des circonspections dans notre façon de considérer l’islam.
Je vais tâcher au fil de cet article de vous faire découvrir la thèse d’Hamid Zanaz, comme il l’expose dans son essai. Je mêlerai certainement un peu de mes réflexions aux siennes, tant j’avoue bien les faire miennes, pour l’essentiel, comme vous le verrez.
Hamid Zanaz nous invite dès l’introduction de son essai à nous poser les vraies problématiques du fait musulman. A tous ses observateurs qui, prudemment, continuent de refuser l’association entre islamisme et islam, à ceux qui colportent et écrivent un peu partout que « le problème ce n’est pas l’islam, ce sont les islamistes », l’auteur oppose une pensée de simple bon sens pour les inciter à davantage de sens critique : l’intégrisme n’aurait pas pu séduire aussi vite tant de musulmans s’il n’avait pas une certaine familiarité avec le fond de l’islam. L’intégrisme n’est donc pas étranger à l’islam, et au-delà, l’observateur scrupuleux pourra même tirer les simples leçons suivantes de l’histoire du développement de l’islam :
L’extrémisme musulman est historiquement le moteur de l’expansion de l’islam. N’est ce pas à la pointe de l’épée qu’il s’est premièrement répandu dans le monde ?
L’extrémisme musulman contribue à souder la communauté, par la peur de sa violence notamment – et quand l’on sait que c’est notamment le fait communautaire, la cohésion voire la coercition du groupe sur l’individu, qui fait la force de l’islam, on réalise combien l’extrémisme participe de cette force.
L’extrémisme musulman continue de participer de l’expansion actuelle de l’islam car sa violence fait peur, voire très peur, et incite les non-musulmans à transiger, si ce n’est à se soumettre aux exigences de l’islam.
Ces trois éléments, objectifs, fondés, historiques suffisent déjà à nous montrer que le lien entre islam et islamisme est plus complexe que la sempiternelle rengaine vrai islam/méchants islamistes dévoyés ne nous le présente. Ils nous montrent que pour comprendre la dynamique intrinsèque de l’islam, ce qui le fait se développer, croitre, se répandre partout, il faut comprendre sa relation avec son extrémisme. Il faut étudier l’islam en profondeur, dans ses diverses facettes. C’est ce que nous nous proposons de faire avec Hamid Zanaz.
VIOLENCE
La norme de l’islam, c’est son intégrisme
Tout d’abord, il faut bien comprendre qu’en islam, comme dans les autres religions, être intégriste, c’est être intègre avec sa foi, son corpus doctrinal, et y aller jusque au bout : dans ce sens, l’intégrisme musulman révèle donc la vraie nature de l’islam. Et cette constatation, aussi choquante qu’elle puisse être à l’observateur nourri au politiquement correct, est pourtant quasi unanimement partagée dans nos sociétés : si l’on parle bien de « musulmans modérés » pour signifier leur caractère non violent, ouvert, libéral, c’est donc que le « musulman normal », non modéré, serait violent, serait fermé, serait totalisant … Voilà bien le problème avec l’islam : sa norme, c’est l’intégrisme, un intégrisme qui va de soi, qui coule de source, pratiquement, et qui n’a pas à se justifier de son islamité, contrairement à « l’islam modéré » couramment pratiqué en Occident.
Mais d’une certaine manière, si cet intégrisme a pu par le passé poser certains problèmes à l’Occident - si l’on peut parler ainsi de siècles de guerres et d’affrontements … - ainsi qu’aux sociétés musulmanes elles-mêmes, c’est l’irruption de la modernité qui fait de l’intégrisme, par réaction à celle-ci, un phénomène explosif. Talleyrand expliquait en son temps « qu’en politique, ce qui est cru est plus important que ce qui est vrai ». Et ainsi, tant que la vérité des faits n’a pas démenti l’intégrisme musulman, la norme islamique de la charia, comprise à la fois comme voie à suivre par les croyants au sens large, voie de Dieu, et comprise aussi dans son restrictif de loi religieuse et civile, cette norme islamique, donc, a pu se déployer gentiment dans les sociétés musulmanes. Mais la modernité a été introduite de force dans le monde musulman, par le développement de l’Occident, par le colonialisme, et par la mondialisation. Ce fut un choc terrible, un choc qui se poursuit et s’amplifie, celui de la modernité, le « sadmat al-hadatha », et dont le constat suivant fut formulé au début du siècle dernier au sein même du monde musulman : les musulmans régressent alors que les autres avancent ! Et voici que la réalité dément les croyances des musulmans dans une charia vue comme la meilleure des voies à emprunter, dans une oumma vue comme la meilleure des communautés. La vérité des faits s’oppose aux dogmes religieux, mais comme l’avait formulé Talleyrand, c’est ce qui est cru qui compte, même si c’est incohérent voire en complète opposition avec le réel. Ne s’agit-il pas de la définition médicale même de la schizophrénie ?
Puisque le choc de la modernité invalide les dogmes islamiques, il faut islamiser la modernité
De là la réaction des intégristes : puisque la modernité invalide les dogmes, il faut à tout prix islamiser la modernité. Quitte à utiliser pour cela les armes de la modernité elle-même, le schizophrène n’en étant plus à une contradiction près. Quitte également à s’opposer violemment aux tentatives inverses de modernisation de l’islam, comme par l’assassinat de Mahmoud Mohamed Taha, ce soudanais fondateur des Frères Républicains, une tentative de riposte par le moderne à l’initiative intégriste des Frères Musulmans.
Et c’est ainsi que la propulsion de l’intégrisme et de sa violence sur le devant de la scène a constitué plus que jamais un cadeau du ciel pour l’islam :
Effectivement, il polarise toutes les critiques, prend tous les coups, et sert en quelque sorte de bouclier à l’islam ;
Par contraste, il entretient la fausse impression que l’islam est par nature tolérant et paisible ;
Paradoxalement, il empêche la réforme de l’islam, en détournant les efforts des musulmans modernes vers le combat contre l’islamisme. Il contribue à déresponsabiliser l’islam.
Ainsi, l’intégrisme agit comme un « protège-islam », et l’on est en droit de se demander dans quelle mesure il n’est pas encouragé par ces modérés bien discrets, de façon à dissimuler le vrai visage de l’islam. « Sans intégrisme, leur version aseptisée de l’islam disparaitrait » écrit d’ailleurs Hamid Zanaz. Il avance ainsi que l’islamisme n’est en rien un dysfonctionnement de l’islam, mais qu’au contraire, il en constitue une dimension nécessaire à son fonctionnement. Entretenant le mythe de la religion de paix et d’amour pervertie par des vilains islamistes, il aide paradoxalement les musulmans modérés à gagner la confiance des mécréants, il expose la vulnérabilité de ces derniers, il contribue à laisser se développer l’islam en leur sein, pour pouvoir mieux les vaincre et prévaloir par la suite. Et l’observateur attentif remarquera qu’il s’agit là exactement du modèle de conduite posé par Mahomet à Médine (cela constitue d’ailleurs la deuxième phase du djihad ...).
Traducteur et journaliste indépendant, Hamid Zanaz collabore à différentes publications arabes et françaises. Contributeur permanent à la revue de la ligue des rationalistes arabes, Al Awan, il donne aussi des conférences sur l'islam.
Il est l'auteur de nombreux essais, tant en arabe qu'en français, sur différents problèmes sociétaux touchant à la religion, à la sexualité, à la politique ou à la science dans le monde islamique, et intervient régulièrement dans des media divers, dont Riposte Laïque.
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Hamid Zanaz vient de publier aux Editions de Paris-Max Chaleil un court essai (79 pages), « L’islamisme, vrai visage de l’islam ».
Zanaz-integrismeIl s’y interroge dans un style clair et incisif, comme d’autres avant lui, sur la nature réelle du lien entre islam et islamisme, avec force argumentation et références. Il nous appelle à une très grande vigilance : l’islamisme n’est pas ce que le grand public en croit … Il n’est pas une déviation de l’islam, il ne relève pas d’une mauvaise compréhension de l’islam tel qu’il existe aujourd’hui, comme on nous le rabâche à longueur de temps. Il ne s’oppose pas au gentil islam de paix, censé être le vrai islam, que de vilains islamistes viendraient pervertir. Bien au contraire, l’islamisme participe de l’islam tel qu’il existe aujourd’hui, il lui est consubstantiel, et, sans cette dimension, l’islam n’aurait certainement pas pu se développer et ne saurait perdurer. Et même, il en constitue le vrai visage, pour reprendre le titre de son livre, ce qui doit nous appeler à la plus grande des circonspections dans notre façon de considérer l’islam.
Je vais tâcher au fil de cet article de vous faire découvrir la thèse d’Hamid Zanaz, comme il l’expose dans son essai. Je mêlerai certainement un peu de mes réflexions aux siennes, tant j’avoue bien les faire miennes, pour l’essentiel, comme vous le verrez.
Hamid Zanaz nous invite dès l’introduction de son essai à nous poser les vraies problématiques du fait musulman. A tous ses observateurs qui, prudemment, continuent de refuser l’association entre islamisme et islam, à ceux qui colportent et écrivent un peu partout que « le problème ce n’est pas l’islam, ce sont les islamistes », l’auteur oppose une pensée de simple bon sens pour les inciter à davantage de sens critique : l’intégrisme n’aurait pas pu séduire aussi vite tant de musulmans s’il n’avait pas une certaine familiarité avec le fond de l’islam. L’intégrisme n’est donc pas étranger à l’islam, et au-delà, l’observateur scrupuleux pourra même tirer les simples leçons suivantes de l’histoire du développement de l’islam :
L’extrémisme musulman est historiquement le moteur de l’expansion de l’islam. N’est ce pas à la pointe de l’épée qu’il s’est premièrement répandu dans le monde ?
L’extrémisme musulman contribue à souder la communauté, par la peur de sa violence notamment – et quand l’on sait que c’est notamment le fait communautaire, la cohésion voire la coercition du groupe sur l’individu, qui fait la force de l’islam, on réalise combien l’extrémisme participe de cette force.
L’extrémisme musulman continue de participer de l’expansion actuelle de l’islam car sa violence fait peur, voire très peur, et incite les non-musulmans à transiger, si ce n’est à se soumettre aux exigences de l’islam.
Ces trois éléments, objectifs, fondés, historiques suffisent déjà à nous montrer que le lien entre islam et islamisme est plus complexe que la sempiternelle rengaine vrai islam/méchants islamistes dévoyés ne nous le présente. Ils nous montrent que pour comprendre la dynamique intrinsèque de l’islam, ce qui le fait se développer, croitre, se répandre partout, il faut comprendre sa relation avec son extrémisme. Il faut étudier l’islam en profondeur, dans ses diverses facettes. C’est ce que nous nous proposons de faire avec Hamid Zanaz.
VIOLENCE
La norme de l’islam, c’est son intégrisme
Tout d’abord, il faut bien comprendre qu’en islam, comme dans les autres religions, être intégriste, c’est être intègre avec sa foi, son corpus doctrinal, et y aller jusque au bout : dans ce sens, l’intégrisme musulman révèle donc la vraie nature de l’islam. Et cette constatation, aussi choquante qu’elle puisse être à l’observateur nourri au politiquement correct, est pourtant quasi unanimement partagée dans nos sociétés : si l’on parle bien de « musulmans modérés » pour signifier leur caractère non violent, ouvert, libéral, c’est donc que le « musulman normal », non modéré, serait violent, serait fermé, serait totalisant … Voilà bien le problème avec l’islam : sa norme, c’est l’intégrisme, un intégrisme qui va de soi, qui coule de source, pratiquement, et qui n’a pas à se justifier de son islamité, contrairement à « l’islam modéré » couramment pratiqué en Occident.
Mais d’une certaine manière, si cet intégrisme a pu par le passé poser certains problèmes à l’Occident - si l’on peut parler ainsi de siècles de guerres et d’affrontements … - ainsi qu’aux sociétés musulmanes elles-mêmes, c’est l’irruption de la modernité qui fait de l’intégrisme, par réaction à celle-ci, un phénomène explosif. Talleyrand expliquait en son temps « qu’en politique, ce qui est cru est plus important que ce qui est vrai ». Et ainsi, tant que la vérité des faits n’a pas démenti l’intégrisme musulman, la norme islamique de la charia, comprise à la fois comme voie à suivre par les croyants au sens large, voie de Dieu, et comprise aussi dans son restrictif de loi religieuse et civile, cette norme islamique, donc, a pu se déployer gentiment dans les sociétés musulmanes. Mais la modernité a été introduite de force dans le monde musulman, par le développement de l’Occident, par le colonialisme, et par la mondialisation. Ce fut un choc terrible, un choc qui se poursuit et s’amplifie, celui de la modernité, le « sadmat al-hadatha », et dont le constat suivant fut formulé au début du siècle dernier au sein même du monde musulman : les musulmans régressent alors que les autres avancent ! Et voici que la réalité dément les croyances des musulmans dans une charia vue comme la meilleure des voies à emprunter, dans une oumma vue comme la meilleure des communautés. La vérité des faits s’oppose aux dogmes religieux, mais comme l’avait formulé Talleyrand, c’est ce qui est cru qui compte, même si c’est incohérent voire en complète opposition avec le réel. Ne s’agit-il pas de la définition médicale même de la schizophrénie ?
Puisque le choc de la modernité invalide les dogmes islamiques, il faut islamiser la modernité
De là la réaction des intégristes : puisque la modernité invalide les dogmes, il faut à tout prix islamiser la modernité. Quitte à utiliser pour cela les armes de la modernité elle-même, le schizophrène n’en étant plus à une contradiction près. Quitte également à s’opposer violemment aux tentatives inverses de modernisation de l’islam, comme par l’assassinat de Mahmoud Mohamed Taha, ce soudanais fondateur des Frères Républicains, une tentative de riposte par le moderne à l’initiative intégriste des Frères Musulmans.
Et c’est ainsi que la propulsion de l’intégrisme et de sa violence sur le devant de la scène a constitué plus que jamais un cadeau du ciel pour l’islam :
Effectivement, il polarise toutes les critiques, prend tous les coups, et sert en quelque sorte de bouclier à l’islam ;
Par contraste, il entretient la fausse impression que l’islam est par nature tolérant et paisible ;
Paradoxalement, il empêche la réforme de l’islam, en détournant les efforts des musulmans modernes vers le combat contre l’islamisme. Il contribue à déresponsabiliser l’islam.
Ainsi, l’intégrisme agit comme un « protège-islam », et l’on est en droit de se demander dans quelle mesure il n’est pas encouragé par ces modérés bien discrets, de façon à dissimuler le vrai visage de l’islam. « Sans intégrisme, leur version aseptisée de l’islam disparaitrait » écrit d’ailleurs Hamid Zanaz. Il avance ainsi que l’islamisme n’est en rien un dysfonctionnement de l’islam, mais qu’au contraire, il en constitue une dimension nécessaire à son fonctionnement. Entretenant le mythe de la religion de paix et d’amour pervertie par des vilains islamistes, il aide paradoxalement les musulmans modérés à gagner la confiance des mécréants, il expose la vulnérabilité de ces derniers, il contribue à laisser se développer l’islam en leur sein, pour pouvoir mieux les vaincre et prévaloir par la suite. Et l’observateur attentif remarquera qu’il s’agit là exactement du modèle de conduite posé par Mahomet à Médine (cela constitue d’ailleurs la deuxième phase du djihad ...).
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